ACTION UFC-QUE CHOISIR
La pollution de l'eau

Le principe pollueur-payeur

1- La France dispose-t-elle d'une eau de qualité ?

UFC - Que Choisir : Depuis plus de vingt ans, la qualité de l'eau en France connaît une très forte dégradation. Les deux principales sources de pollution sont les émissions de nitrates et de pesticides. Concernant la pollution par les nitrates, 22 % des points de surveillance des eaux douces sont menacés et 11% sont fortement pollués. Plus généralement, 76 départements sont désormais classés en zone vulnérable. La tendance sur le long terme reste aussi négative : 32 % des points de captage observés ont présenté une augmentation significative du taux de nitrate entre 1992 et 2001. Pour les pesticides, seuls 5 % des points présentent des concentrations compatibles avec le développement sans risque de la vie aquatique et avec l'usage « eau potable ». Dans 40 % des cas, la présence de pesticides entraîne une qualité de l'eau moyenne, médiocre ou mauvaise. Plus encore, les seuils d'alerte sont régulièrement dépassés dans treize départements situés dans les régions du grand-ouest et du sud-ouest. Les pollutions industrielles, qui étaient dominantes au début des années 1980, ont connu une nette diminution depuis (-55 % en 20 ans). Malgré tout, le secteur industriel est responsable de la quasi totalité des rejets hautement toxiques.

2- Quelles sont les conséquences concrètes de la pollution de l'eau par les nitrates et les pesticides ?

UFC - Que Choisir : Les nitrates ne sont pas directement nocifs pour l'homme. Mais une fois ingérés ils peuvent se transformer en nitrites, qui modifient l'hémoglobine, et en nitrosamines, qui ont un effet cancérigène. Par ailleurs, la présence excessive de nitrates provoque « l'eutrophisation » des rivières et des zones maritimes littorales qui sont alors envahies par des algues parasites. Les pesticides présents dans l'eau ont aussi un effet cancérigène. De nombreux points de captage d'eau sont abandonnés car ils présentent une forte teneur en pesticide.

3- La pollution a-t-elle un effet sur le prix de l'eau ?

UFC - Que Choisir : Depuis quinze ans, le prix de l'eau a plus que doublé alors même que la qualité de la ressource a diminué. En réalité, les deux phénomènes sont en partie liés. La pollution des eaux génère des coûts très importants dans deux domaines : les opérations de traitement qui permettent d'avoir une eau potable et dont le coût croît avec le degré de pollution, les actions mises en place pour lutter contre la pollution qui sont financées par une redevance pollution versée aux agences de l'eau. Logiquement, il apparaît que, depuis dix ans, la redevance pollution est le poste qui a le plus fortement augmenté dans la facture du consommateur.

4- Qui est responsable de la pollution de l'eau ?

UFC - Que Choisir : Le rapport Miquel du Sénat, en date du 19 mars 2003, donne une réponse très claire : « L'origine des pollutions [de l'eau] est multiple et les responsabilités sont partagées mais il ne faut pas non plus nier l'évidence : l'agriculteur est bien à l'origine de la plupart des pollutions en cause aujourd'hui ». Ainsi, 90 % des achats de pesticides sont le fait d'agriculteurs qui sont aussi responsables des trois-quarts de la pollution de l'eau par les nitrates. Concernant les émissions de matière organique, les contributions sont partagées à hauteur d'un tiers entre les consommateurs, les agriculteurs et les industriels. Les rejets de produits hautement toxiques sont le fait des industriels.

5- Existe-t-il un dispositif économique destiné à protéger la qualité de l'eau ?

UFC - Que Choisir : Crées en 1964, les agences de l'eau ont pour fonction de veiller à la protection des ressources aquatiques et à l'amélioration de la qualité de l'eau potable. Pour ce faire, elles disposent d'un budget qui atteint 1,8 milliard d'euros par an et qui sert à subventionner les investissements communaux dédiés à la dépollution et à l'assainissement de l'eau. Des financements sont aussi octroyés aux agriculteurs ou aux industriels pour les aider à diminuer leurs rejets polluants. Pour financer ces réalisations, les agences perçoivent deux redevances : la redevance pollution (environ 80% du budget redevance des agences) qui taxe l'utilisateur sur la pollution qu'il émet, la redevance ressource (environ 20 % du budget redevance des agences) qui taxe selon le niveau de consommation en eau. Ainsi, le système de redevance des agences de l'eau repose théoriquement sur le principe du pollueur-payeur.

