BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Prix de l’électricité

Ne pas faire disjoncter les prix sur le court terme oui ? Mais après !

Après la hausse de 6% intervenue le 1er juin, la CRE propose une nouvelle hausse de 1,23% au 1er août du tarif réglementé de l’électricité (TRVE)... Alors que la crise des gilets jaunes est née des tarifs de l’énergie, le gouvernement serait bien inspiré de régler, sur le long terme, le problème des tarifs explosifs de l’électricité, et de ne pas se cantonner à des solutions court-termistes, en ne jouant que sur l’ARENH...

« ARENH » me rétorquerez-vous ? Oui, afin de tenter de faire bénéficier les consommateurs d’un cadre concurrentiel, et donc de tarifs stables et généralement avantageux de l’énergie nucléaire produite en France, les concurrents d’EDF ont la capacité de lui acheter de l’électricité à un tarif fixe (42 € le mégawattheure), pour un volume global plafonné à 100 térawattheures par an. C’est ça ARENH (accès régulé à l’énergie nucléaire historique).

Mécaniquement, avec un marché de gros au cours fluctuant, parfois plus cher que l’ARENH, et une concurrence toujours accrue, les fournisseurs alternatifs à EDF y ont eu de plus en plus recours de sorte que l’année dernière la demande d’ARENH a dépassé ce plafond. Or, compte tenu de la méthode de calcul du tarif réglementé de vente de l’électricité (TRVE) adoptée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), ce recours massif au tarif de l’ARENH a eu un impact très important dans la hausse pantagruélique du TRVE (+ 5,9 %) du 1er juin. C’est dans ce contexte que le projet de loi relatif à l’énergie et au climat est actuellement débattu au Parlement, et que les discussions se concentrent autour de deux points majeurs : faut-il ou non augmenter le plafond de l’ARENH, et si oui, faut-il augmenter concomitamment son prix ? Les réponses aux deux questions ne sont pas les mêmes.

Tout d’abord, concernant le plafond (quantité disponible à la vente) de l’ARENH : l’augmenter est éminemment souhaitable car cela permettrait d’alléger la facture d’électricité de l’ensemble des consommateurs, tout du moins au regard de la méthodologie de fixation actuelle du TRVE.

Ensuite, et en revanche, je m’étonne que l’on puisse considérer, comme le gouvernement ou encore le Sénat, que l’augmentation du plafond doive avoir pour corolaire celle de son prix puisqu’il est censé correspondre, en grande partie, au coût de production. Rien dans sa définition ne concourt à ce qu’il soit en lien avec le plafond d’approvisionnement des concurrents d’EDF. Si on souhaite faire évoluer le tarif de l’ARENH, pourquoi pas ? Mais cela doit répondre à des critères objectifs et démontrés, qui pourraient d’ailleurs aboutir à… la baisse du prix. Je n’oublie pas en effet qu’il a été fixé originellement, et de manière purement arbitraire, à un tarif supérieur à celui recommandé par une commission spécialisée. Au bénéfice d’EDF donc !

Enfin, il m’est difficile d’occulter qu’en l’état, le projet de loi est loin de répondre à l’ensemble de la problématique du mode de calcul du TRVE et de l’organisation d’un marché concurrentiel au bénéfice des consommateurs. J’attends donc du gouvernement qu’il ne considère pas le projet de loi actuel, et la seule thématique de l’ARENH, comme étant l’alpha et l’oméga de la « réforme » du marché de l’électricité, mais bel et bien qu’il mobilise un prochain texte législatif pour proposer des mesures propres à permettre aux consommateurs de bénéficier de manière structurelle des tarifs les plus attractifs possibles pour l’électricité, bien de première nécessité dont la consommation est en grande partie contrainte. En effet, il faut rappeler que la fin de l’ARENH est programmée pour 2025… Comment le marché sera-t-il organisé ensuite ?

Toutes les pistes pourraient être explorées, du statu quo à la réforme la plus profonde comme le fait de scinder de manière formelle les activités de production et de distribution d’EDF. L’UFC-Que Choisir entend contribuer à la réflexion.

Ces perspectives à moyen/long terme n’occultant pas les réalités du présent et des factures explosives, en guise de conclusion je ne peux que rappeler aux consommateurs qu’ils peuvent se regrouper grâce à la campagne d’enchères inversées « Energie moins chère ensemble » lancée par l’UFC-Que Choisir pour constituer une force de marché permettant d’obtenir (aussi bien sur l’électricité que le gaz) un tarif attractif, avec une sécurité juridique renforcée grâce à l’intervention de notre association (à travers des conditions contractuelles sûres et protectrices, et l’accompagnement des souscripteurs par la Fédération en cas d’éventuelles réclamations).

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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