Anne-Sophie Stamane
Le scandale ne fait que commencer
Prescrit pendant 30 ans, évincé du marché français en 2009, le benfluorex (Mediator) a entraîné, chez les diabétiques traités, un risque trois fois plus élevé d’être hospitalisé pour cardiopathie valvulaire. Selon « Le Figaro », la molécule aurait tué entre 500 et 1 000 personnes.
Les laboratoires Servier ont pu, sans être inquiétés, commercialiser 30 années durant le benfluorex, connu sous le nom de Mediator. Avant le retrait de son autorisation de mise sur le marché en novembre 2009, cette molécule a été prescrite aux diabétiques en surpoids, mais aussi à des personnes souhaitant se défaire de quelques kilos superflus. Aujourd’hui, c’est le scandale qui guette. L’étude de l’assurance maladie qui a incité l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) à suspendre ce médicament a été publiée dans la revue internationale « Pharmacoepidemiology and Drug Safety ». Et les chiffres sont édifiants : par rapport aux diabétiques non exposés au benfluorex, les diabétiques traités en 2006 ont eu, pour les années 2007 et 2008, trois fois plus de risques d’être hospitalisés pour une cardiopathie valvulaire, et quatre fois plus de risques de subir une opération chirurgicale pour remplacer une valve cardiaque. Les auteurs notent que le risque pourrait être plus élevé encore, car leur étude s’est focalisée sur 2 années seulement.
Parallèlement, des informations parues dans le « Figaro » font état de 500 à 1 000 morts provoquées par le benfluorex. L’Afssaps, détentrice d’un rapport non publié à ce jour sur les conséquences graves et les décès liés au benfluorex, estime que ces chiffres sont une « grossière extrapolation ». On n’en saura pas plus tant que le document ne sera pas publié.
Pour l’heure, les autorités sanitaires laissent les patients ayant été traités par benfluorex dans le flou. Aucune nouvelle recommandation de surveillance n’a été publiée. Pourtant, 200 000 personnes prenaient encore ce produit au moment de sa suspension l’an dernier. Le Dr Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, auteur d’un livre sur le Mediator, insiste, elle, sur la nécessité d’un suivi par échographie cardiaque.
Sur la sellette depuis longtemps
Le benfluorex n’a jamais fait la preuve de son efficacité dans le traitement du diabète. Ses effets indésirables graves, en revanche, étaient connus plusieurs années avant l’arrêt de sa commercialisation. Ils étaient d’ailleurs similaires à ceux d’autres anorexigènes qui, eux, avaient été sortis du marché en 1997.
La France a traîné à réagir, ne déclassant le benfluorex qu’en 2009, alors qu’en Espagne, c’était chose faite dès 2003. Aujourd’hui, plusieurs personnes ayant pris cette molécule ont lancé une procédure contre le laboratoire Servier, et mettent en cause la faible réactivité de l’Afssaps dans ce dossier.