6- Le principe pollueur-payeur est-il appliqué par les agences de l'eau en France ?

UFC - Que Choisir : En 1998, la Cour des Comptes estimait, concernant le système de redevance des agences de l'eau, que « la contribution des ménages est beaucoup plus élevée que celle des agriculteurs et des industriels, alors que les pollutions qui leur sont respectivement imputables sont dans le rapport inverse ». Quatre ans plus tard, un autre rapport de la Cour des Comptes, relatif à la pollution des eaux en Bretagne, constatait que « le rôle de l'agence [de l'eau] tient aussi à son système de redevances, qui pourrait constituer un instrument fiscal incitatif puissant [de lutte contre la pollution] s'il n'était utilisé dans des conditions systématiquement favorables aux agriculteurs ».

Le tableau suivant présente le bilan des responsabilités de chaque catégorie d'usager pour la pollution de l'eau :

Contribution des agents à la pollution de l'eau (année 2000)

Part de pollutionmasse organique

Part de pollution nitrates

Part de pollution pesticides

Redevance pollution

Consommateurs

35 %

20 %

10 %

89 %

Agriculteurs

33 %

74 %

90 %

1 %

Industriels

32 %

6 %

-

10 %

Source IFEN - agreste - Agence de l'eau- Sénat

Les agriculteurs, au regard de leur responsabilité dans la pollution de l'eau, présentent une contribution à la redevance pollution qui est absolument dérisoire. Les consommateurs contribuent trois fois trop à cette redevance. Si on tient compte des rejets à haute toxicité, la contribution des industriels est sensiblement trop faible. Ainsi, il apparaît que, dans le domaine de l'eau, le principe pollueur-payeur n'est pas du tout appliqué en France.

7- Le projet de loi met-il en application le principe pollueur-payeur ?

UFC - Que Choisir : L'actuel projet de loi se contente simplement de rehausser la contribution des agriculteurs de 1 % à 4% du total des redevances. Et encore, cette faible hausse est en grande partie artificielle car elle s'explique par un transfert du volet phytosanitaire de la TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes) vers une hausse de la redevance agricole. Les consommateurs continuent à financer l'essentiel : leur part de redevance passe de 89 % à 85 %. Le système de redevance proposé par le projet de loi est ainsi inéquitable et n'incite pas les acteurs professionnels à engager des actions de prévention de la pollution.

8- Si le principe pollueur-payeur était appliqué quel serait l'impact sur la facture du consommateur ?

UFC - Que Choisir : Au regard des contributions relatives à la pollution et à la consommation, la redevance du consommateur devrait être divisée par trois (il contribuerait pour 25 à 30 % du budget des agences de l'eau contre plus de 80 % aujourd'hui). Les redevances payées aux agences de l'eau représentent 17 % de la facture d'eau. Ainsi, une division par trois de la redevance du consommateur entraînerait une baisse de 10 % de sa facture d'eau. Pour un ménage de 4 personnes, dont la consommation moyenne est de 150 mètres cubes, la facture d'eau annuelle baisserait de 42 euros (277 francs). A l'échelle du pays, la diminution de la facture totale des consommateurs serait comprise entre 500 et 600 millions d'euros par an.

9- Existe-t-il des exemples d'application du principe pollueur-payeur dans le domaine de l'eau ? Ces expériences ont-elles donné des résultats tangibles ?

