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Huiles minérales toxiques

Les lentilles corail d’Auchan pointées du doigt

L’ONG Foodwatch a saisi la préfecture du Nord, où se situe le siège social du Groupe Auchan, afin de demander le rappel de lentilles corail contaminées par des huiles minérales soupçonnées d’être cancérogènes et génotoxiques. Dès 2011, l’UFC-Que Choisir  alertait sur la dangerosité de ces substances surtout présentes dans les encres des emballages à base de papier recyclé et susceptibles de contaminer les aliments.

C’est la lentille qui cache la forêt. En novembre 2015, l’association Foodwatch rendait publics les résultats d’une étude européenne sur la migration dans les aliments d’hydrocarbures aromatiques d’huiles minérales (MOAH), des composés présents sur les emballages et reconnus comme potentiellement dangereux pour la santé. Au cours des mois précédents, l’association européenne avait effectué des analyses en laboratoire sur 120 produits alimentaires vendus en Allemagne, en France et aux Pays-Bas. Tous avaient comme point commun de posséder un emballage cartonné. Or le carton, souvent recyclé, est l’une des sources majeures de contamination aux MOAH. Résultat, 43 % des produits analysés étaient contaminés. Un taux qui passait même à 60 % pour les seuls produits commercialisés en France. Parmi les produits français, les lentilles corail Auchan affichaient la plus forte contamination. Mais d’autres aliments largement consommés, comme les pâtes pour enfants Carrefour, le cacao en poudre Nestlé ou Van Houten, les corn flakes Intermarché ou Monoprix, du couscous bio, ou encore du riz Leclerc figuraient également sur la liste des produits incriminés.

La principale voie de contamination des aliments par ces substances est leur migration des emballages en papier et carton recyclé qui peuvent contenir des huiles minérales présentes dans les encres d’impression. Les produits secs (riz, pâtes, couscous ou lentilles) qui présentent une surface de contact importante avec l’emballage et une durée de conservation longue sont donc particulièrement exposés.

Un phénomène déjà dénoncé par l’UFC-Que Choisir

Le phénomène de migration des huiles minérales n’est pas un problème nouveau. Découvert dans les années 90, il était déjà dénoncé en 2011 par Que Choisir qui avait testé 20 produits dont 14 s’étaient révélés contenir, à des niveaux préoccupants, des huiles minérales provenant des encres des emballages en carton. L’UFC-Que Choisir exigeait alors la mise en place sans délai d’une réglementation pour protéger la santé des consommateurs face à des substances désignées par l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa) comme « potentiellement cancérogènes et mutagènes ». Mais à ce jour, il n’existe toujours pas de recommandation officielle concernant les MOAH en France et plus largement en Europe.

Des barrières fonctionnelles contre la migration des substances indésirables

Afin de se prémunir de ce risque, l’Efsa préconise l’utilisation de barrières fonctionnelles dans les emballages alimentaires en carton recyclé. Une mesure ayant comme contrainte environnementale de rendre le produit non recyclable. « Le recyclage du papier est, bien sûr, important pour l’environnement, mais les emballages fabriqués à partir de fibres recyclées présentent un danger réel pour la santé si les aliments ne sont pas protégés de façon adéquate », estiment le Réseau environnement santé (RES) et Foodwatch dans un communiqué commun. Autre solution, l’utilisation d’encres végétales sur les emballages alimentaires en lieu et place des encres minérales. Mais là encore, cette alternative n’est pas sans défaut car « le carton au contact des aliments reste en lui-même une source de contamination possible », précise Chloé Stevenson de Foodwatch.

Manque d’initiative des industriels

Après avoir écrit à tous les fabricants et distributeurs des produits testés et contaminés par des huiles minérales dangereuses, l’association déplore le manque de réaction de la part des industriels. « Nous avons reçu des réponses de la part de certains d’entre eux qui se disent concernés par le problème mais aucune action suffisante n’a été amorcée pour l’heure », regrette Chloé Stevenson.  

Le 15 avril, face à l’absence de réaction de la part d’Auchan, Foodwatch et le RES saisissaient la justice afin de demander le rappel immédiat des lentilles corail Auchan.

Dans un communiqué consultable sur le site du distributeur, Auchan Retail France déclare qu’« un nouvel emballage en fibre vierge [non recyclé] a été introduit dès les livraisons de février 2016 ».

Contacté par nos soins, Auchan précise que les lentilles Corail à marque Auchan ne sont plus commercialisées dans ses magasins avec leur ancien emballage, de même que le couscous Pouce, également pointé du doigt par Foodwatch. Une modification est, enfin, à l’étude pour un troisième produit cité par l’association, les céréales de petit-déjeuner Sugarflakes Auchan.

En revanche, le distributeur explique ne pas avoir effectué de rappel des produits litigieux. « Cependant, à titre commercial, les consommateurs qui auraient été inquiétés par la médiatisation du sujet, pourront s’ils le souhaitent se faire rembourser le produit s’ils le ramènent en magasin », précise François Cathalifaud, responsable des relations presse.

Dans un communiqué daté du vendredi 21 avril, Foodwatch déplore cette réponse en demi-teinte. L’ONG appelle les consommateurs à interpeler directement le président exécutif en charge du développement d’Auchan France, afin de demander le retrait pur et simple des produits incriminés. Mais aussi des engagements plus efficaces pour empêcher la contamination des aliments par les huiles minérales.

Marie-Noëlle Delaby

Marie-Noëlle Delaby

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