BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Surconsommation de pesticides en agriculture

Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fera baisser la fièvre !

Alors que l’agriculture intensive française occupe la première place en Europe en termes d’utilisation de pesticides, les pouvoirs publics se penchent depuis longtemps à son chevet pour tenter de maîtriser cette boulimie de substances toxiques. Mais tels les médecins de Molière, ils n’ont fait que multiplier les remèdes sans effet à ce jour. En 2008 déjà, on avait prescrit une petite dose d’Ecophyto, potion censée diviser par deux la consommation de produits phytosanitaires en seulement 10 ans. Las, l’application du remède étant volontaire, le malade l’a recraché et a continué à se shooter aux pesticides. Sans sourciller, les docteurs Diafoirus ont récidivé avec d’autres remèdes miracles : Ecophyto 2 en 2016, puis Ecophyto II + en 2018 et dernièrement Ecophyto 2030, qui du fait de l’absence de contrôles ou de sanctions, se sont révélés les uns après les autres aussi efficaces que des cataplasmes sur une jambe de bois.

Mais la fièvre, loin de se calmer, empire au point que le malade se met maintenant à délirer. Ainsi, certains agriculteurs français, lorgnant leurs voisins européens, prétendent qu’on leur ferait subir d’épouvantables restrictions sur le nombre de pesticides autorisés, ce qui mettrait en danger les rendements. C’est oublier que la France est à la troisième place européenne en nombre de substances autorisées, avec un chiffre supérieur d’un tiers à la moyenne de l’Union Européenne. Mais le malade n’en a cure et réclame à cor et à cri un moratoire sur l’interdiction des pesticides les plus toxiques, sans se soucier des conséquences dramatiques sur la faune, la flore et la qualité sanitaire des sources d’eau potable.

La dernière poussée de fièvre vient d’être causée par le NODU, l’outil développé par l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRAE) pour mesurer la consommation de produits phytosanitaires qui prend en compte l’augmentation année après année de l’efficacité de ces molécules. En effet, s’il ne fallait pas moins de 1 000 grammes de pesticides à l’hectare en 1950 pour éradiquer les mauvaises herbes et les insectes ravageurs, en 2000 on pouvait déjà se contenter de 100 grammes. Aujourd’hui seulement 10 grammes suffisent, preuve s’il en est de l’impact redoutable des nouvelles substances concoctées par l’industrie chimique.

Or le niveau de consommation actuel, mesuré en NODU, se révèle être le même qu’il y a 15 ans. L’agriculture industrielle, malgré ses promesses de sobriété, est donc toujours aussi accro aux pesticides. Furieuse de ce diagnostic qu’elle juge trop sévère, la FNSEA exige maintenant qu’on casse le thermomètre NODU pour en prendre un autre plus favorable à ses yeux, le HRI-1, selon lequel l’usage des pesticides aurait diminué d’un tiers sur la même période ! L’origine de ce miracle ? Les pondérations du nouveau score qui remontent les notes des pesticides dangereux utilisés en petites doses, au détriment des substances sans risque mais nécessitant de plus grandes quantités !

Alors que le Gouvernement vient de céder à cette demande scandaleuse de la FNSEA, je dénonce son caractère totalement contre-productif qui, outre le mauvais signal donné aux modes de production les plus polluants, aurait également pour effet de pénaliser l’agriculture biologique. Je demande au ministre de l’Agriculture de ne pas céder aux lobbys qui profitent de la crise agricole pour formuler des demandes irresponsables. Au contraire, il est crucial non seulement de reprendre le NODU, seul indicateur fiable, mais aussi de mettre en œuvre une véritable politique de transition écologique permettant le développement d’une agriculture enfin respectueuse de la santé et de l’environnement, en sanctionnant les non-respects des réglementations environnementales et en améliorant le fléchage des aides de la PAC.

Marie-Amandine Stévenin

Marie-Amandine Stévenin

Présidente de l'UFC-Que Choisir

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