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PesticidesLes riverains des zones viticoles plus exposés

Fabrice Pouliquen

par Fabrice Pouliquen

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et Santé publique France, deux organismes publics, ont présenté les principaux résultats de « PestiRiv », une grande étude nationale qui visait à étudier l’exposition aux pesticides des riverains de zones viticoles.

Près de 3 500 échantillons d’urines, 1 890 échantillons de cheveux, 333 d’air intérieur, 790 de poussières, 1 557 d’air ambiant… Ces chiffres disent l’ampleur de l’étude PestiRiv, lancée fin 2021 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et Santé publique France et dont les conclusions viennent d’être publiées. Elle porte sur un sujet brûlant : l’exposition aux pesticides des riverains de zones agricoles, « une demande des riverains initiée dès 2016 », rappelle le professeur Benoît Vallet, directeur général de l’Anses.

265 zones étudiées… de 6 grandes régions viticoles

Pour des raisons de faisabilité, PestiRiv a dû se focaliser sur une culture agricole parmi celles présentes en France : la viticulture. « Elle est l’une des cultures qui recourent le plus aux produits phytopharmaceutiques, tant en fréquence de traitement qu’en quantité, justifie Clémence Fillol, responsable de l’unité surveillance des expositions de Santé publique France. Par ailleurs, la population qui vit à moins de 200 mètres d’une parcelle de vigne est importante puisqu’elle représente 4 % de la population française. »

L’étude a été menée dans 265 zones de 6 régions viticoles (Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est). Au total, près de 2 700 personnes – 1 946 adultes et 742 enfants de 3 à 17 ans ‒ y ont participé, réparties en deux groupes : celles habitant en zone viticole, soit à moins de 500 mètres de vignes, et celles habitant à plus d’un kilomètre de toute culture, y compris des vignes. PestiRiv s’est concentrée sur 56 produits phytopharmaceutiques utilisés en viticulture, que ce soit pour combattre les champignons (folpel, cuivre par exemple), les mauvaises herbes (glyphosate) ou les insectes ravageurs (pyréthrinoïdes). Ce sont ces substances qui ont ainsi été recherchées, le nombre variant suivant que ce soit dans l’air extérieur, l’air intérieur, l’urine ou encore les cheveux des participants. Ceci en deux phases : d’octobre 2021 à février 2022, période de l’année où les traitements dans les vignes sont peu fréquents, puis de mars à août 2022, lorsque la quasi-totalité des traitements ont lieu.

Des contaminations sans surprise plus élevées en zone viticole

Résultat : « Dans tous les types d’échantillons étudiés, l’exposition aux pesticides est globalement plus importante pour les personnes vivant à proximité des vignes que celles vivant loin de toute culture », précisent les auteurs. Dans les urines, où 12 pesticides étaient recherchés, les niveaux de contamination sont entre 15 % et 45 % plus élevés en zones viticoles comparés aux zones éloignées de toutes cultures. Dans les poussières (48 pesticides recherchés), les niveaux de contaminations peuvent être jusqu’à 11 fois plus élevés en zones viticoles. Enfin, dans l’air ambiant (39 substances recherchées), les niveaux de contamination sont jusqu’à 12 fois plus élevés en zones viticoles et PestiRiv pointe une « contamination de fond » pour le cuivre et le souffre.

En période de traitement, la surexposition des enfants de 3 à 6 ans est supérieure à celle relevée sur les participants plus âgés. « Les enfants peuvent avoir des comportements qui les exposent davantage (contact avec le sol par exemple) et leur organisme élimine moins bien les polluants auxquels ils sont exposés », explique Clémentine Dereumeaux, de Santé publique France. Les nourrissons sont potentiellement plus exposés encore, mais l’étude ne peut en attester puisque le protocole était trop complexe pour inclure des bébés.

Sans surprise, PestiRiv observe également une exposition aux pesticides globalement plus importante en période de traitement des vignes. « L’augmentation de l’imprégnation urinaire peut atteindre 60 % et celle de la contamination des poussières varie, selon les substances, de quelques pourcents à 700 % », précise l’étude. Par ailleurs, cette exposition dépend des quantités épandues et de la proximité avec les cultures.

Une étude qui laisse sur sa faim

Ces principaux résultats enfoncent tout de même des portes ouvertes. Un peu léger pour une étude dont le coût total s’élève à 11 millions d’euros. Principal bémol : PestiRiv pointe la présence de pesticides dans l’air, les cheveux, l’urine, etc., mais n’indique jamais – du moins dans les résultats présentés ‒ les quantités précises retrouvées, ni si celles-ci sont à des niveaux susceptibles de présenter un risque sanitaire. « Pour la plupart des substances caractérisées dans PestiRiv, nous n’avons pas de valeurs seuils qui permettent d’identifier un risque sanitaire, il s’agit d’un travail qui reste à accomplir », justifie Sébastien Denys, directeur santé-environnement-travail de Santé publique France. « Faute de données, il n’est pas possible d’associer les niveaux d’imprégnation que nous avons relevés à des événements de santé », précise par ailleurs Benoît Vallet. Une autre piste à creuser.

PestiRiv reste aussi à une analyse nationale de l’exposition, sans comparer les niveaux d’exposition d’une région viticole à l’autre, parmi les 6 prises en compte. La faute à une « puissance statistique insuffisante » qui permettrait une analyse plus fine, à l’échelle des territoires, des résultats. Il n’y a pas non plus de comparaisons en fonction des types d’agricultures pratiquées sur la parcelle. « La présence de parcelles viticoles en agriculture biologique est prise en compte dans l’étude et celle-ci n’a pas d’influence sur les résultats », répond-on à Santé publique France.

Une recommandation qui ne se mouille guère

En démontrant l’influence de la proximité des cultures sur la contamination des milieux, l’Anses et Santé publique France émettent comme principale recommandation de « limiter l’utilisation des produits phytopharmaceutiques au strict nécessaire », tout en restant évasives sur ce qu’elles entendent par « strict nécessaire ». Elles insistent aussi sur l’information des habitants avant les traitements, « qui permettrait d’éviter les expositions ».

C’est peut-être le petit plus de PestiRiv. En complétant l’analyse des échantillons par des questionnaires adressés aux participants sur leurs habitudes de vie, l’étude identifie des gestes du quotidien qui permettent, selon les auteurs, de diminuer l’exposition. Comme se déchausser en entrant à son domicile, nettoyer son logement au moins une fois par semaine, sécher le linge à l’intérieur, disposer d’une ventilation mécanique contrôlée (VMC), éplucher les fruits du jardin et limiter la consommation d’œufs de poulaillers domestiques…

Fabrice Pouliquen

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