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Location en meublé professionnel

Mirages

La location en meublé professionnel (LMP) a séduit de nombreux particuliers attirés par ses nombreux avantages (déductions d'impôt, récupération de TVA...). Certains sont ruinés.

Sur le papier, le principe était séduisant. En achetant des appartements et en les louant meublés, des particuliers se voyaient proposer une diminution radicale de leur impôt sur le revenu. Moyennant quelques formalités, comme l'inscription au registre du commerce, le fisc allait leur reconnaître la qualité de loueur en meublé professionnel (LMP). Il les autoriserait en conséquence à récupérer de la TVA et à déduire de leurs impositions frais de gestion, taxes foncières et intérêts d'emprunt. Des mécanismes d'amortissement fiscal leur occasionneraient d'autres économies d'impôt substantielles, à l'issue de la période de remboursement.

Ils ont signé, emprunté, investi. Beaucoup sont aujourd'hui ruinés. La location en meublé professionnel a en effet tourné au cauchemar pour des centaines de contribuables. Ce n'était pas, a priori, les plus à plaindre. Le dispositif cible en effet les personnes aisées, puisque le statut LMP n'est accordé qu'à partir de 23 000 euros annuels de revenus locatifs. L'obtenir suppose de louer plusieurs appartements, achetés entre 100 000 et 150 000 euros pièce.

Ces dernières années, quelques promoteurs s'en sont fait une spécialité. Ils ont démarché activement les professions libérales et les hauts fonctionnaires, présentant la niche fiscale LMP comme une sorte de martingale, un placement « À tous les coups, on gagne ». Entre les remboursements de TVA, les déductions fiscales et les loyers, la machine devait s'autofinancer.

Montages incroyables

« Derrière une façade très séduisante, nous avons découvert des montages incroyables », relève Jean-Claude Gironde, président de l'Association de défense des investisseurs en LMP (ADI LMP). Celle-ci regroupe des victimes de Life Valley. Mise en redressement judiciaire il y a quelques mois, cette société proposait des résidences à la montagne, des résidences étudiantes et des résidences pour personnes âgées (reprises en partie par le groupe Quiétude).

« Son PDG, Jean-François Guinot, était convaincant, relève Jean-Claude Gironde. À l'en croire, il nous suffisait de signer, et sa société s'occupait de tout, de la négociation du prêt à la gestion des résidences, en passant par leur construction. »

La déconvenue a été brutale. « En dehors de la qualité des immeubles, indéniable, rien n'a donné satisfaction », résume un avocat fiscaliste en charge du dossier de certaines victimes. « Les loyers annoncés étaient trop élevés, les prix de vente également. Les résidences ne sont tout simplement pas rentables ! Le gestionnaire se servait des honoraires très confortables, ce qui a valu aux investisseurs des redressements fiscaux. En tant que loueur en meublé professionnel, ils avaient le droit de déduire des frais de gestion de leurs revenus, certes. Mais le fisc a considéré que les honoraires du cabinet Guinot dépassaient la mesure, et ce sont les contribuables qui ont payé la note. » Plusieurs d'entre eux ont également été redressés parce qu'ils avaient fait jouer leur statut LMP très vite, alors que la résidence n'était pas encore en service. Le défiscalisateur leur avait assuré qu'ils avaient le droit au statut LMP avant de toucher des loyers. C'était faux. L'addition se chiffre parfois en centaines de milliers d'euros.

Interrogation sur le rôle des banques

Président de l'Asdevim, une autre association de victimes qui a engagé des plaintes au pénal, Claude Michel se dit personnellement ruiné : « J'avais acheté neuf appartements, à la rentabilité prétendument garantie. » Les revendre est difficile, pour ne pas dire impossible. En dehors de la déprime actuelle du marché immobilier, il y a peu de demandes pour ces biens en résidence, tenus par une société de gestion qu'il faut rémunérer, et à qui un bail commercial donne des droits précis.

Que ce soit à l'ADI ou à l'Asdevim, les déçus du LMP s'interrogent aussi sur le rôle des banques. Certaine victimes ne peuvent parler ouvertement de cet aspect de l'affaire, car des négociations sont en cours. On relève toutefois plusieurs constantes. Les défiscalisateurs se chargeaient de la demande de prêt. Ils travaillaient avec des agences de leur choix, et ce n'était jamais l'agence habituelle des emprunteurs. Ces derniers, pour la plupart, n'ont jamais rencontré le moindre conseiller clientèle, alors que les sommes en jeu dépassaient parfois le million d'euros. Un particulier souhaitait acheter plusieurs appartements ? Aucun souci, le défiscalisateur négociait autant de prêts que nécessaire auprès de plusieurs banques, sans les informer de la situation réelle du débiteur. Et pour cause : il explosait les plafonds de surendettement ! Certains s'en sont inquiétés. Les défiscalisateurs leur ont fait une réponse surréaliste : il ne s'agit pas de dette, mais de placement... Ces défiscalisateurs, enfin, ont « oublié » de dire à leurs clients qu'ils touchaient de confortables commissions des banques, en qualité d'apporteurs d'affaire. La qualité d'intermédiaire bancaire est en principe encadrée par un mandat écrit (article L.519-2 du code monétaire et financier). Les magistrats apprécieront.

Toilettage

Aux dernières nouvelles, le LMP devait faire l'objet d'un toilettage dans le cadre de l'examen de la loi de finances 2009, au même titre que d'autres niches fiscales. Médecins, hauts fonctionnaires, financiers, la liste de ses victimes est assez élitiste : quelques centaines de victimes au plus, toutes solidement formées ! Mais c'est, paradoxalement, un enseignement à retenir du dossier. Des milliers d'autres contribuables ont fait une mauvaise affaire en plaçant leurs économies dans des formes plus accessibles de défiscalisation, comme le Robien. Ils étaient a priori moins bien armés que les adeptes du LMP face à des argumentaires fallacieux. Si des dossiers arrivent devant la justice, il faut espérer que les tribunaux s'en souviendront. Face à une réglementation fiscale complexe et à des méthodes de vente sophistiquées, nul n'est à l'abri d'un mauvais choix. Parmi les perdants du LMP figure d'ailleurs un ancien très haut responsable ministériel, aujourd'hui directeur général d'un très grand groupe français. Berné, comme les autres.

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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