Camille Gruhier
Un smartphone fabriqué pour durer
Au succès mondial des smartphones s’opposent les conséquences désastreuses de leur fabrication sur la planète (matériaux lourds, recyclage) et sur les hommes (mineurs de fond et ouvriers). Le fabricant Fairphone prend le contre-pied de ses concurrents avec un smartphone à dimension équitable. Après un premier modèle lancé fin 2013, l’entreprise hollandaise pousse la démarche un peu plus loin avec une nouvelle version, le Fairphone 2, vendu 525 €. Explications et prise en main.
Test du Fairphone 2
Depuis notre prise en main de ce smartphone, nous avons testé en laboratoire le Fairphone 2.
Incontournables au quotidien, les smartphones n’en sont pas moins des objets très polluants. D’abord parce que leur fabrication intègre de nombreuses substances toxiques et non biodégradables (arsenic, béryllium, mercure, plomb, tantale…). Ensuite, ils ne sont que partiellement recyclables. À cela s’ajoute le coût humain résultant de l’extraction des métaux rares dans des conditions opaques et parfois dangereuses. Bref, le mobile n’est branché ni « bio », ni « commerce équitable ».
En 2013, partant de ce piètre constat, Fairphone a choisi d’éveiller les consciences avec un smartphone propre, équitable et durable. Grâce à l’accueil chaleureux reçu par le premier modèle (60 000 exemplaires vendus), l’entreprise hollandaise a lancé il y a quelques semaines le Fairphone 2, poussant un peu plus son concept de smartphone éthique. « Notre approche de conception originale nous procure une meilleure vue globale et détaillée de la chaîne d’approvisionnement, nous permettant de mieux sélectionner les fournisseurs ou sous-traitants avec lesquels nous travaillons et de construire des relations plus solides avec ceux qui partagent nos objectifs », explique la société. Fairphone ne prétend pas révolutionner d’un coup toutes les étapes mais améliorer la chaîne de valeur autant qu’elle le peut.
Mineurs et ouvriers respectés
Son site Web regorge d’informations sur la fabrication du téléphone, comme un gage de transparence vis-à-vis de ses clients. Pas plus qu’un autre fabricant Fairphone ne peut se passer des 40 minéraux indispensables au fonctionnement d’un smartphone. Mais elle s’engage à ne se les procurer que dans des mines convenablement exploitées (sécurité des travailleurs, salaires décents) et qui sont hors de conflits entre groupes rebelles. Voilà pour l’annonce. En réalité, seuls l’étain, le tantale, le tungsten et l’or sont pour l’instant issus de ces mines. « Lors des prochaines étapes, nous essaierons d'ouvrir davantage la chaîne d'approvisionnement et de travailler sur la cartographie et le suivi de l'origine des autres minéraux utilisés », nous a précisé son porte-parole. En attendant, pour chaque téléphone vendu, Fairphone affirme réinvestir 67 € dans des programmes sociaux et environnementaux destinés à améliorer ses process de production. L’entreprise s’engage par ailleurs à respecter le bien-être des ouvriers de Hi-P, son usine d’assemblage à Suzhou, en Chine. 2,31 € par téléphone vendu y sont consacrés, et autant vont aux initiatives liées au recyclage ; les Fairphone hors service sont en effet récupérés et recyclés au Ghana.
Facilement réparable
Nous avons pu prendre en main ce smartphone et nous rendre compte de l’originalité de sa conception. Avec les contraintes qui sont les siennes, Fairphone n’a pas fait du look sa priorité. Le smartphone est épais (1,3 cm) et sa coque en plastique souple grossière. Le prix à payer pour un téléphone durable, très facilement réparable. La coque « déclipsable » donne accès à la batterie, et deux loquets permettent de libérer le bloc écran. Un simple tournevis permet ensuite de détacher les différents blocs qui composent le téléphone. Le module inférieur intègre ainsi le haut-parleur, le vibreur, le port USB et le micro. Le bloc supérieur la prise casque, l’écouteur, la LED, la camera frontale. Un autre est dédié à l’appareil photo arrière. Si l’une de ces fonctions tombe en panne, il suffira de racheter le bloc correspondant sur le site du fabricant. La batterie coûte 20 €, les modules entre 20 et 34 €, et le bloc écran 85 €. Charge au client de se débarrasser de l’ancien module en l’apportant dans un point de collecte de déchets électroniques (même si selon notre étude, seulement 38 % des déchets électroniques sont collectés). « Nous réfléchissons à la mise en place de notre propre circuit de recyclage », poursuit la société.
Le Fairphone est donc facilement réparable. Est-il performant ? Nos tests en laboratoire, actuellement en cours, le révéleront bientôt. En attendant, un coup d’œil à la fiche technique permet de constater qu’adhérer à la démarche de l’entreprise a un coût pour le consommateur. Le Fairphone intègre un écran tactile de 5 pouces, deux emplacements pour carte SIM, un processeur Qualcomm Snapdragon 801 à 2,26 GHz, un appareil photo 8 Mpx et 32 Go de mémoire interne (25,5 Go à la disposition de l’utilisateur). À caractéristiques égales, il est facile de trouver des smartphones nettement moins chers, par exemple le Samsung Galaxy A3 ou le LG G4s, tous deux vendus 200 €. Mais sans doute donnent-ils moins bonne conscience. Même à 525 €, Fairphone espère en tout cas convaincre 150 000 utilisateurs en 2016.