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Vaccin AstraZeneca

Les raisons d’une remise en question

Initialement réservé aux moins de 55 ans, le vaccin AstraZeneca a ensuite été autorisé chez les plus âgés. Alors que les doses commençaient à arriver dans les pharmacies françaises, son usage a été temporairement suspendu. Objet de doutes, d’incompréhensions et de contradictions, que sait-on actuellement de la balance bénéfice/risque de ce vaccin ?

Mise à jour du 19 mars 2021

Reprise de la vaccination AstraZeneca, chez les plus de 55 ans

Le 18 mars 2021, l’Agence européenne du médicament a rendu un avis indiquant que les bénéfices en termes de prévention des cas Covid continuaient de l’emporter sur les risques du vaccin d’AstraZeneca. Les cas de thromboembolies signalés à la suite de vaccinations ne se sont pas révélés plus fréquents que ceux attendus – ce qui dédouane le vaccin. En revanche, d’autres troubles de la coagulation particuliers, très rares et très graves, des coagulations intravasculaires disséminées (CIVD) et des thromboses veineuses cérébrales (TVC) sont apparus beaucoup plus fréquemment qu’attendu. Ils restent néanmoins très rares : 7 cas de CIVD et 18 de TCV sur 20 millions de vaccinés. Ce signal mérite une vigilance accrue. Ces événements indésirables se sont produits chez des personnes plutôt jeunes, en majorité des femmes. Sur cette base, la reprise de la campagne de vaccination, suspendue depuis lundi 15 mars, a été décidée en France. Néanmoins, la Haute Autorité de santé a revu les indications du vaccin AstraZeneca et le réserve désormais aux 55 ans et plus. Le cas des personnes de moins de 55 ans ayant reçu une première injection devrait être éclairci à l’avenir.

S’il est un vaccin qui ne fait pas l’unanimité, c’est bien le ChAdOx1-nCoV19 développé par Oxford et AstraZeneca. Dernier épisode en date, la suspension en cascade des campagnes de vaccination dans les pays européens. Le mouvement a débuté le 11 mars par le Danemark suivi par l’Islande et la Norvège et ensuite par plusieurs autres pays dont la France et l’Allemagne.

Un risque de thrombose ?

En cause : des événements thromboemboliques (formation de caillots de sang dont les conséquences peuvent être mortelles), ainsi que des thrombopénies (diminution du nombre de plaquettes sanguines), signalés à la suite des vaccinations. En l’état des connaissances, la suspension de la vaccination relève du principe de précaution. Car on ne sait pas si ces problèmes thromboemboliques sont vraiment causés par la vaccination ou simplement survenus, par hasard, après les vaccinations. L’Agence européenne du médicament (EMA) soulignait, le 10 mars, que seuls 30 cas d’événements ont été rapportés pour plus de 5 millions de personnes vaccinées. Le laboratoire a fait ses propres analyses et indique ne pas détecter un tel effet indésirable. Pour autant, il importe qu’une autorité indépendante analyse les données pour juger d’abord de la responsabilité ou non du vaccin dans la survenue de ces effets et, si c’était le cas, de la fréquence de cet effet indésirable. Mais ce n’est pas tout : quand bien même il serait prouvé que le vaccin est en cause, il faudrait voir si cet effet est suffisamment grave pour entraîner sa suspension. Nombreux sont en effet les médicaments qui entraînent des troubles de la coagulation, les plus connus étant sans doute les pilules contraceptives oestro-progestatives. L’existence de cet effet indésirable doit donc être comparée aux bénéfices en termes de prévention du Covid-19 – une maladie qui elle-même favorise la formation de caillots et des embolies notamment chez les personnes hospitalisées. L’Agence européenne du médicament devra au final juger si les bénéfices du vaccin d’AstraZeneca l’emportent donc toujours sur les risques.

