Les comprimés virent au rose

Quel médicament est donné pour le cœur, est blanc et est en forme de trèfle pour être facilement coupé en quatre ? Avec un tel cahier des charges, on pourrait croire qu’il n’y en a qu’un. En fait, pas moins de quatre substances actives sont commercialisées sous cette forme : le nebivolol, le lisinopril, le captopril et la fluindione. Cette dernière, plutôt connue sous le nom de Préviscan, est l’anticoagulant le plus prescrit en France. Plus de 500 000 personnes prennent ce traitement, temporairement ou au long cours, pour éviter la formation de caillots sanguins.

La ressemblance avec les autres médicaments, de nature différente, est pour le moins ennuyeuse car elle peut conduire à des erreurs de prise aux effets graves. Par exemple : prendre deux fois du Préviscan entraîne un risque d’hémorragie. De telles confusions ont été signalées à l’Agence du médicament (ANSM) qui a donc décidé, avec le laboratoire Merck, de changer la couleur du Préviscan. De blanc, il deviendra rose. Seule la coloration sera modifiée : la dose de substance active et les excipients resteront identiques. Ce changement, a priori minime, requiert toutefois une bonne logistique pour éviter la coexistence des deux formes. Les comprimés roses seront mis à disposition à partir du 13 avril 2015. Et à partir de cette date, les pharmaciens ne délivreront plus que le nouveau conditionnement (boîte affichant la mention « Nouveau comprimé coloré »). À l’occasion du renouvellement de leur ordonnance, les patients, eux, seront invités à rapporter leur éventuel stock de comprimés blancs pour qu’il n’y ait pas de confusion ultérieure à la maison.

Des années de réflexion…

Les premiers signalements de ce problème de ressemblance remontent à plusieurs années. Dès 2010, l’Agence du médicament alertait les pharmaciens du risque de confusion entre le Préviscan et le Lisinopril. En 2013, un nouveau conditionnement permettant notamment « l’identification de chaque comprimé grâce à l’inscription au regard de chaque alvéole du blister du nom de la spécialité »  (comprendre : le nom du médicament était écrit sur chaque emplacement de la plaquette) était mis sur le marché, afin de minimiser le risque d’erreur. Ces mesures n’ont pas été suffisantes. Voici pourquoi, finalement, une pincée d’oxyde de fer rouge a été ajoutée à la formule. Un numéro vert (gratuit depuis un téléphone fixe) accompagnera le passage au rose de ces comprimés : 0 800 40 80 52.