UFC - Que Choisir : En France il faut rappeler que le secteur industriel a diminué de moitié ses émissions polluantes dans l'eau. La mise en place de réglementations plus strictes et la hausse de la redevance pollution payée aux agences de l'eau expliquent largement ces résultats positifs. Ainsi, une étude de l'INRA menée en 1999 a montré que pour une hausse de 10 % de la redevance pollution, la réduction des émissions polluantes par ces industriels était de 7 %. Dans le domaine agricole, plusieurs pays européens (Suède, Norvège, Danemark et Pays Bas) ont mis en place une taxe sur la pollution des eaux par les nitrates ou par les pesticides. Dans ces pays, pour un doublement de la taxe, la diminution de la pollution par les nitrates est comprise, selon les cas, entre 15 % et 50 %. Dans le domaine des pesticides, la taxation à hauteur de 20 % au Danemark a entraîné une diminution de 5 à 10 % des consommations de produits phytosanitaires. En Norvège, un autre système de taxation, segmenté et complexe, a induit une baisse de 54 % des ventes de pesticides entre 1985 et 1994.

10- L'application du principe pollueur-payeur est-elle soutenable économiquement par les agriculteurs ?

UFC - Que Choisir : Si la taxation des nitrates et des pesticides aura d'abord un coût réel pour les agriculteurs, la diminution de la pollution qui en résultera diminuera à terme leur contribution financière. Une étude de l'INRA estime qu'une taxe de 20 % sur les engrais minéraux entraînerait une diminution de 1,3 % de la valeur ajoutée de la branche agriculteur. Cette diminution est tout à fait significative concernant des activités qui ont des marges faibles. Ce type de résultat amène les lobbies agricoles à justifier leur refus d'une réforme par ses conséquences sur le revenu agricole, mais un rapport de l'Assemblée (rapport Tavernier 1999), appuyé par des avis d'experts, souligne la faiblesse d'un tel raisonnement. Sur le long terme, l'objectif final de la taxe pollueur-payeur n'est pas la hausse du budget des agences de l'eau affecté à la dépollution, mais la réduction des niveaux effectifs de pollution. Si cet objectif est atteint, le niveau des redevances pollution diminuera à terme et ces redevances auront alors un impact plus faible sur le prix de revient des activités agricoles. Ensuite, si l'urgence environnementale doit amener des hausses importantes de la redevance de pollution, des mécanismes d'aide à la transition peuvent être mobilisés pour le secteur agricole. D'une part, les redevances payées aux agriculteurs peuvent faire l'objet d'une augmentation échelonnée dans le temps, d'autre part, la mobilisation des aides communautaires de la nouvelle PAC doit permettre aux agriculteurs de financer ce nécessaire changement de régime de production. La validité scientifique de ce raisonnement est confirmée par les recommandations que vient de publier l'OCDE, le 18 février 2005, sur l'état environnemental de la France, et par le rapport remis, le 23 décembre 2004, par le Conseil de l'analyse économique (CAE) au Premier Ministre (rapport « Politique environnementale et compétitivité »).

Chiffres clés

Prix moyen de l'eau

2,8 euros par mètre cube

prix en 1990 : 1,3 euros par mètre cube

420 euros par an pour un ménage de quatre personnes

Décomposition de la facture d'eau du consommateur

Part dans la facture d'eau

Evolution 94-99

Distribution de l'eau

42 %

+ 12,7 %

Collecte et traitement des eaux usées

31,4 %

+ 22,4 %

Redevances aux agences de l'eau

17 %

+ 41,5 %

FNDAE et TVA

9,6 %

+ 28,1 %

Source DGCCRF 1999

Les contributions à la redevance pollution

Redevance pollution 2007 (selon projet loi)

Redevance pollution actuelle

Consommateurs

85 %

89 %

Agriculteurs

4,3 %

1 %

Industriels

10 %

10 %

Thermique

0,7 %

-

Source ministère de l'environnement

Les contributions à la pollution des eaux

Pollution pesticides

Pollution nitrate

Pollution matière toxique

Pollution masse organique

Consommateurs

10 %

20 %

-

35 %

agriculteurs

90 %

74 %

-

33 %

Industriels

-

6 %

proche 100 %

32 %

Source IFEN - agreste - Agence de l'eau- Sénat

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