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Riposte graduée

La technique en échec

La riposte graduée, mesure phare de la loi anti-piratage Création et Internet, pose plusieurs difficultés techniques. Telle est la conclusion d'une note interne du Conseil général des technologies de l'information (CGTI), service dépendant de Bercy, citée par le quotidien « La Tribune ».

L'UFC-Que Choisir l'a déjà souligné, plusieurs indicateurs mettent en doute l'efficience de la loi Création et Internet et de sa principale mesure, la riposte graduée. Fondée sur un constat erroné (une industrie musicale « en crise »), la loi est de surcroît liberticide (faisant fi de la présomption d'innocence et de la confidentialité des données personnelles). Cette fois, c'est une note provenant du gouvernement lui-même, et que cite « La Tribune » dans son édition d'hier, qui plombe le projet. Dans cette note interne rédigée l'an dernier, le Conseil général des technologies de l'information (CGTI), un service dépendant du ministère de l'Économie et des Finances, pointe en effet plusieurs difficultés techniques d'application de la riposte graduée.

Impossible de séparer les flux...

La loi prévoit en effet de suspendre l'accès à Internet aux pirates récidivistes. Problème, pour le CGTI, « les modalités techniques envisageables pour cette suspension ne permettent pas d'isoler l'accès à Internet des autres services ». En clair, il est impossible de couper l'accès à Internet sans éteindre aussi la télévision et la ligne fixe des abonnés aux offres triple play, qui de surcroît n'auront plus non plus accès à leur messagerie électronique. Et ne pourront plus joindre les numéros d'urgence. En revanche, ils continueront de payer leur abonnement.

... ou de démasquer les pirates

Autre absurdité, la loi veut sanctionner des pirates qu'il est difficile... d'identifier. Pas simple, par exemple, de démasquer un pirate qui s'est connecté à Internet via un réseau wi-fi partagé, par définition, par plusieurs internautes (dans les lieux publics, par exemple). « Fermer la borne paraît inapproprié », indique le rapport. Dans le schéma plus classique d'une connexion à domicile, il « suffit » en théorie d'examiner les visites aux réseaux peer-to-peer (P2P) des ordinateurs suspects et les contenus échangés. Mais « les versions les plus récentes des logiciels offrent des possibilités de dissimulation des adresses et des contenus ». Le mécanisme d'identification prévu par la loi « devenu quasi aveugle, deviendrait rapidement obsolète ». Suggestion du CGTI : « étudier quelles solutions permettraient éventuellement de déjouer » le phénomène. Une solution quelque peu évasive alors qu'il y a urgence : après avoir été adoptée par le Sénat en octobre dernier, la loi sera examinée en seconde lecture par les députés le 4 mars prochain.

Les étapes de la riposte graduée

1) Si une personne se rend coupable de téléchargement illégal, la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) lui envoie un message d'avertissement - dénommé « recommandation » - par courrier électronique.

2) En cas d'un nouvel acte de téléchargement présumé illégal dans un délai de 6 mois après ce premier message, l'HADOPI envoie une nouvelle recommandation par voie électronique. Cette recommandation pourrait être assortie d'une lettre recommandée ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date d'envoi de cette recommandation et celle de sa réception par l'abonné.

Ces deux étapes forment ce que la ministre de la Culture appelle la phase « préventive ». L'abonné peut adresser des observations à la commission de protection des droits de l'HADOPI, mais ne peut pas contester le bien-fondé de ces recommandations sauf dans le cadre d'un recours dirigé contre une décision de sanction.

3) En cas de renouvellement du manquement dans l'année qui suit la réception de la deuxième recommandation, la Haute Autorité pourra soit suspendre temporairement l'abonnement à Internet, suspension cumulée avec l'interdiction de se réabonner pendant la même durée, soit limiter des services ou l'accès à ces services en fonction des avancées technologiques.

Camille Gruhier

Camille Gruhier

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