Marie-Noëlle Delaby
Le protocole
De la plantation à la tasse, les feuilles de thé vert suivent tout un parcours ponctué d’étapes au cours desquelles des substances potentiellement nocives peuvent s’inviter. Au point de faire vaciller l’image santé de cette boisson réputée pleine de vertus ? Pour le savoir, nous avons testé 16 thés verts en sachets, vendus en grandes surfaces et en enseignes spécialisées. La plupart sont d’origine Chine ou Japon et estampillés bio. Nos analyses ont porté sur plusieurs familles de contaminants ne diffusant pas toutes de manière égale du sachet au breuvage. Nous avons aussi dégusté tous ces thés verts dont les prix font le grand écart. De 20 à plus de 300 € le kilo, achète-t-on la même qualité ?
Dégustation
Les 16 thés de notre sélection ont été évalués de façon anonyme par quatre dégustateurs avertis : trois critiques gastronomiques et une directrice de maison de thé (dont les produits ne sont pas présents dans la sélection). Le jury a dégusté les thés, tous préparés selon le même protocole (infusion 3 minutes à 70 °C), afin d’en décrypter les différentes saveurs. Il a également observé, pour chaque échantillon, la mouture sèche contenue dans un sachet et celle humide récupérée après infusion afin d’évaluer l’aspect des morceaux de feuilles ou de tiges, leur couleur et leur odeur.
Pesticides
Plus de 500 molécules ont été recherchées dont le glyphosate (substance active herbicide) et son principal produit de dégradation, l’Ampa (acide amino méthyl phosphonique).
L’appréciation que nous portons aux échantillons tient compte du nombre de molécules trouvées mais aussi du caractère perturbateur endocrinien et/ou CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique) des substances repérées.
La propension de telle ou telle molécule à se retrouver dans le thé une fois infusé est également considérée. En effet, pour les pesticides, il n’y a pas de règle générale s’agissant du passage d’une substance du sachet vers le breuvage. Les propriétés diffèrent d’une molécule à l’autre. Certaines, comme le glyphosate, sont extrêmement solubles dans l’eau alors que d’autres ne le sont pas.
Alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP)
Ces toxines sont produites naturellement par différentes espèces de plantes pour repousser les herbivores. Elles ne sont pas produites par le théier mais par des herbes sauvages qui peuvent être récoltées accidentellement avec les feuilles de thé.
Selon les experts de l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa), l'exposition aux AP contenus dans les denrées alimentaires constitue une source potentielle de préoccupation à long terme pour la santé humaine en raison du potentiel cancérogène et génotoxique de ces substances. Pour autant, il n’existe pas encore de réglementation au niveau européen.
Lors de l’infusion du thé, les AP sont susceptibles de passer intégralement de la mouture sèche au breuvage.
Huiles minérales (Mosh et Moah)
Nous avons recherché les Mosh (Mineral Oil Saturated Hydrocarbons) et les Moah (Mineral Oil Aromatic Hydrocarbons), deux grandes familles d’huiles minérales. Celles-ci rassemblent un mélange complexe de composés aux toxicités variées et encore bien souvent inconnues. Les Moah sont considérées comme les plus à risque. Elles sont suspectées d’être cancérogènes.
Les huiles minérales se dissolvent très difficilement dans l’eau. Elles ne passeraient donc pas, ou très peu, dans le thé infusé.
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)
Ces substances cancérogènes peuvent se former lors des procédés de pyrolyse, de séchage ou de fumaison. L’une d’entre elles, le Benzo(a)pyrène, est classée à la fois cancérogène, mutagène et reprotoxique probable par l’Union européenne.
Un règlement européen fixe des teneurs maximales pour la somme de quatre HAP et plus spécifiquement pour le Benzo(a)pyrène. Cependant, le thé et les infusions ne font pas partie des matrices règlementées. Ces limites existent en revanche pour les herbes séchées. Ces dernières nous ont servi de repères pour porter nos appréciations.
Les HAP ne passent pratiquement pas dans le thé infusé.
Métaux lourds
Les métaux lourds sont des contaminants environnementaux. Leur présence dans l’environnement peut être naturelle ou liée à des activités humaines.
Un règlement européen fixe des teneurs maximales pour le plomb, le cadmium, l’arsenic et le mercure (les quatre métaux lourds que nous avons recherchés dans nos échantillons de thés verts) dans diverses denrées alimentaires. Cependant, le thé et les infusions ne font pas partie des matrices règlementées.
Aussi, en l’absence de limite réglementaire pour la matrice étudiée, notre grille d’appréciation repose sur une lecture comparative des teneurs mesurées.
Mycotoxines
Nous avons recherché la présence éventuelle d’ochratoxine A et des aflatoxines B1, B2, G1 et G2 dans la mouture sèche.
Claire Garnier
Rédactrice technique