Florence Humbert
Plainte de l’UFC-Que Choisir
À la suite des nombreux témoignages de clients floués par le site de vin en ligne 1855.com, l’UFC-Que Choisir a déposé une plainte auprès du tribunal de grande instance de Paris, pour pratique commerciale trompeuse. Si la plainte est jugée recevable, l’UFC-Que Choisir se réserve bien entendu la possibilité de se constituer partie civile devant le juge d’instruction ou la juridiction qui pourrait être saisi du dossier.
Depuis 2007, nous avons alerté l’opinion à plusieurs reprises sur les pratiques douteuses, à la limite de la légalité, de 1855.com. La majorité des litiges porte sur la vente « en primeur » de bordeaux prestigieux. Avec une problématique qui se répète à l’identique depuis des années : non seulement 1855.com n’honore pas les commandes de ses clients, mais ceux-ci ne parviennent pas non plus à être remboursés, malgré leurs nombreuses relances. Et pour cause ! Le modèle économique de 1855.com repose, au moins partiellement, sur la vente à découvert qui consiste à encaisser des commandes sans avoir au préalable acquis ou réservé les vins auprès des propriétaires de châteaux. Compte tenu du principe de ce mode de vente, le site dispose d’un délai de 2 ou 3 ans pour s’approvisionner au meilleur prix. Une stratégie qui peut s’avérer catastrophique si la cote des vins s’envole, du fait de la spéculation, au moment où le site est censé les livrer. Le procédé est connu depuis des décennies et porte le doux nom de « cavalerie » dans la panoplie des escroqueries financières.
Malheureusement il est très difficile, voire impossible de prouver la vente à découvert dans le cas des grands châteaux bordelais car le marché est opaque et le transfert physique de la marchandise est lui-même différé de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Une faille du système que 1855.com exploite habilement depuis sa création !
Condamnations à répétition
Mais le vent semble être en train de tourner. Alors que le site poursuit sa fuite en avant avec dix augmentations de capital déclarées par Aphrodite, le holding de 1855, en moins de 12 mois et pour un montant total de 10 434 891 €, Jean-Pierre Meyers, l’époux de Françoise Bettencourt, a jeté l’éponge en septembre dernier et s’est retiré du capital de la SA 1855.com. Parallèlement, le site accumule les revers judiciaires. Les tribunaux de Bordeaux, Arcachon et Toulouse ont déjà condamné à six reprises 1855.com à livrer les vins commandés et payés par ses clients, sous peine d’astreinte. Initialement de 50 € par jour, celles-ci viennent de battre un record avec 800 € par jour. Signe que la justice commence à s’impatienter devant la répétition et l’accumulation des plaintes. D’autant que Châteauonline.fr et Caveprivée.com, autres sites de vente de vin en ligne rachetés récemment par la SA 1855.com, semblent à leur tour touchés par le même syndrome.
Actuellement, plusieurs dizaines de dossiers sont en cours d’instruction dans différents tribunaux de France. Reste qu’il est urgent que les pouvoirs publics encadrent sérieusement les ventes en ligne et interdisent définitivement les ventes à découvert et autres pratiques frauduleuses. Le e-commerce et les consommateurs ont tout à y gagner.