BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Additifs alimentaires

Vous avez dit "des salades" ?!

Hier midi, alors que je savourais un délicieux jambon sans nitrites, je faillis m’étouffer lorsque mes yeux sont tombés sur la dernière prise de position de l’Académie d’Agriculture de France, affirmant sans ambages que tous les additifs alimentaires seraient parfaitement sûrs ! Ce billet péremptoire dénonce pêle-mêle telle application pour smartphone, un rapport parlementaire, ainsi que notre récente étude sur les additifs alimentaires, mettant en doute aussi bien les bases scientifiques que l’expertise, voire l’indépendance de leurs auteurs !

S’agissant de l’étude publiée dans le numéro de novembre de "Que Choisir", et de la base de données en ligne sur le site, je tiens tout d’abord à rappeler qu’elle repose notamment sur une relecture minutieuse par nos experts des nombreux avis scientifiques utilisés par la Commission européenne pour autoriser les additifs. Quant à l’indépendance de l’UFC-Que Choisir, elle n’est plus à prouver puisqu’elle repose sur l’indépendance financière que garantissent nos lecteurs en achetant notre revue.

Mais je voudrais revenir sur l’argument presque tautologique utilisé par les académiciens - selon lesquels les additifs seraient parfaitement sûrs puisqu’ils sont autorisés - car c’est passer sous silence les failles béantes du processus d’autorisation et de réévaluation des additifs ! Première faille : l’autorisation n’est pas donnée par des scientifiques, mais par une instance ô combien politique : la Commission européenne qui, en dernier ressort, tranche entre les avis scientifiques et les pressions exercées par les directions générales au sein même de la Commission, par les Etats-membres et bien sûr par les industries concernées. Quant aux études censées garantir l’innocuité des molécules, elles sont transmises par les fabricants eux-mêmes, ce qui induit un biais évident concernant leur indépendance. Dernier trou dans la raquette et pas des moindres : les industriels ne sont pas tenus de vérifier les effets éventuels des perturbateurs endocriniens, ni les réactions de leurs molécules combinées avec d’autres, c’est-à-dire le fameux "effet cocktail".

Autre argument douteux, certains additifs seraient indispensables pour garantir la sécurité des consommateurs et nos académiciens de reprendre l’exemple éculé des nitrites présentés comme les seuls remparts contre le grand méchant botulisme. Or, c’est aller un peu vite en besogne sachant que cette maladie - très rare en France - est due essentiellement à des conserves maison insuffisamment stérilisées et que désormais nombre d’entreprises charcutières savent parfaitement s’en passer. Quant aux doutes exprimés sur la réalité des risques posés par les nitrites, c’est faire peu de cas des avis exprimés par le Centre International de recherche sur le cancer, l’Institut National du Cancer et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Mais surtout, c’est oublier que les industriels utilisent avant tout les additifs pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes : les ingrédients nobles étant trop souvent remplacés par de l’eau ou de l’air, grâce à la magie des additifs et des arômes… au bénéfice des marges et aux dépends du consommateur !

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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