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Vente de billets

Viagogo condamné avant Roland-Garros

Méfiance si vous recherchez des billets pour le tournoi de Roland-Garros, dont les phases de qualification commencent aujourd’hui : certains sites n’hésitent pas à vous les faire payer très cher, sans autorisation. La Fédération française de tennis (FFT) a obtenu, début avril, la condamnation du site Viagogo pour vente sans autorisation de billets du tournoi.

Nouvelle estocade contre le très décrié site Viagogo. Quelques semaines avant le début de l'édition 2018 du tournoi de Roland-Garros, le Tribunal de grande instance de Paris a décidé de le sanctionner pour avoir vendu sans autorisation des billets pour cette compétition sportive.

Pour rappel, en France, seul le producteur d’un spectacle peut vendre des billets ou mandater des revendeurs (la Fnac, Ticketnet, Digitick, etc.). Mais des sites non officiels récupèrent des billets par d’autres moyens – comme des logiciels qui font des réservations en masse –, voire vendent des places qu’ils n’ont pas, à des prix surgonflés (voir notre enquête sur le fonctionnement de ces sites et le combat des producteurs de concert pour les mettre hors d’état de nuire). Malgré nos mises en garde répétées depuis l’arrivée de Viagogo en France, en 2011, des dizaines de témoignages nous sont parvenus depuis février à ce sujet.

« Nous les avons attaqués sur le fait qu’ils proposaient des billets pour le tournoi dès novembre 2017 ; or, la billetterie officielle n’a ouvert qu’en janvier-février, ils communiquaient donc sur des billets qu’ils n’avaient pas », explique François Lhospitalier, directeur juridique et conformité de la Fédération française de tennis. Concrètement, Viagogo attirait les internautes au plus tôt, leur expliquait qu'il n'y avait pas de billets disponibles (et pour cause !) et les incitait à retenter leur chance plus tard ou à laisser leur adresse e-mail pour être alerté de l'arrivée des billets. La fédération a aussi attaqué Viagogo pour « contrefaçon de marque », puisqu’elle est propriétaire du nom « Roland-Garros ».

Viagogo a été condamné à immédiatement cesser, sous astreinte, d’offrir à la vente des billets d’accès au tournoi de Roland-Garros sur leur site et à payer à la FFT a minima la somme de 60 000 € à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, ainsi que 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

« Cette condamnation fait écho à celles qu’ont pu obtenir la Ligue de football professionnel (LFP) et la Fédération française de football (FFF) à l’encontre de Viagogo dans des affaires similaires », indique le directeur juridique de la FFT. « Il est important de le souligner, car plus nous seront nombreux à les attaquer, plus les spectateurs se rendront compte qu’il ne faut pas aller sur ce site ».

Sur son site officiel, la FFT met en garde contre Viagogo.

Google ne joue pas le jeu

Interrogé dans le cadre de notre enquête, le moteur de recherche Google – où Viagogo figure en très bonne place grâce à l’achat massif de mots-clefs – assure avoir « conscience du problème ». « Dès lors que l’on nous notifie qu’une annonce est illicite, on la vérifie et on la retire », explique un porte-parole du site. Le géant de l’Internet dit ne pas pouvoir limiter en amont les nuisances de Viagogo, car lorsque le site fait de la publicité sur un évènement, « on ne peut pas savoir si le producteur a donné son autorisation ou non ».

Le système de signalement de Google « fonctionne, mais est fastidieux », témoigne François Lhospitalier. « Il faut à chaque fois passer par des processus très formalisés, envoyer des preuves que nous sommes bien propriétaires de la marque Roland-Garros… Ils sont moyennement coopératifs », regrette-t-il.

Sur Google, Viagogo arrive souvent en tête des résultats de recherche, grâce à l’achat de mots-clefs.

Injonction de la DGCCRF

Cette nouvelle victoire d’un acteur du secteur intervient alors que de nombreuses enquêtes sont en cours contre Viagogo, en Suisse, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Australie, mais aussi en Espagne.

En France, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a été au cours des derniers mois « destinataire de multiples plaintes et signalements à l’encontre des sites www.viagogo.fr et www.viagogo.com », nous écrit son service communication.

Les réclamations portent, « en règle générale, sur le paiement d’un prix plus élevé que celui inscrit en valeur faciale du billet, sur l’ajout de frais supplémentaires en fin de transaction ou à l’issue du paiement et sur la présence du nom d’une tierce personne sur le billet », indique la répression des fraudes. « Plus sporadiquement, les plaignants évoquent l’absence de réception des billets achetés, l’absence de correspondance entre la place achetée et le billet reçu ou l’impossibilité de pouvoir accéder à l’évènement avec le billet acheté », ajoute-t-elle.

Dans le cadre d’une enquête dédiée au secteur de la billetterie en ligne menée en 2017, la DGCCRF a mené 38 contrôles spécifiques sur les sites de Viagogo et sur son application mobile. Ils ont été menés sur plusieurs mois afin « d’observer les pratiques de la plateforme Viagogo sur la durée et d’en démontrer leur récurrence, sinon leur systématisation » et ont permis de constater de nombreuses anomalies :

  • Absence de communication des informations précontractuelles (article L. 221-5 du code de la consommation)
  • Pratique commerciale trompeuse par l’indication d’un prix minoré tout au long du processus de réservation (article L. 121-2 du code de la consommation)
  • Pratique commerciale trompeuse sur les droits du professionnel (article L. 121-2 du code de la consommation)
  • Pratique commerciale trompeuse par dissimulation de caractéristiques essentielles de la prestation (site de revente et non de vente ; nom d’une tierce personne sur le billet) (article L. 121-3 du code de la consommation)
  • Pratique commerciale trompeuse par le fait de déclarer faussement que le produit ou le service ne sera disponible que pendant une période très limitée (article L. 121-4 du code de la consommation)

La DGCCRF a décidé de mettre en œuvre une injonction administrative assortie d’une publication, afin d’obliger la plateforme à mettre en conformité ses pratiques et faire cesser les pratiques commerciales trompeuses en cours. Les faits constatés relevant de possibles sanctions pénales, elle a par ailleurs transmis un procès-verbal au parquet pour pratiques commerciales trompeuses.

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