Arnaud Murati
De la casse au garage solidaire
Les véhicules mis au rebut dans le cadre de la prime à la conversion n’iront plus nécessairement à la démolition, selon une loi votée le 27 mars dernier. Ils pourront aussi alimenter une filière de location solidaire, pour une durée maximale de 3 ans. Explications.
La plupart des Français utilisent toujours un véhicule au quotidien afin de se rendre sur leur lieu de travail. Une réalité qui vaut aussi pour les citoyens les moins fortunés : ils seraient 13,3 millions, principalement dans les zones rurales, à être en situation de « précarité mobilité » selon le baromètre de la Fondation pour la Nature et l’Homme. Pour certains, acheter un véhicule, y mettre du carburant et l’entretenir relève de la gageure. Beaucoup de personnes ont même du mal à retrouver un emploi parce qu’elles ne possèdent pas de véhicule.
Afin de lutter contre ce phénomène facteur d’exclusion sociale, les garages solidaires, qui proposent des voitures à la vente ou à la location à des prix très contenus, ont été inventés de longue date. Mais ils arrivent aujourd’hui au bout d’un cycle. Les dons de véhicules manquent tandis que les demandes d’achat ou de location tendent à croître : « Depuis l’instauration de la prime à la casse, des véhicules âgés mais roulants partent à la casse. Et les garages solidaires se retrouvent aujourd’hui obligés d’acheter ce qu’on leur donnait auparavant », note Benoît Hnatyszyn, le directeur de Solid’Auto, en Charente-Maritime. Du côté de chez Solidarauto, dans le Maine-et-Loire, on n’achète pas de voitures, mais la dirigeante du garage reconnaît qu’il existe une liste d’attente pour satisfaire les demandes de location. Un problème devenu tellement aigu qu’un sénateur écologiste a eu une idée : plutôt que de démolir des voitures encore bonnes pour le service, pourquoi ne pas les proposer aux automobilistes les moins argentés ?
80 à 100 € par mois
C’est ainsi que, depuis le 27 mars, les véhicules à essence classés Critair 3 ou mieux – et uniquement ceux-là – peuvent être « remis à titre gracieux à l’une des autorités organisatrices de la mobilité […] afin de développer des services de mobilités solidaires au moyen de la location de véhicules », selon l’article 1er de la proposition de loi adoptée par le Parlement. Ce qui signifie que lorsqu’un garagiste se verra remettre un véhicule dans le cadre d’une prime à la conversion, il pourra, s’il le souhaite, le proposer à une « autorité organisatrice de mobilité » afin que celle-ci le confie à un garage solidaire. Ce dernier se chargera ensuite de réparer l’auto s’il y a lieu, puis de la louer. « Pas plus de 80 à 100 € par mois », prévient Aleth d’Assignies, la directrice de l’impact de Roole, une entreprise qui a œuvré à la mise en place de cette loi. Ce tarif semble dans les standards des pratiques actuelles. Solid’Auto, à Saintes, loue ses véhicules « 3 € par jour une durée de 6 mois », selon son dirigeant.
Pas de diesel
Pour des motifs écologiques, le gouvernement a choisi de ne pas rendre éligibles tous les véhicules qui partent à la destruction. Ce choix (moteur à essence, au moins Critair 3, donc mis en circulation à partir de 1997) restreint de facto le nombre de véhicules qui pourront alimenter le système. Selon nos calculs, environ 16 000 voitures par an devraient pouvoir enrichir l’offre proposée par les garages solidaires. Des voitures qui ne pourront pas être louées plus de 3 ans, ni être vendues. Elles bénéficieront simplement d’un sursis avant de rejoindre le centre de démolition auquel elles étaient initialement destinées.
Reste que l’organisation précise du système n’est pas encore définie à ce jour. Un décret doit encore venir préciser divers points. Qui sera « l’autorité organisatrice de mobilité » ? La région ? Le département ? D’autre part, le dispositif ne fonctionnera que si les concessionnaires jouent le jeu et qu’ils sont dûment conventionnés : un véritable travail de persuasion attend désormais toutes les parties prenantes du projet.