ENQUÊTE

Chargeurs de smartphonesRisque d’incendie et de choc électrique

Anodin, le chargeur de smartphone ? Pas si sûr ! Ce petit boîtier, constitué de nombreux composants électroniques, est plus complexe qu’il n’y paraît. Il est d’ailleurs encadré par plusieurs normes qui assurent la sécurité des consommateurs. On trouve des modèles à tous les prix, de 1 € à 35 €. Se valent-ils ? Nous avons sondé le marché en testant 20 chargeurs achetés dans différents points de vente (Auchan, E. Leclerc, La Foir’Fouille, Boulanger ou encore des marketplaces). Nous avons vérifié que ces modèles respectaient la réglementation en matière de marquage et de sécurité électrique. À l’arrivée, 11 se sont révélés dangereux ! Ces résultats inquiétants confirment l’alarmant constat des sapeurs-pompiers français, qui estiment qu’aujourd’hui, les chargeurs sont à l’origine de la moitié des incendies domestiques. Retrouvez les résultats détaillés de notre test, notre enquête et tous nos conseils.

→ Test Que Choisir : Chargeurs de smartphones 

Vraiment, il n’a l’air de rien, ce petit bloc en plastique sans âme, avec son port USB tout bête et ses deux broches de raccordement au secteur. Bien qu’indispensable au quotidien, il n’est que le faire-valoir de maître smartphone. Dès lors, quand vient le moment de remplacer le chargeur livré dans la boîte, il est légitime de se demander pourquoi le payer au prix fort alors que l’on peut l’acheter 30 fois moins cher… Sur le marché, on trouve de tout, du modèle de marque Apple ou Samsung vendu autour de 30 € à celui déniché à moins de 1 € sur une marketplace d’Amazon. Intrigués par ces écarts colossaux, nous avons cherché à en savoir plus. Et ce que nous avons découvert a de quoi inquiéter.

Dédale de normes

Fabriquer un chargeur de smartphone est bien plus compliqué qu’il n’y paraît. L’accessoire est composé de nombreux éléments électroniques normés exigeant un assemblage rigoureux. La qualité du plastique utilisé est primordiale. Le boîtier doit être solide et répondre à un cahier des charges précis, défini par les directives Basse tension (2014/35/UE) et Compatibilité électromagnétique (2014/30/UE), ainsi que par la norme européenne correspondante (NF EN 60950-1, remplacée en décembre 2020 par la NF EN 62368-1). Un dédale de normes indispensables pour assurer la sécurité des consommateurs. « En 2016, aux Pays-Bas, 47 personnes sont mortes et 75 000 autres ont été brûlées à cause d’un chargeur. Nous n’avons pas de statistiques précises pour la France, mais les chargeurs sont clairement identifiés comme une source potentielle de chocs électriques et d’incendies domestiques », alerte le capitaine Éric Brocardi, porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.

Des non-conformités à la pelle !

Les chargeurs disponibles dans le commerce ne respecteraient donc pas les normes européennes ? On s’en doutait, notre test le confirme : parmi les 20 modèles achetés dans différents points de vente (entre autres, La foir’fouille, Boulanger, Darty et Électro dépôt, ou sur les places de marché d’Amazon et de la Fnac), à des prix plutôt accessibles (jusqu’à 15 €), seuls 4 sont conformes ! D’abord, les trois quarts n’affichent ni le bon marquage ni les instructions de rigueur, ce qui donne en général un premier indice de qualité. Pire, plus de la moitié d’entre eux présentent des défauts de sécurité électrique. Ils ne protègent pas des surcharges ni des courts-circuits, les connecteurs de broche sont mal fixés et l’isolation est insuffisante entre l’entrée et la sortie de l’adaptateur. D’où les risques de départ de feu, d’électrisation, voire d’électrocution (fatale). Ces facteurs sont aggravés par l’usage de plastiques trop fins (inférieurs à 1,2 mm) et de mauvaise qualité (inflammables). Et comme si cela ne suffisait pas, ces accessoires sont trop fragiles (plusieurs modèles de notre test n’ont pas résisté à une simple chute de 1 mètre de hauteur !). Un choc sur un chargeur branché risque de dénuder un composant et d’entraîner un coup de jus pour les petites mains (et pattes) baladeuses…
Nous avons, bien sûr, contacté les fabricants et les distributeurs concernés. Tous n’ont pas répondu, mais certains ont réagi. Babou, dont le chargeur s’est révélé dangereux lors de nos essais, nous a ainsi informés qu’il avait retiré le produit de son réseau (près de 100 magasins en France) et organisé un rappel, afin que tous les acheteurs le rapportent et se fassent rembourser. Auchan promet d’adjoindre une notice au produit et d’ajouter le symbole manquant, afin de respecter la norme. E.Leclerc, dont le chargeur Hoé ne mentionne pas toutes les informations obligatoires et n’est pas conforme en sécurité électrique, prévoit de changer de modèle et de marque : le nouveau sera estampillé Linkster. Le distributeur assure avoir modifié le marquage mais nie le défaut d’isolation mis à jour par notre laboratoire qui, soulignons-le, est habilité à réaliser ce type de tests et, évidemment, indépendant. Dans l’attente d’éventuels contre-tests, mieux vaut opter pour un chargeur sûr. Conrad, enfin, précise que le sien (non conforme au marquage) n’est plus en vente. Soit, mais des consommateurs l’ont quand même acheté !

