Cyril Brosset
Le remède peut-il être trouvé ?
Alors que la lutte contre le démarchage téléphonique traîne des pieds, nous avons testé plusieurs solutions qui permettraient aux consommateurs de retrouver leur tranquillité. L’une d’entre elles a montré son efficacité.
Comme plus de 99 % des Français, vous en avez ras le bol du démarchage téléphonique ? Les prospecteurs qui vous téléphonent à toute heure de la journée pour vous proposer d’isoler votre logement, vous faire souscrire une assurance ou consulter une voyante vous rendent dingue ? On vous comprend. Avec cinq appels, en moyenne, reçus par semaine, parfois beaucoup plus, les ménages ne se sont jamais sentis aussi harcelés. Des mesures ont pourtant été prises pour lutter contre ce fléau. Mais qu’il s’agisse de la liste d’opposition Bloctel ou de la consultation menée sous l’égide du Conseil national de la consommation (CNC), aucune n’a permis de résoudre le problème, les professionnels du secteur parvenant à paralyser toute initiative susceptible de leur mettre des bâtons dans les roues. Un nouveau texte, plus ambitieux, a été adopté en juillet dernier : désormais, le montant des sanctions peut atteindre entre 75 000 € et 375 000 € selon les cas, et le démarchage téléphonique en matière de rénovation énergétique est interdit. Finis, en principe, les coups de fil pour l’isolation à 1 € ! De leur côté, certaines dispositions attendent toujours la signature de décrets d’application, comme la mise en place de plages horaires pendant lesquelles le démarchage sera autorisé ou encore la rédaction d’une charte des bonnes pratiques.
Plus ou moins efficaces
Face au manque de résultats, des professionnels ont exploré d’autres voies. Certains opérateurs ont ainsi mis à la disposition de leurs abonnés des options pour bloquer les appels intrusifs, et des industriels ont inventé des outils permettant, selon eux, aux foyers français de retrouver leur tranquillité. Mais ces solutions sont-elles vraiment efficaces ? Pour le savoir, des testeurs bénévoles de l’UFC-Que Choisir, eux-mêmes victimes de démarchage téléphonique, en ont évalué plusieurs. Nous leur avons demandé, dans un premier temps, de comptabiliser le nombre d’appels non sollicités qu’ils recevaient. Puis d’installer l’une des solutions retenues et de recenser à nouveau les coups de fil intempestifs. Certes, les résultats doivent être pris avec précaution ; un tel test ne suffit pas pour déterminer, à coup sûr, combien d’appels liés au démarchage ont été stoppés grâce à ces outils. Mais il fournit tout de même de précieuses indications. On constate notamment que ceux qui s’appuient sur un système de liste noire, avec des numéros à bloquer, montrent vite leurs limites… Et pour cause, les démarcheurs possèdent tellement de lignes, et les renouvellent si souvent, qu’il est impossible de toutes les répertorier ! En outre, pour identifier un numéro utilisé à des fins de téléprospection, il faut que celui-ci ait déjà servi, car ce n’est qu’une fois repéré qu’il sera ajouté à la liste noire. Enfin, cette dernière doit parvenir à déjouer le spoofing, technique consistant à faire apparaître sur votre écran un numéro qui n’est pas celui de l’appelant. Or, rares sont les dispositifs qui réussissent à détecter et à « neutraliser » les coups de fil passés via ces numéros usurpés… Certains offrent la possibilité de créer une liste de numéros qui seront les seuls à être acheminés (liste blanche). Ce procédé a prouvé son efficacité, mais il est très restrictif : plus aucun correspondant inconnu ne peut vous joindre.
Plutôt que de se référer à une telle liste, d’autres solutions proposent un filtrage des communications : ce type de système demande à l’appelant de s’identifier. In fine, les résultats sont très variables. Alors que les personnes ayant activé l’option Stop secret d’Orange ont continué à recevoir des coups de fil indésirables, celles ayant installé le téléphone Panasonic KX-TGH720 les ont vus disparaître quasiment du jour au lendemain ! Vers un blocage en amont Orange, Free et les autres opérateurs cherchent également à bloquer les appels avant même de les acheminer vers l’appareil du destinataire. S’ils n’ont pas légalement le droit de stopper ceux liés au démarchage, qui sont autorisés, ils peuvent essayer d’intercepter les communications frauduleuses incitant leurs abonnés, sous un prétexte fallacieux, à rappeler un numéro surtaxé, à souscrire un contrat ou à fournir leurs coordonnées bancaires. Déceler ces coups de fil malveillants est toutefois loin d’être évident. Si les opérateurs parviennent à en identifier certains, notamment ceux émis de l’étranger, beaucoup passent à travers les mailles du filet. La loi Naegelen, votée en juillet dernier, a donné aux entreprises des télécoms des moyens supplémentaires pour lutter plus efficacement contre ces appels abusifs. Mais il faudra encore attendre plusieurs mois avant que les éventuels effets de cette mesure ne se fassent sentir.
