Fabienne Maleysson
Un cocktail détonant pour les mâles
En ajoutant à la ration de souris un cocktail de pesticides à des doses comparables à celles que l’on peut retrouver dans notre alimentation, des chercheurs ont mis en évidence des effets sur la prise de poids, l’apparition de diabète et de pathologies du foie, différents selon le sexe.
Les effets des mélanges de pesticides pris à faibles doses et sur le long terme sont peu étudiés. C’est pourtant de cette façon que nous sommes exposés. Consommer quotidiennement des quantités infimes de plusieurs insecticides, herbicides et autres fongicides pendant des années a-t-il un impact sur notre santé et lequel ? C’est ce qu’ont cherché à savoir des chercheurs de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) de Toulouse. Ils ont choisi d’étudier un cocktail de six pesticides fréquemment utilisés dans les vergers de pommes français et régulièrement retrouvés à l’état de résidus dans les pommes vendues sur le marché européen. Ce cocktail a été ajouté à la ration quotidienne de souris pendant un an, à une teneur équivalente, pour chaque composé, à la dose journalière admissible. Fixée par les autorités sanitaires européennes, cette dose est celle dont on estime qu’elle peut être ingérée chaque jour par un consommateur sans impact sur sa santé.
Au bout d’un an, plusieurs effets délétères ont été observés, différents selon le sexe. Ainsi, les souris mâles nourries avec les aliments additionnés de pesticides avaient pris deux fois plus de poids que leurs congénères à la ration « non assaisonnée » et souffraient davantage de diabète et de stéatose hépatique (accumulation de graisses dans le foie, qui peut évoluer en cirrhose). Chez les femelles, les chercheurs ont constaté des perturbations métaboliques mais sans pouvoir déterminer si elles pourraient avoir des conséquences délétères ou si elles sont le reflet d’une capacité à détoxifier les pesticides, ce qui expliquerait qu’on ne constate pas chez elles les effets remarqués chez les mâles.
Contrairement à la plupart des précédentes recherches qui se penchaient sur des pesticides aujourd’hui interdits, les administraient par gavage ou injection et/ou soumettaient les souris à un régime lui-même facteur d’obésité, celle-ci reflète de façon réaliste l’exposition de consommateurs mangeant de façon normalement équilibrée. Chaque pesticide a été ajouté à la ration à une dose à laquelle il n’est pas supposé avoir d’impact sur la santé. Pourtant, le mélange des six en a manifestement un. Ce qui pose à nouveau la question de la fixation des doses journalières admissibles par composé pris individuellement alors que nous ingérons des mélanges de pesticides et autres contaminants.
Les chercheurs vont désormais poursuivre leurs investigations pour déterminer si le même cocktail pris pendant la grossesse a un effet sur la descendance.