ACTION UFC-QUE CHOISIR
Eau

Six raisons de refuser le projet de loi sur l'eau

SOMMAIRE

I. LA POLLUTION DES EAUX EN FRANCE : UN BILAN CATASTROPHE

1. La France est mise à l'index par l'Europe

Le 8 mars 2001, la Cour de justice européenne a condamné la France car elle estimait qu' « en ne prenant pas les dispositions nécessaires pour que la qualité des eaux superficielles destinées à la production d'eaux alimentaires soit conforme aux valeurs fixées par la directive du 16 juin 1975 la République française a manqué aux obligations qui lui incombent ». Le 23 octobre 2000, la directive cadre de l'Union européenne est venue rappeler cet impératif environnemental en obligeant les Etats membres à engager un programme ambitieux qui doit permettre de parvenir au bon état des eaux en 2015. Tout laisse croire que la France ne pourra pas respecter cet objectif sans changement majeur de politique.

2. Une pollution des eaux généralisée et qui s'aggrave

Toutes les études officielles menées en France montrent que la qualité de l'eau potable et le niveau de disponibilité des ressources sont très dégradés. Ainsi, en 2003, le rapport du Sénat sur la qualité de l'eau et de l'assainissement en France concluait que « les réglementations relatives à la protection des eaux et les actions de prévention des pollutions diffuses ont, au mieux, un bilan médiocre ». Les pollutions les plus inquiétantes concernent les émissions de pesticides et de nitrates. Par ailleurs, le recours à l'irrigation intensive occasionne des épisodes de pénurie d'eau notamment au cours de l'été.

3. Pesticides et nitrates : les pollutions sont essentiellement d'origine agricole

Pour les pesticides, l'étude menée en 2002 par l'Institut français de l'environnement (IFEN) montre que « seuls 5 % des points présentent des concentrations compatibles avec le développement sans risque de la vie aquatique et avec l'usage « eau potable ». Dans 40 % des cas, la présence de pesticides entraîne une qualité moyenne, médiocre ou mauvaise (...) nécessitant des traitements spécifiques d'élimination des pesticides, si ces ressources étaient utilisées pour l'approvisionnement en eau potable ». Plus encore, l'étude montre que le seuil de 2mg/l, limite où l'eau nécessite un traitement spécifique d'élimination des pesticides, est dépassé dans treize départements notamment situés dans les régions du grand ouest et du sud ouest. Les responsabilités en la matière sont évidentes : d'après le rapport Miquel (2003), 90 % des achats de pesticides sont le fait d'agriculteurs.

Concernant la pollution par les nitrates, une autre étude de l'IFEN (Indicateurs 2000) montre «une tendance à la dégradation de la qualité des eaux douces : 22 % des points de surveillance des eaux douces sont menacés de pollution (teneur moyenne en nitrates supérieur à 40 mg/l) et 11% sont pollués (teneur moyenne supérieure à 50 mg/l) ». Plus généralement, 76 départements sont désormais classés en zone vulnérable. Enfin, la tendance sur le long terme reste négative : 32 % des points de captage observés par l'IFEN ont présenté une augmentation significative du taux de nitrate entre 1992 et 2001. Ce type de pollution résulte très majoritairement des rejets agricoles.

Ainsi, dans son dernier rapport sur l'état de l'environnement en France, l'IFEN avance un constat sans appel : « Malgré une diminution des engrais et des pesticides, l'agriculture a des impacts préoccupants sur la qualité de l'eau : près de 30 % des eaux superficielles ont encore aujourd'hui une mauvaise ou très mauvaise qualité due à leur teneur excessive en nitrates et 20 % de la population française consomme une eau de boisson dont les quantités de pesticides excèdent les normes souhaitables ».

Si, depuis vingt ans, le secteur industriel a réduit de façon significative ses rejets polluants dans l'eau, en s'équipant de stations d'épuration, de nombreux problèmes persistent encore. Le rapport 2002 du ministère de l'environnement consacré aux « Principaux rejets industriels en France » estime que « l'industrie est responsable d'environ la moitié des rejets de polluants organiques [et] de la quasi totalité des rejets toxiques notamment métaux lourds et polluants organiques persistants ».

4. L'irrigation du maïs provoque une consommation radicalement contraire au cycle saisonnier et épuise les ressources en eau

Nous vivons une situation hautement paradoxale : notre pays consomme beaucoup d'eau durant l'été alors même que, durant cette saison, les ressources sont au plus bas. Cette surconsommation estivale a une seule cause : l'irrigation du maïs. Cette culture doit absolument être diminuée si on veut limiter les sécheresses.

Sur ce point, un rapport de la Commission européenne, publié en avril 2000, estime que « la France présente la plus forte croissance des tous les états membres de l'Union européenne dans le domaine des surfaces irriguées : + 25000 ha/an entre 1961 et 1980, +48000 ha/an entre 1980 et 1996 et a même atteint un maximum de +59000 ha/an durant les années 1990 ». Le rapport détaille ensuite les conséquences de cet excès d'irrigation sur la qualité de l'eau. Il constate un accroissement de « la pollution de l'eau et des écosystèmes aquatiques par les nitrates et les pesticides dû à l'intensification agricole qui est facilitée par l'irrigation ». Le nord de la France fait partie des zones européennes les plus concernées par ce problème. Enfin, l'irrigation accroît aussi dans notre pays les risques d'inondation.

