Audrey Vaugrente
De plus petites boîtes pour limiter les risques
Le tramadol, médicament antidouleur opioïde, est désormais proposé en petits conditionnements de 10 ou 15 comprimés, plus adaptés aux traitements courts. Une mesure censée limiter les abus et mauvais usages de ce traitement.
Le tramadol (Contramal, Ixprim, Topalgic, etc.) est le plus prescrit des antidouleurs opioïdes. C’est aussi le plus concerné par les abus, cas de dépendance et détournements d’usage. Entre 2013 et 2018, les usages problématiques ont doublé, selon les données du réseau national d’addictovigilance. C’est pourquoi, en 2023, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a demandé aux fabricants de proposer des conditionnements plus petits. C’est chose faite : les patients traités pour quelques jours recevront désormais des boîtes de 10 à 15 comprimés, plus adaptées à leur besoin.
But de la mesure : éviter que les patients ne soient tentés de prolonger leur usage ou de réutiliser, en automédication, le tramadol stocké dans la pharmacie familiale. En effet, nombre de médecins signalent un arrêt difficile du traitement, même aux doses recommandées et sur une durée limitée.
De fait, le tramadol est un antidouleur opioïde à part. « C’est une molécule atypique car elle a deux effets : opioïde et sérotoninergique », explique la Pr Anne Roussin, pharmacologue au Centre d'addictovigilance de Toulouse. C’est une particularité importante, puisqu’elle augmente les risques d’effets indésirables et de dépendance. Or, un abus de tramadol peut entraîner des convulsions ou encore des dépressions respiratoires pouvant être mortelles.
Un manque d’information
Proposer des conditionnements réduits pourra donc aider à limiter le glissement vers la dépendance. Cependant, « il y a deux catégories d’usagers problématiques du tramadol : les personnes traitées pour une douleur qui ont du mal à arrêter, et les personnes qui détournent d’emblée le médicament, à la recherche d’un effet psychoactif », souligne la Pr Roussin. Dans ce second cas, les patients peuvent pratiquer le nomadisme médical ou le détournement d’ordonnance pour obtenir leurs boîtes. Le nombre de comprimés aura donc peu d’impact sur ces usagers. Ce même problème a été observé en 2020, quand la durée maximale de prescription du tramadol a été limitée à 12 semaines (environ 3 mois). « On a continué à voir une augmentation des obtentions illégales », reconnaît Anne Roussin.
Si les patients sont invités à respecter les règles de bon usage, il est aussi important de bien les informer – notamment sur la nécessité d’arrêter progressivement le traitement par tramadol. Une interruption brutale peut entraîner des symptômes de sevrage (nervosité, anxiété, tremblements, etc.). Cette information est incomplète, comme l’a montré un sondage réalisé en 2022 par l’Observatoire français des médicaments antalgiques (Ofma) : la dose maximale quotidienne (400 mg) et le risque de dépression respiratoire sont très mal connus des patients.