ACTION UFC-QUE CHOISIR
Le surendettement en France

Des solutions pour en finir

Le surendettement n'est pas une fatalité. Quelques précautions élémentaires permettraient d'empêcher que les populations « à risque » tombent dans cette spirale. Commençons tout d'abord par interdire la publicité « pousse au crime » : « Laissez parler vos envies ! » (Cofinoga), « Crédit Conso, et la vie est plus facile » (Médiatis), « Pour faire plaisir aux enfants, dites oui au fameux ordinateur » (Sofinco) : de tels slogans incitent les clients à consommer au-dessus de leurs moyens. Ils banalisent l'endettement en créant l'illusion que le crédit est facile et gratuit. Or, les statistiques de la Banque de France prouvent que 80 % des dossiers passant en commission de surendettement comportent au moins quatre crédits revolving... Sachant que les réserves d'argent de ces crédits renouvelables peuvent être augmentées sans la moindre formalité par l'emprunteur, le consommateur est entraîné inexorablement dans la spirale du surendettement. Nous demandons donc que l'augmentation du crédit maximum autorisé dans le cadre d'un crédit revolving soit systématiquement soumise à une offre préalable.

Par ailleurs, les organismes de crédit devraient être obligés de consulter le FICP (fichiers des incidents de crédit aux particuliers) avant de formuler une offre préalable de crédit. Ils ne pourraient alors ignorer (ou feindre d'ignorer) l'état d'endettement du demandeur. Leur responsabilité pourrait donc être engagée (et leur créance jugée irrecevable) dans les cas où la situation financière de l'emprunteur aurait dû les inciter à refuser le dossier. En tout état de cause, les prêteurs devraient avoir une obligation de conseil, en comparant le TEG qu'ils proposent au taux d'usure, en prévenant l'emprunteur de l'existence de la commission de surendettement dès le premier incident de paiement, et en l'informant qu'il peut saisir le juge pour demander des délais de paiement pouvant aller jusqu'à deux ans. Enfin, les organismes de crédit devraient faire preuve d'un peu plus d'humanité dans le recouvrement des créances. Les procédures d'intimidation doivent évidemment être interdites. Quant à la phase de recouvrement, elle devrait être limitée dans le temps (afin de ne pas aggraver l'endettement du débiteur avec des frais et des pénalités supplémentaires et le plus souvent indus).

Le traitement social du surendettement

Il est également grand temps d'améliorer le traitement social du surendettement. Dans son fonctionnement actuel, la commission de surendettement ne joue pas vraiment son rôle. Elle est tout de même censée accueillir décemment les ménages surendettés, les informer et - le cas échéant - les orienter vers les services sociaux ad hoc. Or, dans l'état actuel des choses, les commissions de surendettement tiennent davantage de l'instance de recouvrement que de l'aide aux foyers surendettés. La preuve : elles ne prennent même pas le temps de vérifier les créances présentées par les organismes de crédit. Il n'est ainsi pas rare que des débiteurs en difficultés remboursent des créances indues.

Nous réclamons donc que les organismes de crédit soient obligés de déclarer leurs créances sous un délai de trente jours après information de la commission, et qu'ils exposent dans quelles conditions (démarchage à domicile, vente par correspondance ou par téléphone...) ces contrats ont été conclus. À défaut, ils pourront être sanctionnés (par la déchéance de leurs intérêts, par exemple). Quant au secrétariat de la commission de surendettement, il pourrait se charger de vérifier systématiquement le montant des créances et leur couverture éventuelle par des assurances. Cette phase s'inscrirait dans le cadre de procédures rigoureuses et objectives de traitement des dossiers : à l'heure actuelle, l'examen des dossiers dépend trop souvent de l'humeur et du bon vouloir de ses membres. S'ils avaient eu l'occasion - à un moment ou un autre - de rencontrer les ménagers surendettés et de comprendre leur détresse, ils ne traiteraient probablement plus ces dossiers de façon aussi inhumaine. Ils sauraient également proposer des solutions humainement viables : en général, les plans de désendettement envisagés accordent aux familles le minimum vital, mais ne leur permettent pas de faire face à un coup dur. Une chaudière en panne, un enfant malade, un pneu crevé et la famille est obligée de « casser » le plan qui s'écroule. Les créanciers ne tardent alors pas à remettre la pression. Les commissions devraient cesser, comme elles le font trop souvent aujourd'hui, de traiter les dossiers de surendettement comme des « cas économiques ». Ce sont des situations humaines et familiales qui méritent un traitement nuancé et circonstancié.

Il est par ailleurs indispensable d'accélérer le traitement des dossiers : la commission de Vincennes, par exemple, met plus d'un an à proposer une solution. Et ce n'est pas la peine de l'appeler pour savoir où elle en est : son secrétariat est toujours sur répondeur... Au-delà de l'anecdote, il semble aujourd'hui nécessaire de supprimer la phase amiable de la procédure : elle est trop souvent défavorable aux consommateurs et, de toute façon, presque toujours différente des recommandations finales. C'est donc une perte de temps dont les ménages surendettés n'ont vraiment pas besoin.

La faillite civile pour les situations les plus critiques

Enfin, dans les cas les plus critiques, nous proposons une réforme inspirée du modèle de faillite civile, tel qu'il existe en Alsace-Moselle et au Canada. Lorsqu'il apparaît que le débiteur n'a plus aucune chance d'apurer sa situation (dans le cas notamment des personnes handicapées, des retraités, chômeurs de longue durée ou RMIstes), mieux vaut effacer directement ses dettes, remettre les compteurs à zéro, et épargner au foyer une période trop longue d'incertitude et de précarité. Cette procédure s'inscrirait en complément des commissions de surendettement, et serait du ressort des instances judiciaires (tribunaux d'instance ou de grande instance). Il suffit de reprendre le modèle de procédure existant déjà en Alsace-Moselle, à condition toutefois de lui apporter quelques améliorations : réduire les coûts de procédure, éviter la vente systématique du logement, empêcher l'inscription au casier judiciaire, prévoir un suivi pédagogique et social du débiteur et lui demander, si sa situation le permet, d'assumer une partie de son passif. Cette procédure de faillite civile ne dispense naturellement pas les commissions de surendettement de se remettre en question : à l'heure actuelle, elles se bornent trop souvent à aider les créanciers dans leurs procédures de recouvrement, sans assumer pleinement toute la dimension sociale de leur mission.

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