II. LE SYSTEME ACTUEL DE REDEVANCES : INEQUITABLE ET INCITATIF A LA POLLUTION

1. Le reniement des principes fondateurs de la politique de l'eau

Créé en 1964, les agences de l'eau reposaient sur une double logique de financement :

1-Une redevance pollution taxe la contribution de l'usager à la pollution de l'eau : « celui qui pollue beaucoup paye beaucoup » (donc « pollueur-payeur »)

2- Une redevance ressource taxe selon le niveau de consommation de l'usager : « celui qui consomme beaucoup paye beaucoup ».

Les redevances perçues par les six agences de l'eau représentent 17 % de la facture d'eau et constituent le poste qui, depuis quinze ans, connaît la plus forte augmentation. Ce budget, qui atteint près de 1,8 milliard d'euros par an, sert à subventionner les investissements communaux dédiés à la dépollution et à l'assainissement de l'eau. Des financements sont aussi octroyés aux agriculteurs ou aux industriels pour les aider à diminuer leurs rejets polluants. Les deux grandes règles de financement des agences de l'eau, et, notamment, le principe pollueur-payeur, ont été reniées dès la création des agences. A travers un système d'entente entre les agriculteurs, les industriels et les élus, l'essentiel du financement de ces agences a été reporté sur le consommateur.

Ainsi, pour compenser l'absence de financement agricole, les consommateurs reversent chaque année plus de 500 millions d'euros supplémentaires aux agences de l'eau.

2. Les consommateurs financent une grande partie de la consommation d'eau des agriculteurs

Le tableau ci-dessous compare la contribution relative de chaque catégorie d'usager (agriculteurs, consommateurs, industriels, énergie) à la consommation nationale d'eau et leur contribution relative au financement de la redevance ressource.

Part des prélèvements et des consommations par agents (Année 2000)

Consommation d'eau

ContributionRedevance ressource

consommateurs

24 %

72 %

Agriculteurs

68 %

4 %

industriels hors énergie

5 %

11 %

Energie

3 %

13 %

Quatre secteurs industriels concentrent les deux tiers de la consommation en eau des industriels : chimie (34 %), papier (12 %), pharmacie-parachimie (7,7 %), métallurgie (7,7 %). Source : CIE

On constate un déséquilibre très important entre la contribution à la redevance ressource et le niveau de consommation. Les consommateurs ont une contribution à cette redevance trois fois trop importante, les agriculteurs ont une contribution 17 fois trop faible.

3. Le consommateur paye à la place des grands pollueurs de l'eau

Les principales sources de la pollution de l'eau sont au nombre de quatre : les nitrates, les pesticides, la masse organique, les substances toxiques. Les études officielles ont pu quantifier la responsabilité de chaque catégorie d'usagers pour les rejets de nitrates et de masse organique. Les résultats sont comparés à la contribution des usagers à la redevance pollution et présentés dans le tableau ci-dessous. Pour être complet, il faut ajouter que les agriculteurs sont très largement responsables de la pollution par les pesticides (à hauteur de 90 % selon le rapport Miquel 2003) et que la quasi-totalité des rejets hautement toxiques proviennent du secteur industriel (rapport ministère de l'environnement 2002).

Contribution des agents à la pollution de l'eau (année 2000)

part pollution par la masse organique

Part de pollution par les nitrates

Redevance pollution

consommateurs

35 %

20 %

89 %

agriculteurs

33 %

74 %

1 %

industriels

32 %

6 %

10 %

Source IFEN - agreste - Agence de l'eau (in lettre de l'eau déc. 2000)

Il apparaît donc que les agriculteurs, au regard de leur responsabilité dans la pollution de l'eau, présentent une contribution à la redevance pollution qui est absolument dérisoire. Les consommateurs contribuent trois fois trop à cette redevance.

4. Prix et qualité : le consommateur subit une double injustice

La non application du principe pollueur-payeur a créé une logique perverse où le consommateur doit accroître son financement de la lutte contre la pollution parce que les pollueurs ne sont pas taxés sur leur comportement. Les résultats de cette politique sont clairs :

- La qualité de l'eau potable n'a cessé de se dégrader faute d'application du principe pollueur-payeur qui dissuaderait les pratiques nocives pour l'environnement.

- Le consommateur paye l'essentiel des contributions aux agences de l'eau, ce qui est parfaitement inéquitable. Ainsi nous avons estimé que la facture d'eau pourrait baisser de 10% si le principe pollueur payeur était appliqué.

III. LE PROJET DE LOI SUR L'EAU CONSACRE LE PRINCIPE POLLUE-PAYEUR

Devant ces constats d'échec, la Commission européenne, la Cour des comptes et les rapports parlementaires pressent depuis des années le gouvernement français d'appliquer le principe pollueur-payeur. D'une façon tout à fait incroyable le projet de loi a choisi la voie inverse.