Le danger vient de Chine

Derrière cet affligeant constat, une simple question : comment ces chargeurs dangereux arrivent-ils sur le marché ? Leur provenance n’est pas un mystère, ils sont tous fabriqués en Chine. Lors du passage en douane, ceux qui les introduisent sur le territoire sont sommés de présenter un certificat de conformité CE garantissant le respect de toutes les normes en vigueur. « Le système de surveillance repose sur des télédéclarations ; nous ne lançons des contrôles qu’en cas de suspicion », expliquent les douaniers français. D’où la relative tranquillité des importateurs, qui font parfois appel à des laboratoires accommodants pour leur remettre lesdits certificats. « Un bon labo établit un rapport pour chaque modèle de chargeur, l’étaye point par point, avec des dizaines de mesures et des photos. Un certificat solide compte une quarantaine de pages, quand d’autres, provenant de labos chinois peu sérieux, se contentent de délivrer un document unique pour plusieurs modèles, sans détails, et qui tient sur quelques feuilles A4 ! Bien sûr, entre les deux, le coût varie du simple au triple », explique Christian Laveissiere, consultant en import. Le second trou de la passoire, et sans doute pas des moindres, est causé par les marchands qui commercialisent ces accessoires via les marketplaces d’Amazon et de la Fnac. Ces obscurs vendeurs (JKen, ZinFRaya), qui proposent des marques tout aussi inconnues (Zinniaya, Comomingo, etc.), les expédient le plus souvent depuis la Chine, feintant les douanes (et, au passage, ne payant pas la TVA). Résultat : ils sont à l’origine de six des huit chargeurs les plus dangereux de ce comparatif. Suprise sur prise : nous les déconseillons formellement.

Ces risques insoupçonnés

Chocs électriques

Une isolation imparfaite entre l’entrée et la sortie du chargeur fait courir un risque d’électrisation. Le passage d’un courant électrique dans le corps humain peut endommager les organes et les tissus.

Départ de feu

Le mauvais assemblage des composants électriques, ou leur piètre qualité, peut causer un court-circuit, et donc un incendie.

Blessures corporelles

Un chargeur très bas de gamme est composé de deux morceaux (le corps et la partie qui soutient les broches) souvent mal assemblés. Un coup de pied ou d’aspirateur peut faire apparaître des parties dangereuses.

Marquage, un premier indice

Les chargeurs doivent être livrés avec des informations précises et des instructions claires. C’est un premier indice : aucun des appareils dangereux, sauf le Joja de Babou, n’était conforme sur ces points. Ci-dessous, un exemple de bon élève, le modèle Essentiel b de Boulanger.

Sur le chargeur doivent figurer…

  • La tension ou les plages de tensions assignées. Cela renseigne sur quel réseau il est possible de brancher le chargeur.
  • La fréquence ou plage de fréquences du réseau en hertz (Hz).
  • Le courant assigné en ampère (A) ou milliampère (mA).
  • Le nom du fabricant, la marque de fabrique ou celle d’identification.
  • Le numéro de modèle ou la référence du type.
  • Le symbole d’identification du matériel de classe 2 (double isolation).
  • Le marquage CE, autrement dit l’autodéclaration du fabricant, importateur ou distributeur, assurant que son produit est conforme aux normes applicables.
  • Le symbole poubelle barrée (recyclage).
  • Le symbole de la maison (utilisation en intérieur).
  • La tension et le courant de sortie doivent aussi être ajoutés.

Dans la notice, il faut trouver…

  • Des instructions suffisantes concernant toutes les conditions nécessaires pour garantir que, lorsqu’il est utilisé conformément aux instructions du fabricant, le matériel n’est pas susceptible de présenter un danger au sens de la norme.
  • Les symboles mentionnés sur le chargeur avec leur explication.

Nos conseils

Rechargez sans souci votre smartphone

  • Ne le mettez pas en charge la nuit et, surtout, évitez de le poser sous votre couette ou sur un tapis.
  • Ne laissez pas le chargeur branché sur le secteur lorsque vous ne l’utilisez pas.
  • Privilégiez plusieurs recharges de courte durée plutôt que des cycles de charge complets d’une batterie vide.
  • Préférez le chargeur d’origine de votre smartphone, il fournit le bon courant (tension, intensité). Sachez que tous les chargeurs ne sont pas compatibles avec tous les appareils (manette de jeu, enceinte Bluetooth), car chacun requiert une puissance électrique propre.
  • Utilisez sans crainte le chargeur de votre tablette. Le port USB d’un chargeur délivre toujours une tension de 5V, c’est la norme. Quant à son intensité, elle varie (1A, 2A, etc.) mais le téléphone ne « puisera » que ce dont il a besoin. À l’inverse, recharger une tablette qui exige 2A avec un chargeur 1A risque de prendre du temps.

> Retrouvez tous nos conseils pour bien utiliser votre chargeur.

Apple non conforme

Nous avons testé les chargeurs de Samsung et d’Apple. Le premier s’en sort parfaitement avec un adaptateur tout à fait conforme. En revanche, Apple trébuche. Le marquage apposé est incomplet. Il manque le symbole indiquant une utilisation en intérieur uniquement. Et celui sur la double isolation n’est pas expliqué. Aucun danger, mais cela méritait d’être souligné.

→ Test Que Choisir : Chargeurs de smartphones 

Camille Gruhier

Camille Gruhier

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