Arnaud de Blauwe
Mon cher passeport !
À l'heure où de nombreux Français font la queue pour obtenir leur passeport en vue de leurs vacances à l'étranger, la Cour des comptes dénonce son coût excessif. Depuis l'arrivée de la version biométrique, le 1er janvier 2009, le timbre fiscal acquitté par le demandeur est passé de 60 à 89 euros. Or, saisie par Michèle André, sénatrice du Puy-de-Dôme, la juridiction financière estime que son « prix tout compris » ne devrait pas être supérieur à 55 euros.
Dès décembre dernier, « Que Choisir » le révélait : le prix du passeport est trop élevé par rapport à son coût réel. Le 1er janvier 2009, le timbre fiscal à acquitter pour obtenir ce titre passait de 60 à 89 euros. Une hausse que le gouvernement justifiait par l'arrivée du passeport biométrique, plus complexe et plus cher à fabriquer que son prédécesseur électronique. Un passeport biométrique qui a pourtant commencé à n'être distribué qu'à partir du 28 juin 2009. Autrement dit, les pouvoirs publics ont pris une petite avance pour imposer ce « supplément »...
La question avait en son temps ému Michèle André, sénatrice (PS) du Puy-de-Dôme, qui déplorait ce prix « abusif ». Elle avait alors rédigé un rapport sur la « nouvelle génération des titres d'identité » dans lequel elle estimait que la fabrication du passeport en lui-même par l'Imprimerie nationale se situait entre 11 et 15 euros. Voulant aller plus loin, elle avait saisi la Cour des comptes. Qui vient de publier son rapport.
D'après la juridiction financière, le coût réel de ce passeport ne devrait pas être supérieur à 55 euros. Pour arriver à ce total, la Cour additionne les frais généraux (32 euros, dont 15 euros pour la fabrication), les coûts pour les préfectures (15 euros) et les communes (8 euros). Entre le prix facturé au public, 89 euros donc, et cette évaluation, la différence s'élève dès lors à 34 euros. De fait, certains s'interrogent : et si ces sommes étaient en fait un impôt déguisé qui permettait de remplir les caisses de l'État, aujourd'hui bien vides ?
60 millions d'euros
Une hypothèse qui ne paraît pas si fantaisiste que cela à la lecture des chiffres cités par les uns et les autres. L'an dernier, le produit total des droits au timbre du passeport s'est élevé à 191 millions d'euros. Pour Michèle André, sur cette somme, « 131 millions sont partis dans les caisses de l'Agence nationale des titres sécurisés [établie à Charleville-Mézières, elle a notamment en charge les passeports, NDLR] et à l'installation et la maintenance des stations » dans les mairies retenues pour traiter les demandes.
Sur la base de ces calculs, 60 millions d'euros ne seraient par conséquent pas affectés au secteur des titres d'identité, mais ailleurs. Des conclusions que le ministère de l'Intérieur réfute. L'un de ses porte-parole a assuré à l'AFP que « le prix moyen du passeport est en réalité de 69 euros car il est moins cher pour les enfants ». Mais tout en précisant que « l'État ne fait pas de sous sur le passeport biométrique », il indique que la marge dégagée (!) « a pour objectif de financer la future carte d'identité électronique ». Pour l'heure, le gouvernement n'envisage pas de baisser le prix du passeport.