Florence Humbert
Interrogations sur la vaccination
Le Gardasil, vaccin préventif contre le cancer du col de l'utérus commercialisé par le laboratoire Sanofi Pasteur MSD, ne fait pas l'unanimité. Son utilité et son efficacité sont remises en cause.
Spots télé à l'appui, la campagne de vaccination massive contre le cancer du col de l'utérus a porté ses fruits. Depuis la mise sur le marché du Gardasil en novembre 2006, plus de 500 000 jeunes femmes ont reçu au moins une dose de ce vaccin. Un vrai pactole pour Sanofi Pasteur MSD, le laboratoire qui le commercialise. Et une charge supplémentaire pour la CNAM qui a déjà remboursé 81,2 millions d'euros à ce titre. Le prix du produit (à raison de trois injections) s'élevant à 406,77 euros par personne. Une somme qui pourrait paraître dérisoire au regard de la gravité de la maladie, à condition bien entendu qu'il soit la seule alternative et qu'il garantisse une immunité totale. Or depuis quelques mois, de nombreuses voix s'élèvent pour contester l'utilité du produit et dénoncer une campagne médiatique basée sur la peur et la culpabilisation des mères qui ne feraient pas vacciner leurs filles. Des pétitions circulent dans plusieurs pays européens comme l'Autriche ou l'Espagne qui demandent un moratoire dans la mise en oeuvre de la vaccination. A l'inverse, aux États-Unis, certains États comme le Texas et la Virginie, veulent rendre la vaccination obligatoire.
Critiques
Parmi les nombreuses critiques dont le Gardasil fait l'objet, la première d'entre elles concerne son efficacité, c'est-à-dire sa capacité à réduire la fréquence et la mortalité du cancer de l'utérus. Sa commercialisation est en effet trop récente pour que l'on puisse observer ses effets préventifs sur des cancers qui mettent en moyenne quinze ans pour se développer.
Il faut en effet rappeler que le cancer du col de l'utérus se transmet par des lésions dus à des papillomavirus humains (HPV) sexuellement transmissibles par voie cutanéo-muqueuse (attouchements, caresses, contacts sexuels préliminaires), les préservatifs masculins et féminins n'assurant pas une protection suffisante contre ce virus.
Le vaccin fait-il mieux ? En fait il ne protège que contre certaines souches de papillomavirus. Ce sont les plus dangereuses mais ce ne sont pas les seules. Le laboratoire Sanofi Pasteur MSD précise lui-même sur son site que « le vaccin est sans effet protecteur sur environ 30 % des cancers du col de l'utérus ». « Dans le cas où le vaccin serait efficace, le pourcentage de la population qui en bénéficierait serait faible » affirmait récemment dans une interview au journal « Le Monde », le professeur Claude Béraud, ancien vice-président de la commission de la transparence de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et membre du Conseil médical et scientifique de la Mutualité française. « Les modèles statistiques et épidémiologiques les plus optimistes estiment que la vaccination de toute la population adolescente conduirait en 2060 à une réduction de 10 % de la mortalité par cancer, soit en France 100 femmes par an ». Un chiffre qui donne à réfléchir, même si, la santé n'a pas de prix.
Ce bilan négatif s'alourdit encore si l'on y ajoute la diminution d'efficacité du vaccin sur les jeunes filles ayant déjà eu des relations sexuelles et l'absence de certitude concernant la durée de l'immunité conférée dans tous les cas sur le produit.
Ne pas négliger les précautions indispensables
Il est également à craindre que l'introduction du vaccin modifie l'écosystème du virus et augmente le nombre de souches pathogènes, et du même coup les méfaits d'une infection à HPV.
Enfin, la vaccination pourrait conduire les jeunes filles à négliger les précautions indispensables à la prévention des infections transmissibles sexuellement (ITS) et au dépistage du cancer grâce à des frottis réguliers. Pour beaucoup de spécialistes de la prévention, le frottis, pratiqué tous les trois ans, reste le moyen le plus sûr (et le moins coûteux) pour éviter la survenue de lésions cancéreuses. Le diagnostic de ce cancer, s'il est réalisé à temps, permet en effet d'obtenir la guérison.
Dés lors pourquoi ne pas généraliser son dépistage au niveau national comme c'est le cas pour le cancer du sein ? « Le problème, c'est que 40 % des femmes ne répondent pas à cette incitation, pour des raisons à la fois culturelles et socio-économiques » affirme Daniel Nizri conseiller technique pour le champ pathologies et santé au cabinet de la Ministre de la Santé. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il y a fort à parier que ce seront les mêmes qui ne se feront pas vacciner...
Malgré toutes ces incertitudes, un second vaccin, le Cervarix, une alternative un peu moins coûteuse que le Gardasil, devrait prochainement être mis sur le marché.