Des modèles radioactifs en circulation

L’histoire commence dans les années 1970. Des fabricants de paratonnerres utilisent comme argument commercial la présence dans leurs produits d’une pastille radioactive censée améliorer la conductivité de l’air. Les essais ne sont guère probants, la pastille radioactive n’attire pas spécialement la foudre, mais la vogue dure néanmoins jusqu’en 1983. À cette date, un arrêté interdit l’emploi des radioéléments pour la fabrication des paratonnerres. Il n’entrera en vigueur qu’au 1^er janvier 1987. Aucun arrêté de démontage des paratonnerres radioactifs en place ne l’accompagnera. Ils sont pourtant perchés en haut des clochers, au sommet des châteaux d’eau, à la cime des mairies… Autant d’endroits inaccessibles où les risques d’irradiation semblent négligeables.

Pendant près de 20 ans, ces étranges paratonnerres vont tomber dans l’oubli. Ils sont redécouverts dans les années 2000 par un journaliste toulousain, Jean-Christian Tirat, au hasard de son enquête sur l’explosion de l’usine AZF de septembre 2001.

Suite à une discussion avec le directeur de l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), Jean-Christian Tirat créé en 2010 le site Inaparad, pour « Inventaire national des paratonnerres radioactifs ». « Le directeur de l’Andra me disait que l’inventaire en question était mission impossible, je me suis dit qu’on pouvait relever le défi collectivement. »

La collecte s’organise

Le site fait appel aux particuliers. À partir d’une base d’images en ligne, ils peuvent signaler un paratonnerre probablement radioactif, repéré sur un toit, voire dans une brocante. « Une dame de Caen en a gardé un chez elle pendant 19 ans en guise de porte-manteau ! » explique Jean-Christian Tirat.

Le danger sanitaire est très limité, même si vous avez travaillé toute votre vie dans une école ou une mairie surmontée d’un paratonnerre radioactif. À l’air libre, le rayonnement est extrêmement faible au-delà de 50 cm et insignifiant à plus de 3 m. Il ne traverse pas les murs. Le principal problème est que les paratonnerres se corrodent et peuvent finir par relâcher du radium ou de l’américium dans leur environnement immédiat. Il convient donc de les retirer dès que possible de la circulation. Les planches descriptives des paratonnerres radioactifs sont disponibles sur le site www.paratonnerres-radioactifs.fr. Si vous en voyez un, il faut vous adresser au propriétaire concerné. « Attendez-vous à une certaine incrédulité, prévient Jean-Christian Tirat. La plupart du temps, les gens commencent par croire à une plaisanterie ! »