1. L'impunité accordée à l'irrigation et à l'épuisement de la ressource

Le tableau ci-dessous présente les parts relatives des redevances ressources proposées par le projet de loi, celles qui sont actuellement en vigueur et, enfin, les parts relatives de consommation d'eau.

Redevance ressource

Redevance ressource2007 (projet loi)

Redevance ressource actuelle

Consommation nette d'eau

consommateur

68 %

72 %

24 %

agriculteurs

4 %

4 %

68 %

industriels

11 %

11 %

5 %

Energie

12 %

13 %

3 %

Pêche

4 %

-

-

Etude d'impact ministère de l'environnement

Le projet de loi institue un statu quo. Les contributions financières des trois agents historiques (consommateurs, industriels, agriculteurs) varient très peu. Le seul changement à la marge est l'introduction de la contribution pêche. Dans la mesure où les responsabilités relatives dans l'épuisement des ressources sont bien connues, et qu'elles diffèrent radicalement des contributions financières, ce statu quo est inacceptable. Notamment, l'activité irrigation sera très peu taxée, ce qui constitue une incitation à provoquer des pénuries d'eau l'été. Ainsi, le coefficient de redevance appliqué à l'irrigation sera 4,5 fois plus faible que celui appliqué au consommateur.

2. La consécration du principe pollué-payeur

Le tableau ci-dessous présente les parts relatives des redevances pollution proposées par le projet de loi et celles qui sont actuellement en vigueur. Dans les trois dernières colonnes, il est repris les contributions relatives aux différentes formes de pollution.

Redevance pollution

Redevance pollution 2007 (projet loi)

Redevance pollution Actuelle

Part pollution masse organique

Part de pollution nitrates

Part de pollution pesticides

Consomma-teur

85 %

89 %

35 %

20 %

10 %

agriculteurs

4,3 %

1 %

33 %

74 %

90 %

industriels

10 %

10 %

32 %

6 %

-

thermique

0,7 %

-

-

-

La redevance pollution des agriculteurs passe de 1 % à 4 % du total. Cette contribution reste absolument dérisoire au regard de la pollution induite par certaines activités agricoles. Il est aussi injustifié que la redevance pollution des industriels reste stable. En conclusion, on peut affirmer que ce projet de loi n'applique pas du tout le principe pollueur-payeur.

IV. L'APPLICATION DU PRINCIPE POLLUEUR-PAYEUR REDUIRAIT LA POLLUTION AGRICOLE

Concernant la gestion de l'eau, les études menées en France et en Europe laissent penser qu'un système de taxation sur les nitrates et les pesticides entraînera bien une diminution de la pollution.

1. En France : la redevance a incité les industriels à diminuer leur pollution

Un laboratoire de l'INRA a étudié, en janvier 1999, l'effet de la redevance pollution sur les comportements des industriels. Les résultats démontrent le caractère incitatif de la redevance pollution : « les variations des redevances expliquent bien les variations des rejets. Toutes firmes confondues, une hausse de 1 % des taux unitaires des redevances conduit à une baisse de 0,7 % à 0,8 % des rejets nets ». En d'autres termes, si on augmente la redevance des industriels de 10%, la pollution de l'eau par ces entreprises diminue de 7%, ce qui constitue une très bonne élasticité.

En France, les agriculteurs ont une contribution tellement faible à la redevance pollution qu'aucune étude ne peut être produite faute de représentativité. Une simulation statistique a tout de même été effectuée par un laboratoire de l'INRA en 1999. Selon le scénario moyen, basé sur une taxe de 20 % sur les nitrates, la réduction de l'utilisation des engrais serait de l'ordre de 15 %, ce qui représente un très bon résultat.

2. En Europe : les taxes nitrate et pesticide ont favorisé une diminution des pollutions agricoles

La Commission européenne a publié une étude sur l'impact des écotaxes en Europe (Ecotec 2001). En Autriche, la création d'une taxe sur les nitrates a induit une baisse de 17 % du volume des nitrates entre 1986 et 1989. En Hollande, la taxe sur les surplus de nitrates a provoqué une baisse de plus de 50% de la pollution par les élevages de porc.

Dans le domaine des produits phytosanitaires, selon un rapport de l'Assemblée nationale, la taxation à hauteur de 20 % au Danemark a entraîné une diminution de 5 à 10 % des consommations de produits phytosanitaires. En Norvège, un autre système de taxation a induit une baisse de 54 % des ventes de substances actives entre 1985 et 1994. La Suède a connu un résultat analogue : 10 après l'introduction d'une taxe, en 1984, l'utilisation de pesticides a été réduite de deux tiers. Les expériences étrangères confirment surtout que ces taxes sont efficaces si elles sont modulées selon l'activité des agriculteurs.

3. Diminuer la pollution agricole est beaucoup moins coûteux que de traiter la pollution agricole

Si la réduction de la pollution agricole en amont a bien un coût non négligeable, elle reste la meilleure politique possible. Dans son bilan annuel 2004, l'agence européenne pour l'environnement rappelle que le coût de la réduction des nitrates au niveau agricole est cinq à dix fois moins élevé que celui des enlèvements des nitrates de l'eau polluée. Sur ce point l'agence regrette que « les consommateurs plutôt que les pollueurs (à savoir les agriculteurs), en paient la majeure partie ».

