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L’Autorité de la concurrence réclame des autocars

Peu convaincue par les TER, l’Autorité de la concurrence prend le contrepied de la politique du tout-rail à la mode depuis des années. Non sans arguments solides et dans l’intérêt des usagers.

La roue serait-elle en train de tourner ? Alors que le transport régional par rail bénéficie depuis des années  d’un préjugé très favorable, l’Autorité de la concurrence a rendu le 27 février un avis qui appelle à une libéralisation radicale d’un mode de transport moins cher et plus souple : l’autocar.

Actuellement, les ouvertures de lignes sont soumises à une réglementation draconienne. Les exploitants doivent obtenir une autorisation, ce qui peut prendre jusqu’à 18 mois. Leurs demandes sont très souvent rejetées par les régions, autorités organisatrices des transports, au motif qu’elles porteraient atteinte à « l’équilibre économique d’une offre conventionnée ». En clair, la SNCF exploite des TER, et les autocars ne doivent pas les concurrencer, y compris sur des tronçons critiques. Les TER Paris-Creil ou la ligne A du RER saturent le matin, mais il est interdit de créer des lignes d’autocars susceptibles de leur porter atteinte. De fait, le car représente seulement 0,0005 % du transport interrégional, contre 5 % – 10 000 fois plus – en Suède ou 4 % en Grande-Bretagne.

Dans son avis très documenté (100 pages), l’Autorité de la concurrence relève que nombre de régions  affichent une hostilité de principe à l’autocar, hostilité qui ne repose sur aucune analyse de l’équilibre économique des lignes de TER. Assez souvent, du reste, la SNCF ne communique pas aux régions les données qui permettraient d’apprécier l’équilibre en question. La situation est tellement verrouillée que les autocaristes déposent peu de demandes. « L’autocar longue distance est un marché surcontraint en France », « victime d'un déni médiatique », disait au Congrès de la Fédération nationale des transports de voyageurs, le 16 octobre 2013, un certain Guillaume Pépy, président de la SNCF…

La compagnie nationale sait qu’une clientèle ayant davantage de temps que d’argent (jeunes, retraités, touristes, etc.) ne prendra pas le TGV Paris-Lille ou Paris-Lyon, sans parler de l’Eurostar ou du Thalys. Elle a donc mis des autocars iDBus en service sur ces liaisons, avec des tarifs trois fois inférieurs à ceux d’un billet de train plein tarif. Ce qui ne l’empêche pas de freiner les autres autocaristes quand cela l’arrange.

Des TER qui roulent à vide

Le bilan des TER n’est pas très bon, rappelle l’Autorité de la concurrence. « Près de deux tiers des liaisons ferroviaires interrégionales correspondent à des flux de moins de 40 voyageurs par jour et 37 % à des flux de moins de 12 voyageurs par jour, quand le nombre de places assises par train est compris entre 200 et 600 ». Bref, les TER roulent massivement à vide, et l’autocar est sans doute davantage « complémentaire » que concurrent. Sillonnant des villages, il pourrait canaliser des voyageurs vers les gares.

L’avis rappelle au passage que « les émissions de gaz à effet de serre des trains grandes lignes chargés à 15 % sont supérieures à celles des autocars chargés à 80 % ». Est-ce encore un critère ? Le parc automobile mondial augmente au rythme de 14 millions de véhicules par an. Le temps de lire cet article (3 minutes), il comptera déjà 80 véhicules de plus. Qui peut croire que quelques centaines de cars sur les routes de France pèseront sur le climat ?

Recommandation de l’Autorité de la concurrence : assouplissement radical de la réglementation. Pour commencer, les contraintes démesurées pesant sur le cabotage doivent être levées. Aujourd’hui, les lignes internationales peuvent prendre des passagers pour des trajets nationaux (un car Paris-Amsterdam s’arrêtant à Lille, par exemple), mais seulement dans la double limite de 50 % de sa capacité et de 50 % de son chiffre d’affaire, ce qui conduit à refuser des clients alors qu’il reste des places. L’Autorité préconise par ailleurs la fin des autorisations administratives pour toutes les liaisons supérieures à 200 km, et une « clarification du test d’atteinte à l’équilibre économique des lignes conventionnées pour les liaisons de moins de 200 km ». Si l’atteinte en question ne peut être prouvée, il y aura feu vert à l’autocar.

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