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Mediator

L’ancien directeur de l’Agence du médicament s’explique

Le tribunal correctionnel de Paris a entendu, lundi 25 novembre, Jean Marimbert, le directeur de l’Agence du médicament qui, sous la pression d’Irène Frachon, a fini par retirer le Mediator (benfluorex) du marché. Récit de l’audience.

« N’oubliez pas que vous avez devant vous la personne qui a retiré le Mediator du marché. » Voilà quelques heures que Jean Marimbert, directeur général de l’Agence du médicament (Afssaps devenue ANSM) entre 2004 et 2011, est asticoté sur la lenteur de l’administration à prendre conscience des dégâts du benfluorex, anorexigène puissant vendu comme antidiabétique. Charles-Joseph Oudin, avocat de parties civiles, vient de lui faire remarquer que ces atermoiements ont largement bénéficié à la firme Servier, quand les patients continuaient de s’empoisonner dans la plus grande indifférence des autorités sanitaires. Comprend-il leur émotion ? Oui, il comprend. Mais il tient à rappeler que l’agence n’est pas restée les bras croisés.

Il est exact que la décision de retrait du Mediator, fin 2009, est prise sous sa direction. Il aura toutefois fallu la ténacité d’Irène Frachon, la pneumologue par qui le scandale a éclaté, pour que cette décision soit prise, avec au moins dix ans de retard.

Plusieurs occasions manquées

L’audience de ce lundi débute d’ailleurs sur la première occasion d’agir que Jean Marimbert a manquée. En septembre 2005, raconte-t-il, paraît dans Prescrire, revue médicale indépendante, un éditorial peu amène sur l’agence, pointant sa timidité face à l’industrie. Un paragraphe est consacré au Mediator, que son fabricant vient de retirer du marché espagnol. « Je me suis tourné vers la direction de l’évaluation de l’agence pour répondre à Prescrire, se souvient Jean Marimbert. J’ai eu une note précisant que le produit était sous surveillance. » Il adresse un droit de réponse à Prescrire sur cette base et, malgré la réplique de la revue qui détaille une nouvelle fois la toxicité du benfluorex, l’épisode en reste là.

En 2007, le cas Mediator revient à l’ordre du jour de l’agence à la faveur d’une réévaluation de son autorisation de mise sur le marché (AMM). Les « vigilants », à savoir les membres de la commission nationale de pharmacovigilance (CNPV), émettent des réserves sur le médicament. Leur avis n’est pas pris en compte, les « évaluateurs » de la commission d’AMM souhaitant son maintien sur le marché en attendant les résultats de nouvelles études. À la mi-2007, c’est le statu quo. L’agence s’en tient à une surveillance molle du Mediator.

La présidente du tribunal relève l’intervention surprenante, à l’occasion de cette dissension interne, des laboratoires Servier. Une de leurs lobbyistes, Madeleine Dubois, s’inquiète directement auprès de Jean Marimbert de ce que le compte-rendu de la CNPV pointant les risques du Mediator puisse être diffusé indépendamment de l’avis favorable sur son « efficacité ». La demande de Servier est satisfaite, le compte-rendu est finalement publié avec une modification. « C’est fréquent, qu’un laboratoire intervienne ? – Non, les comptes-rendus n’ont pas à être changés selon la volonté des laboratoires », reconnaît Jean Marimbert, qui dira plus tard qu’il ne voyait pas là, non plus, un « péché mortel ». Interrogé sur l’incapacité de l’agence à rassembler les pièces du puzzle Mediator au fil des années, il parle à plusieurs reprises de « perte de mémoire collective », notant au passage la défaillance du système de signalement spontané. Jean-Christophe Coubris, avocat de parties civiles, s’étonne qu’à son entrée en fonction, les quelques cas de médicaments sous surveillance ne lui aient pas été présentés. Au final, personne n’a pu faire converger les éléments d’alerte qui étaient là, depuis le début même de la commercialisation du produit. « Je ne suis pas dans le déni, il y a eu des dysfonctionnements », reconnaît Jean Marimbert.

Anne-Sophie Stamane

Anne-Sophie Stamane

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