Il est aussi essentiel de rappeler que l'agriculture contribue très largement à la pollution des eaux. Ainsi, même une diminution relative de la pollution agricole aurait des conséquences tout à fait positive sur la qualité de l'eau. Par exemple, un baisse de 20 % de la pollution agricole par les nitrates entraînerait une diminution de 15 % de la pollution totale par les nitrates. Le principe pollueur-payeur peut donc aboutir à son objectif : agir sur les comportements et dissuader de polluer.

V. L'APPLICATION DU PRINCIPE POLLUEUR-PAYEUR EST ECONOMIQUEMENT SUPPORTABLE PAR LE MONDE AGRICOLE

Dans le domaine de l'eau, les détracteurs du principe pollueur-payeur soutiennent l'idée que le secteur agricole ne pourrait pas supporter financièrement la mise en place de fortes redevances sur les nitrates ou les pesticides. En réalité, le coût des redevances peut être amorti si les agriculteurs diminuent leur pollution et si les agences de l'eau leur attribuent des aides pour prévenir la pollution.

1. A pollution constante le principe pollueur-payeur présente un coût financier pour les agriculteurs

En 1999, un rapport d'information de l'Assemblée nationale, le rapport Tavernier, a étudié de façon précise l'impact qu'aurait l'application du principe pollueur-payeur sur le secteur agricole. La mission d'information explique que la hausse de la redevance-pollution payée par les agriculteurs aura un impact très relatif sur les prix agricoles. Selon ce rapport, les prix agricoles sont soit « des prix administrés à Bruxelles sans tenir compte, a priori, de l'évolution des coûts dans chaque Etat membre soit ce sont des prix très instables, compte tenu de la rigidité de l'offre et de la demande et des phénomènes de cycle. La répercussion d'un coût supplémentaire de production dans les prix agricoles n'est donc pas une évidence ». Par conséquent, si la pollution ne diminue pas, la hausse de la redevance va diminuer les marges des agriculteurs et le revenu agricole. S'appuyant sur une étude de l'INRA, le rapport estime par exemple qu'une taxe de 20 % sur les engrais minéraux entraînerait une diminution de 1,3 % de la valeur ajoutée de la branche agriculteur. Cette diminution est tout à fait significative concernant des activités qui ont des marges faibles.

2. Si les agriculteurs diminuent leur pollution le coût du principe pollueur-payeur est faible

Le rapport de l'Assemblée souligne que le coût des taxes sur la pollution est important seulement si on suppose qu'elles ne diminueront pas les comportements polluants. Or, l'objectif du principe pollueur-payeur n'est pas de faire payer plus les agriculteurs pour accroître le budget des agences de l'eau. L'objectif est de diminuer la pollution agricole ce qui, outre les conséquences environnementales positives, permettra de diminuer le montant des redevances agricoles. La mission d'information affirme ainsi « que la soutenabilité économique des prélèvements liés aux pollutions agricoles ne pourrait résulter que de leur efficacité intrinsèque : s'ils dissuadent effectivement l'usage excessif de certains intrants, le rendement de ces prélèvements diminuera, de même que la dépense (nette de prélèvements) en intrants, ce qui préserverait le revenu ».

3. Pour une politique du « double pilier » qui rende économiquement soutenable la lutte contre les pollutions agricoles

La mission d'information de l'Assemblée rappelle que l'activité agricole peut aussi avoir des conséquences positives sur l'environnement. Il convient donc d'accorder des aides au monde agricole pour développer et rémunérer les pratiques qui concourent positivement à l'aménagement de l'espace rural. Dans cette perspective, la réforme de la PAC s'oriente vers l'attribution d'aides pour les pratiques qui améliorent l'environnement (volet développement rural, volet éco-conditionnalité). Les agences de l'eau doivent aussi développer des aides aux agriculteurs qui sont décidés à prévenir la pollution en amont (réduction de l'emploi de pesticides et de nitrates). Ces aides pour la prévention doivent supplanter les aides à la dépollution de l'existant. L'ensemble de ces subventions doit donc permettre à l'agriculteur de changer son régime de production et de diminuer sa contribution à la pollution de l'eau. Cette diminution de la pollution vient alors abaisser les taxes qu'il paye au nom du principe pollueur-payeur. Le rapport de l'Assemblée estimait qu'il fallait donner aux exploitants des « incitations financières associant aux sanctions la rémunération légitime des externalités positives de l'agriculture ».

4. La taxe pollueur-payeur et l'aide communautaire sont donc des dispositifs complémentaires

La redevance pollueur-payeur incite la majorité des agriculteurs à changer leurs pratiques et les aides communautaires donnent des opportunités financières qui facilitent ce changement de pratique. La redevance pollution sans l'aide complique la transformation des systèmes agricoles car elle grève financièrement les exploitations. Les aides sans la redevance pollution risquent de motiver une minorité seulement d'agriculteurs et de ne pas susciter un changement d'envergure dans le domaine de la pollution des eaux.