Un démarrage laborieux

Les bénéfices de ce vaccin ont eux-mêmes été l’objet de controverses. Contrairement aux données des essais cliniques des vaccins de Pfizer et de Moderna qui établissaient assez clairement le niveau de protection contre le Covid-19 conféré par leur produit (de l’ordre de 95 %), celles d’AstraZeneca étaient bien moins précises. Des chiffres aussi différents que 60 % ou 90 % de protection contre les formes symptomatiques ont été annoncés, suivant les situations. Dans son dossier d’autorisation, l’efficacité retenue est comprise dans une fourchette de 45,8 % à 69,7 %.

De fait, AstraZeneca n’a pas vacciné tous les participants de ses essais de la même façon. Ainsi certains ont reçu une demi-dose (par erreur !) au lieu d’une dose complète. De plus, il était prévu au début qu’il n’y ait qu’une seule injection, puis une seconde a finalement été ajoutée. Cette seconde injection a, du coup, été réalisée tardivement, plus de 12 semaines après la première au Royaume-Uni, mais en moins de 6 semaines au Brésil. Enfin, les personnes âgées participant aux essais cliniques étaient peu nombreuses, avec seulement 13 % de plus de 65 ans, et incluses tardivement. Ce manque de données pour la population âgée a conduit les autorités à ne pas indiquer ce vaccin aux plus de 55 ans. Une décision interprétée parfois comme la preuve de l’absence d’efficacité du vaccin AstraZeneca alors qu’il s’agissait d’une absence de preuves d’efficacité dans cette population.

Quelle efficacité en vie réelle ?

Tout cela ne donnait pas une image très claire de l’intérêt de ce vaccin. Depuis, des études complémentaires et en « vie réelle » sont venues utilement préciser les choses. Tout d’abord une analyse plus poussée des données a montré une efficacité meilleure, probablement proche de 84 % avec un espacement de 12 semaines entre deux doses. Ensuite, un suivi de la population écossaise a montré une réduction de 94 % des hospitalisations (donc des formes graves du Covid) chez les personnes vaccinées par rapport à une population comparable mais non vaccinée, 4 semaines après la première dose. Ces données sont moins fiables que celles issues des essais cliniques et n’ont pas encore fait l’objet d’une publication dans les règles de l’art scientifiques. Mais elles présentent deux avantages majeurs : d’une part, de s’intéresser à un critère plus cliniquement pertinent (les formes graves nécessitant une hospitalisation) et d’autre part d’inclure de nombreuses personnes âgées puisqu’en Écosse les plus de 70 ans ont majoritairement reçu le vaccin d’AstraZeneca. C’est sur cette base qu’a finalement été décidé d’administrer ce vaccin aux catégories les plus âgées. Enfin, des données complémentaires avec analyse du type de virus montrent une efficacité probable contre le variant dit britannique (B.1.1.7), de l’ordre de 75 %. Des incertitudes subsistent néanmoins : ni la durée d’immunisation ni les effets sur les formes asymptomatiques et la transmission ne sont connus.

Quels effets indésirables ?

En dehors de la question d’éventuels effets thromboemboliques, le vaccin d’AstraZenaca provoque des effets indésirables très fréquents mais peu graves, d’intensité légère à modérée. Les plus fréquents sont :

  • sensibilité (63 %) ou douleur (54 %) au site d’injection ;
  • des maux de tête (52,6 %) ;
  • des douleurs musculaires (myalgies, 44 %) ;
  • de la fatigue (53,1 %) ;
  • un état fébrile (33,6 %), une fièvre supérieure à 38 °C étant plus rare, des frissons (31,9 %) ;
  • des douleurs articulaires (26,4 %) ;
  • des nausées (21,9 %).

La majorité de ces effets indésirables ne durent que quelques jours après la vaccination et la prise de paracétamol est recommandée en cas de besoin.

Contrairement à ce qui a été constaté avec les vaccins à ARNm, celui d’AstraZeneca, à adénovirus, provoque des réactions plus légères et moins fréquentes, après la seconde dose. Chez les adultes âgés de plus de 65 ans, les effets sont également moindres.

Perrine Vennetier

Perrine Vennetier

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