BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Reste à charge 0

Le début d'une coûteuse reculade ?

La réforme qui agite le monde de la santé depuis un an touche au but : les annonces sur le dispositif de « reste à charge 0 » (RAC 0) sur l’optique et les audioprothèses sont attendues pour la mi-juin, alors que vient d’être signée une nouvelle convention entre l’Assurance maladie, les complémentaires santé et les chirurgiens-dentistes. Si les usagers et les consommateurs ont été exclus de la négociation, ce que je déplore amèrement, je tiens à partager avec vous des réflexions sur les dernières avancées du projet, dont certaines toutes récentes.

Pour rappel, l’objectif est ambitieux et salutaire : s’attaquer au reste à charge sur les trois postes de soins à l’origine de plus des trois quarts de cas de renoncement aux soins dans notre pays. La méthode retenue n’est pas non plus dénuée d’intérêt : définir un panier de soins « RAC 0 » de qualité, accessible à tous les Français, pour lequel le prix est négocié à la baisse et les remboursements (assurance maladie et complémentaires) à la hausse. Et accompagner le mouvement de mesures pour peser également sur les prix des produits hors panier RAC 0. Mais il est à redouter que, de concessions en concessions, la réforme se transforme en des gains supplémentaires pour les professionnels de santé, supportés financièrement par la communauté des consommateurs.

La première alerte vient de l’accord sur le dentaire. Il faut saluer l’esprit de la réforme, vers une meilleure rémunération des soins conservateurs en échange d’un plafonnement du prix des prothèses. Mais que cet accord est coûteux ! Alors que les dentistes font déjà partie des professionnels de santé les mieux rémunérés du pays, loin devant bon nombre de spécialités de médecins, ils ont réussi à arracher une augmentation de près de 250 millions d’euros par an de ce que leur rembourseront sécu et complémentaires… autrement dit, de ce que paieront les consommateurs par leurs cotisations.

La deuxième alerte est toute récente : le schéma de réforme pour l’audioprothèse présenté hier par le gouvernement au Comité consultatif du secteur financier (CCSF), dans lequel nous siégeons, est loin des ambitions initiales. Si le panier « RAC 0 » est maintenu (mais à quel niveau ?), on ne trouve plus trace du plafonnement du prix des audioprothèses en dehors de ce panier. Avec un risque : la baisse de marges consentie par les audioprothésistes sur les offres sans reste à charge risque d’être répercutée violemment sur les consommateurs, en inflation sur les autres produits. Quant à la dissociation entre le prix d’achat de l’audioprothèse d’une part, et le coût du suivi annuel d’autre part, elle aussi est passée à la trappe.

Je souhaite donc que le gouvernement tienne bon dans la dernière ligne droite de négociations, à la porte desquelles il aurait gagné à ne pas laisser les consommateurs et usagers, pour revenir à une vision ambitieuse du reste à charge zéro : une action sur les prix résolue et structurelle, pour ne pas que les consommateurs paient doublement cette réforme, en inflation sur les produits hors du panier « RAC 0 » d’une part, et en hausses de cotisations de complémentaires santé d’autre part.

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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