Le 18 février 2005, l'OCDE vient d'adresser à la France son « Examen environnemental de la France » qui reprend cette politique du double pilier. Concernant la gestion de l'eau notre pays doit « 1- réduire la pollution d'origine agricole en poursuivant la réforme d'aide à l'agriculture, en appliquant l'écoconditionnalité des aides agricoles et en introduisant des mesures efficientes et ciblées de réduction des excès azotés (nitrates) au niveau de l'exploitation 2- améliorer l'équilibre des dépenses et recettes des agences de l'eau pour le secteur agricole ».

VI. L'ECO-CONDITIONNALITE DE LA NOUVELLE PAC NE SUFFIRA PAS A DIMINUER LA POLLUTION DES EAUX

1. Le double discours de la FNSEA

La FNSEA refuse radicalement la mise en place du principe pollueur-payeur en arguant que les politiques agricoles (réforme de la PAC, éco-conditionnalité, Programme de maîtrise des pollutions d'origines agricoles) suffiront à réduire la pollution de l'eau. Or, la FNSEA a toujours lutté contre les changements de politique agricole orientés vers le respect de l'environnement. Concernant l'éco-conditionnalité proposée par la nouvelle PAC, la FNSEA déclarait dans un communiqué du 18 mai 2004 que « La conditionnalité des aides va se traduire par un hymne à la paperasse et des avalanches de contrôles. Cette réforme, à laquelle nous n'avons cessé de nous opposer, risque de conduire à l'élimination des plus fragiles et à la fragilisation des autres ».

En bref, la FNSEA s'oppose à n'importe quelle mesure contraignante qui diminuerait les pollutions agricoles.

2. L'argumentaire fallacieux du ministre de l'environnement

Ayant présenté un projet de loi vide de propositions, le ministre de l'environnement se réfugie derrière un argument : l'écoconditionnalité de la nouvelle PAC permettra à elle seule de diminuer les pollutions agricoles. Cette affirmation est fausse.

Il faut rappeler que l'écoconditionnalité concerne les activités agricoles qui bénéficient des aides communautaires (céréales, lait ou boeuf par exemple). Or, il n'existe pas de véritable système de subvention communautaire pour la production de porc et de volaille ou pour les fruits et légumes. L'aide communautaire consacrée au secteur porcin et avicole représente tout juste 0,4 % du budget de la PAC. Ainsi, les élevages hors-sols de ces deux secteurs, dont la responsabilité dans la pollution par les nitrates est très prononcée, seront très peu concernés par cette réforme de la PAC. Il en va de même pour les productions de fruits et de légumes ou de la viticulture qui seront très peu incitées par l'éco-conditionnalité à réduire leurs intrants en nitrates et en pesticides. En d'autres termes, si la réforme de la PAC pourrait entraîner une relative baisse de l'utilisation des pesticides pour les grandes cultures (céréales par exemple) elle n'apportera pas de solution déterminante pour les régions où les élevages hors-sols ont provoqué une forte pollution par les nitrates.

3. Le Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole : tirer les leçons d'un échec

Au cours de la dernière décennie, les pouvoirs publics ont déjà justifié leur refus d'appliquer le principe pollueur-payeur par une refonte de la politique agricole. L'histoire montre que ce choix a été un échec du point de vue de la lutte contre la pollution des eaux. Ainsi, en 1993, alors que la pollution des eaux devenait un enjeu national, le Ministère de l'Agriculture a lancé le Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA). Dans un rapport consacré au PMPOA, le Ministère de l'Agriculture résume la logique du programme de la façon suivante : « afin de réduire le niveau de pollution, l'éleveur doit réaliser les travaux nécessaires à la mise en conformité de ses bâtiments et s'engager auprès de l'Etat à modifier ses pratiques culturales. L'Etat, les collectivités locales et les agences de l'eau acceptent de subventionner les investissements nécessaires à la réalisation des travaux. En contrepartie, les éleveurs susceptibles de bénéficier des aides sont assujettis à la redevance pollution perçue par les agences de l'eau ». En bref, le programme est assez proche de la solution aujourd'hui préconisée par le gouvernement : il proposait une contribution quasi-nulle des agriculteurs envers les agences de l'eau mais élaborait une politique de subvention agricole qui devait aider les exploitants à réduire leurs émissions polluantes.

En 1999, une mission dirigée par l'Inspection générale des finances, le Ministère de l'environnement et le Ministère de l'agriculture a proposé un bilan du PMPOA. Elle visait notamment à évaluer la capacité du programme à lutter contre la pollution de l'eau par les éleveurs. Les conclusions du rapport sont limpides : « les constats établis mettent en lumière l'ampleur des carences du PMPOA dont le coût dérive et les effets sur l'environnement restent incertains ». Plus précisément, le rapport estime qu' « il ne semble pas que le programme ait eu d'influence notable sur la qualité des eaux jusqu'à présent (...). Dans les faits, la détérioration de la qualité des eaux se poursuit, ce qui expose la France à un risque élevé de condamnation par les autorités européennes ». Les causes de cette détérioration sont clairement identifiées : « cette évolution est le reflet de deux phénomènes étroitement liés : la hausse continue des élevages hors-sol, concentrée dans le quart nord-ouest de la France et la lenteur avec laquelle s'adaptent les pratiques culturales ». Les recommandations de cette mission inter-ministérielle renvoient très clairement au débat actuel : « la loi sur l'eau et les principes sur lesquels reposent le fonctionnement des agences de l'eau imposent l'application au secteur agricole, ainsi qu'aux autres activités, du principe pollueur-payeur. L'évolution de l'opinion et des comportements du citoyen est telle que les agriculteurs et leur organisations ont tout intérêt, à long terme et même à court terme, à s'acquitter de leur dû en matière de lutte contre la pollution ». Concrètement, les solutions proposées par le rapport sont l'élargissement de la redevance payée par les agriculteurs ou la création d'une redevance nitrate.