Panasonic KX-TGH720 : La solution miracle
Ce téléphone fixe se vante de stopper 99 % des appels liés au démarchage. Il y avait de quoi douter, et pourtant ça fonctionne…
Comment ça marche
Ce téléphone sans fil classique intègre une fonctionnalité qui bloque les appels liés au démarchage. Le système est simple : l’interlocuteur qui tape votre numéro entend une voix lui demandant d’appuyer sur une touche du clavier. S’il s’exécute, la communication est transférée et le téléphone sonne. Dans le cas contraire, elle est rejetée. Ce procédé permet de s’assurer que le correspondant est une vraie personne et non un de ces robots composant automatiquement les numéros utilisés par les centres d’appels.
L'efficacité
Un « remède miracle », voilà comment l’une des testeuses de l’UFC-Que Choisir a qualifié cet appareil. Et pour cause, après son installation, les appels liés au démarchage ont presque tous disparu. Parfois, certains parviennent à passer à travers les mailles du filet, mais ils sont rarissimes. Attention cependant : le fait de devoir presser une touche peut inquiéter quelques correspondants « autorisés », qui préfèrent raccrocher. Il est néanmoins possible de préenregistrer leurs numéros, de manière à ce que leurs communications soient acheminées sans filtre préalable. Qui plus est, tout appelant ayant tapé une fois le chiffre demandé n’aura pas à renouveler l’opération les fois suivantes.
Notre avis
La solution est simple et visiblement efficace. En plus, le combiné se met à la place du téléphone habituel. Il faut tout de même débourser une cinquantaine d’euros pour l’acheter et penser à activer la fonctionnalité antidémarchage, qui n’est pas effective par défaut. La procédure n’est pas très simple, mais elle ne doit être réalisée qu’une fois.
Solutions d'Orange et de Free : Des effets à la marge
Conscients de la lassitude de leurs abonnés, les deux opérateurs ont développé des systèmes maison pour bloquer les appels liés au démarchage. Le résultat est mitigé.
Comment ça marche
Chez Orange, quand l’option Stop secret est activée, une voix demande à chaque appelant de décliner son identité. Si le nom est identifié, la communication est acceptée et le téléphone sonne. Le destinataire peut alors choisir de décrocher ou non. Le dispositif permet aussi de créer une liste blanche de correspondants qui n’auront pas à s’identifier, même s’ils téléphonent en numéro masqué. Free, de son côté, propose d’office un filtrage des appels non sollicités censé les bloquer. Celui-ci repose sur un système de liste noire gérée par l’opérateur. SFR et Bouygues Telecom ne disposent d’aucune solution spécifique.
L'efficacité
Une fois l’option Stop secret installée, une baisse des appels liés au démarchage a été constatée, mais elle était limitée. L’un de nos bénévoles assure même que son téléphone continuait à sonner avant de basculer la communication sur répondeur. Un peu embêtant pour un service facturé 2 € par mois. Chez Free, comme le filtrage est proposé d’office (et gratuit), il n’a pas été facile d’évaluer son efficacité. Mais, malgré son activation, nos testeurs ont reçu des coups de fil de téléprospecteurs.
Notre avis
Si ces solutions semblent avoir un effet sur le nombre d’appels non sollicités, on est loin de la tranquillité absolue.
Bloqueurs d'appels : Chers pour ce que c’est
Des sociétés ayant flairé le bon filon ont créé des appareils censés « neutraliser » les appels indésirables. Nous en avons testé deux : le Clibase V6 Premium et le Call Blocker V10000.
Comment ça marche
Une fois installé entre la box (ou la prise) et le combiné, le bloqueur stoppe les appels provenant de numéros recensés sur une liste noire alimentée par l’utilisateur lui-même, soit en notant ceux qu’il souhaite voir bloqués, soit en appuyant sur un bouton à chaque fois qu’il reçoit un appel indésirable.
L'efficacité
Elle est limitée et ce n’est pas vraiment étonnant, tant les démarcheurs sont nombreux et changent régulièrement de numéro. L’effet pourrait toutefois être plus significatif à plus long terme.
Notre avis
L’efficacité du Clibase V6 Premium et du Call Brocker V10000 n’est pas suffisamment probante pour conseiller ces boîtiers vendus une cinquantaine d’euros, qui occupent de la place près du téléphone et sont reliés 24 heures sur 24 à une prise électrique. À noter : depuis notre test, la société Clibase a stoppé son activité.
Les autres bons réflexes
- Ne faites pas figurer votre numéro dans l’annuaire.
- Ne diffusez pas votre numéro.
- Ne cochez pas n’importe quelle case quand vous donnez vos coordonnées.
- Envisagez de changer de ligne ou de vous passer de téléphone fixe.
Glossaire
- Liste noire. Elle recense les numéros ou les catégories de numéros de téléphone (par exemple, tous ceux commençant par 08) à bloquer.
- Liste blanche. Elle contient les seuls numéros qui peuvent être acheminés, tous les autres étant repoussés automatiquement.
- Démarchage téléphonique. Technique de prospection qui consiste à passer par le téléphone pour vendre des produits ou des services.
- Appels frauduleux. Eux aussi peuvent être à l’origine de coups de fil non sollicités. Il s’agit, le plus souvent, de tentatives d’escroqueries visant à vous faire appeler un numéro surtaxé ou à récupérer vos données personnelles.