Ces constructeurs qui plombent le marché automobile
Alors que le mondial de l’automobile ouvre ses portes dans moins de 2 semaines, le WWF France et l’UFC-Que Choisir rendent public un baromètre de la progression des SUV en France, réalisé en collaboration avec l’IMT-IDDRI. Ce nouveau rapport alerte sur la « SUV-isation » du marché automobile français, avec des parts de ventes multipliées par 10 en 15 ans et pointe la responsabilité de Renault, Peugeot et Dacia dans cette dynamique. Si ces constructeurs français sont aujourd’hui les plus gros vendeurs de SUV en France, ce sont aussi les premiers à pouvoir nous sortir de l’ornière des SUV : ils ont encore le potentiel industriel pour se recentrer sur des modèles plus légers, moins polluants et plus compétitifs face aux modèles étrangers.
L’explosion des SUV sur le marché français
Quatre ans après la première alerte lancée sur le fléau climatique et social que représentent les SUV en France, un nouveau rapport de Jean-Baptiste Crohas pour le WWF avec l’aide de l’UFC-Que Choisir formule un constat encore plus alarmant, nouvelles données à l’appui : par rapport aux modèles classiques, un SUV pèse en moyenne 20 % plus lourd (soit 220 kg), nécessitant un moteur 30 % plus puissant et rejetait en moyenne plus de 20 % de CO2 qu’un autre modèle non-SUV avant l’arrivée des modèles hybrides.
En dépit de données de plus en plus préoccupantes, les ventes de SUV ne cessent d’exploser. En 2020, alors que le WWF alertait sur cette menace pour la première fois, la part de ventes des SUV avait été multipliée par 7 depuis 2008. Entre 2008 et 2023, elle a été multipliée par 10, passant de 5 % à 49 % des ventes de voitures neuves aujourd’hui. Cette explosion des ventes se fait au détriment d’autres carrosseries, comme les berlines, les citadines ou même les monospaces qui ont depuis disparu des catalogues de vente des constructeurs.
Les premières victimes sont les monospaces, qui représentaient près de 20 % des ventes dans les années 2000 et qui ont été progressivement éliminés depuis. Cette disparition est le résultat direct d’une stratégie des constructeurs, qui ont peu à peu remplacé les monospaces par des SUV dans leurs catalogues, soutenus par des campagnes publicitaires massives. Aujourd’hui, la part de marché des monospaces est tombée sous les 2 %, avec des modèles principalement dérivés d’utilitaires légers, comme le Citroën Berlingo et la Renault Kangoo.
Les constructeurs français, au coeur du problème et de la solution pour sortir la France de l’ornière SUV
Renault, Peugeot et Dacia figurent parmi les principaux responsables de la vague de SUV qui a submergé la France ces quinze dernières années : d’après nos travaux, les trois constructeurs ont vendu sur cette période plus de 3 millions de modèles SUV. Ils constituent aujourd’hui les trois premiers vendeurs de SUV en France.
Pourtant, si les constructeurs français font partie intégrante du problème, ce sont les premiers à pouvoir nous en sortir, tant ils en détiennent encore les bases industrielles pour produire des voitures plus légères, moins chères et moins polluantes. D’une part, ils présentent encore les catalogues les moins SUV-isés du marché. En 2023, les SUV représentaient 41 % des ventes des marques françaises, des chiffres encore bien inférieurs à ceux de leurs concurrents étrangers comme Ford ou Hyundai, où les SUV dominent jusqu’à 76 % du marché. Surtout, les constructeurs français sont encore ceux qui vendent encore le plus de citadines : en 2023, Citroën, Dacia, Renault et Peugeot comptaient respectivement 48 %, 44 %, 44 % et 36 % de citadines dans leurs ventes.
Si des constructeurs français peuvent encore stopper la vague de SUV qui plombe l’effort climatique de la France, ils doivent y être encouragés : le WWF France et l’UFC-Que Choisir appellent le gouvernement à les y inciter en renforçant le malus poids pour décourager les véhicules inutilement lourds, qu’ils soient thermiques, hybrides ou électriques. Ce qui permettrait également de générer des recettes fiscales supplémentaires : près de 1,8 milliards, dont 80 % issus de modèles de constructeurs étrangers. Ces fonds serviraient ainsi à financer la transition et à aider les ménages français à accéder à des mobilités plus durables.
Jean Burkard, directeur du plaidoyer du WWF France
Marie-Amandine Stévenin, Présidente de l’UFC-Que Choisir