Ce bilan interministériel montre ainsi que la seule mobilisation des subventions pour aider les agriculteurs à lutter contre la pollution a été, dans les faits, un échec. Il montre aussi qu'il est indispensable de réformer le système de redevance des agences de l'eau pour instituer le principe du pollueur-payeur. Un récent rapport de la Cour des comptes, consacré à la gestion de l'eau en Bretagne, est venu, confirmer ce diagnostic. Un diagnostic sans appel.

Les propositions de l'UFC-Que Choisir

Les propositions de l'UFC-Que Choisir se fondent sur deux idées importantes :

- La réduction de la pollution de l'eau sur le moyen terme. Cette réduction répond évidemment à des considérations environnementales et sanitaires.

- Un financement équitable des agences de l'eau. Le consommateur a déjà subi une flambée du prix et une dégradation de la qualité de l'eau. Il est inacceptable qu'il continue de financer la dépollution de l'eau à la place des agriculteurs.

Nous pensons que l'application du principe pollueur-payeur permettrait d'atteindre ces deux objectifs.

L'UFC Que Choisir avance six propositions :

1. La mise en place d'une redevance sur les nitrates

De par son aspect dissuasif, cette redevance énonce clairement que la réduction de la pollution par les nitrates est la grande priorité de la collectivité. Nous proposons donc une redevance spécifique et progressive dans le temps. Le tableau ci-dessous présente la mise en place de cette redevance échelonnée de 2006 à 2009, à partir d'une fourchette de coefficient et d'un seuil exonéré qui permettra de ne pas trop taxer les petits agriculteurs en système extensif.

Année 2006

Années 2007-2008

Année 2009

Coefficient de redevanceen euros par kg d'azote

0,2-0,3

0,3-0,4

0,4-0,5

Seuil d'exonération Quantité d'azote (en kg)

3000

2000

1000

Nota : En dessous du seuil d'exonération la redevance n'est pas due.

2. Le relèvement de la redevance sur les produits phytosanitaires (ou pesticides)

La transformation du volet phytosanitaire de la TGAP en une redevance induit au mieux une stagnation de la contribution financière des agriculteurs. Ce niveau de contribution ayant été trop peu dissuasif, il convient de rehausser le coefficient de cette nouvelle redevance pour diminuer l'utilisation des pesticides. Comme pour la redevance nitrate, le tableau ci-dessous présente la mise en place progressive de la « redevance pesticide » entre 2006 et 2009 à partir d'une fourchette de coefficient.

Année 2006

Années 2007-2008

Année 2009

Coefficient de redevanceen euros par kg

0,7 - 1,1

0,9 - 1,3

1 - 1,5

3. Aider les agriculteurs à prévenir leur pollutions

Les agences de l'eau ont trop tendance à financer des opérations de traitement ou d'assainissement de l'eau polluée au lieu de financer des moyens de prévenir la pollution. Nous souhaitons que les aides des agences de l'eau soient réorientées pour aider financièrement les agriculteurs à diminuer leurs rejets de pesticides et de nitrates. Ces aides rendront économiquement plus soutenable la mise en place des contributions financières sur les rejets polluants agricoles.

4. Le relèvement de la redevance sur certaines émissions polluantes industrielles

Si le secteur industriel a su diminuer son niveau général de pollution de l'eau depuis vingt ans, il reste la principale source d'émission de produits à haute toxicité. Dans ce cadre, sa contribution aux agences de l'eau reste relativement insuffisante et doit être relevée d'un tiers.

5. Une diminution de la redevance pollution du consommateur

Le consommateur, qui subi les pollutions agricoles et industrielles, contribue pour 85 % au budget de la redevance pollution. Du point de vue de l'équité et de la protection de l'environnement, il est juste et fondé de diminuer de façon significative cette contribution.

6. Une plus forte redevance à l'encontre des activités d'irrigation

Il faut cesser d'accorder des facilités financières aux activités d'irrigation qui sont responsables des épisodes de sécheresse l'été. Nous proposons un système qui ne différencie par les coefficients de redevance selon les usages mais qui les différencie selon l'état de faiblesse de la ressource. Ainsi, le coefficient sera beaucoup plus élevé quand le niveau de ressource en eau est faible (catégorie 3) que lorsque le niveau de ressource en eau est important (catégorie 1). Nous retenons encore l'idée d'un échelonnement entre 2006 et 2009.

en centimes d'euro/m3

Année 2006

Années 2007-2008

à partir de 2009

ressource de catégorie 1

0,8 à 1,5

1,1 à 1,8

1,2 à 1,8

ressource de catégorie 2

1,8 à 3

2,3 à 3,8

3 à 3,8

ressource de catégorie 3

5,5 à 7

5,5 à 7

5,5 à 7

Etude de constitutionnalité relative au projet de loi sur l'eau

Le projet de loi sur l'eau présenté au parlement en mars 2005 a pour objectif de transposer la directive cadre eau 2000/60 d'octobre 2000 en droit français.

