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Prix des œufs

L’Europe n’y est pour rien

Une hausse du prix des œufs de 10 % est attendue en 2012. Elle est imputable à de multiples facteurs, qui ne se réduisent pas aux nouvelles normes européennes sur les conditions d’élevage. La hausse du prix des céréales, constituant la base de l’alimentation des poules, est à prendre en compte.

À plus de 9 € la centaine sur le marché de gros, l’œuf bat des records sur le marché français. Coupable désigné : l’Europe. Une nouvelle réglementation accordant davantage de place aux animaux est entrée en vigueur au 1er janvier. « 5 % des élevages n’ont pas réussi à se mettre aux normes à temps et n’ont plus le droit de produire », explique Francis Damay, président du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO). Il manquerait ainsi environ 20 millions d’œufs par semaine, sur une production totale de 14 milliards. C’est peu, mais c’est assez pour faire s’envoler les cours, qui ont pratiquement doublé par rapport à la moyenne de 2011.

Selon Francis Damay, une fois la nouvelle réglementation assimilée par les producteurs, la pénurie d’œufs se résorbera. Le président du CNPO déplore « la rigidité de Bruxelles, qui n’a pas laissé le temps à la profession d’étaler ce chantier à un milliard d’euros, soit un an de chiffre d’affaires de toute la branche ! » Président de la Coordination rurale (et éleveur de poulets dans le Gers), Bernard Lannes incrimine pour sa part « les groupements de producteurs qui n’ont rien planifié. Les premiers bâtiments aux nouvelles normes sont entrés en production en 2011, alors que les plus anciens tournaient encore. Les cours de l’œuf ont chuté. Cela a compliqué la trésorerie des producteurs au moment où ils avaient besoin d’emprunter pour se mettre aux normes. Maintenant, certains ont été obligés de fermer et c’est la pénurie ! »

Des normes annoncées depuis 1999

L’argument de la précipitation européenne est également irrecevable aux yeux de Sébastien Arsac, porte-parole de l’association L214 de défense des animaux d’élevage : « Ces nouvelles normes sont annoncées depuis 1999. Les producteurs avaient tout le temps de s’y préparer ». De plus, d’après L214, la réglementation sur le bien-être animal est mal respectée par les éleveurs (1). L’association s’apprête à saisir le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, sur la base de vidéos et de photos illustrant des défaillances flagrantes dans un élevage breton. « La Direction générale de l’alimentation nous a écrit dans un courrier que seulement 1 % des élevages étaient contrôlés chaque année. Il faudrait un siècle pour les inspecter tous ». Voilà qui colle assez mal avec l’image de la corporation assaillie par une « eurocratie » psychorigide et tatillonne...

Du reste, même si les aviculteurs avaient anticipé les nouvelles normes, les prix seraient aujourd’hui à la hausse, car les céréales qui constituent la base de l’alimentation des poules sont en train de monter. Or, « l’alimentation représente 60 à 70 % du prix de production d’un œuf », souligne Bernard Lannes. Francis Damay relativise toutefois la portée de la hausse. « Un œuf coûte moins de 10 centimes au prix de gros. Il va prendre 10 %. Ça le mettra à 11 centimes maximum une fois la production revenue à son niveau normal, ce qui devrait se faire d’ici juillet ». Bref, si les œufs au détail grimpaient de 30 % dans les mois qui viennent et ne redescendaient pas d’ici la fin de l’année, ce ne serait ni du fait de la commission européenne, ni de celui des producteurs. La grande distribution ? Non ?!

(1) Voir leur enquête sur www.l214.com/oeufs-poules-pondeuses/enquete-fevrier-2012

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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