Perrine Vennetier
Plus de peur que de mal
Alerte sur le Doliprane ! Est-il plus dangereux qu’on ne le pensait ? Provoque-t-il de nouveaux effets indésirables jusque-là insoupçonnés ? Après une vague d’accusations à l’encontre du médicament le plus consommé de France vient le temps de la défense.
Le paracétamol reste un antidouleur « de premier choix ». Voilà une mise au point utile que vient de diffuser le Centre belge d'information pharmacothérapeutique (1) – organisme indépendant et connu pour le sérieux de ses analyses – en réaction à la récente mise en cause de ce médicament. Le 2 mars dernier, une étude scientifique paraissait dans une revue spécialisée en rhumatologie en s’interrogeant : « Paracétamol : plus dangereux qu’on ne le pensait ? ». À l’appui de leur argumentaire, les auteurs citaient : jusqu’à 68 % d’augmentation des accidents cardiovasculaires, un risque accru de problèmes gastro-intestinaux, des réductions des capacités de filtration des reins et un taux de mortalité plus que doublé associé à la prise de paracétamol à long terme.
Aucune raison d’arrêter
Chaque année, des milliards (littéralement !) de comprimés de paracétamol sont vendus en France. Les consommateurs seraient-ils en train de s’intoxiquer ? Devraient-ils remplacer les Doliprane, Efferalgan, Dafalgan et autres marques génériques par d’autres types d’antidouleurs ? En l’état des connaissances, ce serait une erreur. En effet, l’étude qui a lancé la vague d’accusation, aussi alarmiste soit-elle, ne fait que suggérer des hypothèses. Rien ne permet d’affirmer que les problèmes de santé associés à la prise de paracétamol sont bien des effets indésirables de ce médicament.
Imaginons une étude constatant que les gens qui vont chez le médecin sont plus malades. Personne ne songerait à accuser le médecin de rendre les gens malades ! Les gens vont chez le médecin parce qu’ils sont malades. Remplacez l’expression « aller chez le médecin » par « prendre du paracétamol » et l’on comprend le problème d’interprétation. Une étude constate que les gens qui prennent du paracétamol ont plus de problèmes de santé. On accuse donc le paracétamol de provoquer ces problèmes de santé. Or les gens prennent du paracétamol parce qu’ils ont des problèmes de santé !
Victime de son succès
Les gens malades prennent d’autant plus volontiers du paracétamol que c’est effectivement un médicament (contre les douleurs mais aussi pour faire baisser la fièvre) de premier choix dans de nombreuses situations. Si vous avez des problèmes gastro-intestinaux, le paracétamol est préférable. Si vous êtes à risque cardio-vasculaire, mieux vaut éviter les anti-inflammatoires comme l’ibuprofène et prendre du paracétamol. Ce n’est pas pour autant une panacée. Le paracétamol ne soulage pas ou mal certaines douleurs. L’an dernier, une étude avait montré son peu d’effet contre certains maux de dos. Cette étude avait surpris la communauté médicale, rappelant l’existence de zones d’ombre à propos de cette molécule familière. Les effets d’une prise à très long terme méritent notamment d’être étudiés.
Rappel des précautions
Le paracétamol est considéré, à juste titre, comme l’antidouleur le plus sûr, en comparaison des anti-inflammatoires comme l’ibuprofène (Nurofen, Advil et autres) ou l’aspirine. A-t-on, en conséquence, banalisé sa prise ? C’est possible. Le paracétamol reste toutefois un médicament et, à ce titre, expose à des effets indésirables bien connus. Ils sont rares mais ils peuvent être graves, notamment sur le foie en cas de dose excessive. Or le surdosage est vite atteint. Il convient donc de respecter les règles de prise pour les adultes :
Prendre de 500 mg à 1 g par prise (sachant que 500 mg suffisent dans bien des situations).
Respecter un délai de 6 h entre deux prises (et jamais moins de 4 h).
Ne pas dépasser 3 g par jour en automédication (ou 4 g avec avis médical).
(1) http://www.cbip.be/nieuws/index.cfm?welk=694&category=GOW