En toute logique, ce texte se devait donc de mettre en oeuvre le principe pollueur-payeur défini dans la directive comme « devant déterminer la politique de l'eau ».

La Charte de l'environnement incorporée récemment dans le "bloc de constitutionnalité", prévoit que le législateur se doit de préciser les conditions dans lesquelles toute personne est tenue de contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement au travers de son article 4.

Les rédacteurs de la Charte ont décidé que cette incitation à contribuer ne devait être qu'un objectif. Cet objectif cependant est intégré au bloc de constitutionnalité dont le contrôle dépend du Conseil Constitutionnel.

L'analyse du projet de loi fait apparaître que la notion de pollueur-payeur n'est pas explicitement mentionnée. Pis, certaines mesures prévues par le projet sont contraires à cet objectif, comme le démontre notre analyse économique, et dès lors pourraient être estimées inconstitutionnelles par le Conseil Constitutionnel.

Au-delà de cette inconstitutionnalité liée au non-respect de l'objectif pollueur-payeur, le projet de loi va à l'encontre de certains autres principes reconnus comme constitutionnels. Certaines dispositions du projet de loi tendent, en effet, à rompre l'égalité des usagers devant les charges publiques et devant la loi.

Par ailleurs, le projet de loi, en refusant d'appliquer ce principe pollueur-payeur tel que défini dans la directive cadre, pourrait exposer la France à de nouvelles condamnations au niveau européen.

La Cour Européenne des Droits de l'Homme a affirmé dans certaines de ses décisions que l'eau et l'environnement doivent être préservés par les Etats et les autorités publiques en s'appuyant sur la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

La Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a déjà sanctionné la France pour non-respect de plusieurs directives relatives à l'eau. La décision rendue le 8 mars 2001 condamne ainsi la France pour n'avoir pas pris les dispositions nécessaires afin que la qualité des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire soit conforme aux valeurs fixées par la directive sur les nitrates. Elle s'est même prononcée sur les modalités de mise en oeuvre du principe pollueur-payeur. Dans une affaire récente, à propos de déchets, elle se réfère expressément au principe tel qu'énoncé par la directive 75/442, selon une formule identique à la directive cadre, et en tire des conséquences quant aux responsabilités qui en résultent concernant l'obligation de supporter les coûts de l'élimination des déchets (CJCE, 7 septembre 2004 - Van de Walle et autres c/Texaco Belgique. aff C-1/03).

I. L'inconstitutionnalité du projet de loi au regard de l'objectif pollueur-payeur

L'article 4 de la Charte de l'environnement qui prévoit le devoir de réparation, c'est-à-dire la notion de pollueur-payeur, ne constitue qu'un objectif et non un véritable principe constitutionnel.

Le Conseil Constitutionnel doit donc en apprécier le respect et la proportionnalité en tenant compte de l'existence d'autres objectifs et principes constitutionnels. C'est ainsi que le Conseil Constitutionnel a été amené à concilier à plusieurs reprises les exigences d'ordre publique avec la liberté d'aller et venir.

Le Conseil Constitutionnel pourrait donc faire une appréciation minimaliste du respect de l'objectif pollueur-payeur au vu des autres intérêts à concilier.

Cependant, le Conseil Constitutionnel peut sanctionner l'erreur d'appréciation du législateur d'un objectif ou principe constitutionnel, lorsqu'elle est manifeste. Selon une jurisprudence constante, le Conseil Constitutionnel recherche si les « modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ».

Cette erreur manifeste d'appréciation est pour nous, en l'état du texte, évidente et résulte notamment du fait que le consommateur supporte 85% de la redevance pollution.

Certains éléments du projet de loi vont à l'encontre de la notion de pollueur-payeur qui vise à sanctionner financièrement un comportement entraînant des pollutions afin de tendre à le corriger.

La Charte indique que "toute personne doit contribuer à ...". La directive cadre préconise, elle-même, de distinguer trois secteurs économiques (industrie, ménage et agriculture) établissant de fait autant de catégories d'usagers, et ce faisant, la loi du 21 avril 2004 a imposé aux Schémas Directeurs d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) de distinguer ces trois catégories. Le projet de loi aurait dû établir des redevances en considération de ces trois catégories d'usagers. Or, le projet de loi instaure un système de redevances affectées à des pollutions diverses en les déconnectant des pollueurs effectifs.

De la même manière, les redevances créées ne sont que très faiblement à la charge des principaux responsables de la pollution de l'eau (les agriculteurs). Ainsi, il apparaît que les coefficients prévus pour les redevances "pour pollution de l'eau" et les redevances "pour pollution diffuse" sont extrêmement bas concernant les usages agricoles. Sur ce point, l'étude d'impact du Ministère de l'écologie annexée au projet de loi indique que les agriculteurs payeront 4% du montant total des redevances pollutions contre 85% pour les consommateurs.

Concernant la redevance "pour prélèvement sur la ressource en eau" les activités d'irrigation bénéficient de plafonds de coefficients 4,5 fois plus faibles que ceux applicables aux consommateurs. La même étude d'impact prévoit que les agriculteurs payeront 4% du budget total de la redevance "prélèvement sur la ressource en eau" contre 68% pour les consommateurs. L'objectif pollueur-payeur censé générer une taxation au regard de l'influence d'une activité sur l'environnement n'est pas respecté dans ces conditions. En réalité, tel qu'exprimé dans les chiffres, les redevances conduisent à faire perdurer les disparités de contribution entre les usagers de l'eau.

Dans une certaine mesure même, l'objectif pollueur-payeur est oublié puisque le projet de loi exclut certaines activités du domaine des redevances. C'est le cas de l'aquaculture qui peut pourtant porter atteinte de manière significative aux ressources ou à l'écosystème.

Force est de constater que ces mêmes redevances et le projet de loi dans son ensemble ne comportent qu'exceptionnellement des dispositifs d'incitation des usagers à modifier leur comportement et à moins polluer. Un rapport au gouvernement du Commissariat Général au Plan de 1997 intitulé "évaluation du dispositif des agences de l'eau" a pourtant établi que les agriculteurs contribuent à moins de 1% du total des redevances versées aux agences de l'eau.

Si l'on prend précisément l'exemple de la redevance "pour pollution de l'eau", les émissions d'azote font l'objet d'une redevance dont le seuil maximum de coefficient est faible, de l'ordre de 0,3 euro par kilo, et y figure un seuil d'exonération très élevé de 880 kilos. L'incitation est donc faible.

Autre exemple, la redevance "pour pollution diffuse" mise à la charge des intermédiaires et des distributeurs de produits. Certes les usagers des activités agricoles, c'est-à-dire les agriculteurs, devront acquitter un prix de marchandise qui intégrera une partie de cette redevance, mais cette redevance ne prévoit aucun dispositif dissuasif ou incitatif invitant ces agriculteurs à modifier leur comportement, d'autant plus que le coefficient fixé dans une limite de 1,2 euro par kilogramme est trop faible pour garantir une hausse significative du prix. Certaines sanctions prévues par le projet de loi paraissent trop peu dissuasives.

Enfin, en qualifiant de redevances la quasi totalité des prélèvements opérés dans le cadre de la loi sur l'eau, le projet de loi ignore une fois de plus l'objectif pollueur-payeur. En effet, une redevance est une rémunération pour service rendu. Or, la notion de pollueur-payeur ne vise pas à générer une taxation au regard d'un service fournit mais au regard de l'impact d'une activité sur l'environnement. Au regard de cet objectif et de son fondement (les faits du pollueur sont susceptibles de générer une imposition), l'objectif d'une redevance ne peut jamais être atteint.

Le Conseil Constitutionnel devrait donc, pour les raisons développées ci-dessus, enjoindre au législateur de modifier le projet de loi et peut-être même préciser les contours de l'objectif pollueur-payeur.

II. L'inconstitutionnalité du projet de loi au regard des autres principes constitutionnels

Le Conseil Constitutionnel pourrait censurer le projet de loi au motif qu'il ne respecte pas les principes d'égalité devant les charges publiques et devant la loi.

Le projet de loi instaure, en effet, une accumulation de redevances pour des prestations identiques. Ainsi, alors même que les usagers participent déjà financièrement à la mise en oeuvre des installations de gestion de l'eau potable et de l'assainissement, le projet instaure une nouvelle redevance pour modernisation des réseaux de collecte (nouvel article 213-10-5 c envir). De ces éléments, il résulte une inégalité devant les charges publiques des usagers.

Le Conseil Constitutionnel pourrait donc considérer, comme il l'a déjà fait dans certaines décisions, que les différences de traitement entre les usagers résultant de l'instauration de ces redevances ne sont pas en rapport avec l'objectif poursuivi.

Le projet de loi dans son dispositif fiscal est également critiquable car le législateur ne définit pas l'assiette de l'imposition, ce qui relève pourtant de sa compétence. Il laisse le soin aux Agences de l'eau de déterminer cette assiette ce qui leur octroie un pouvoir discrétionnaire et pourra conduire à des décisions différentes pour des conditions matérielles quasi identiques. La cour des comptes a, en effet, déjà relevé que dans la fixation des redevances les agriculteurs sont systématiquement avantagés par l'agence de l'eau Loire-Bretagne (rapport au président de la république, février 2002, chambre régionale des comptes - Cour des comptes "la préservation de la ressource en eau face aux pollutions d'origine agricole : le cas de la Bretagne").

Les taux vont ainsi inévitablement varier selon divers critères discrétionnaires, les plafonds selon les types de polluants donc les pollueurs, ce qui rend très contestable le dispositif instauré.

L'identification du niveau de pollution généré par une personne ne peut reposer que sur des critères objectivement reconnus, ce qui constitue l'essence même du principe pollueur-payeur. Une fois de plus, le mode de fonctionnement arrêté par le projet de loi s'avère contraire aux objectifs constitutionnels, à l'égalité de tous devant la loi et les charges publiques.

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