Marie Bourdellès
Les faux sites d’investissement dans les vaches laitières pullulent
L’Autorité des marchés financiers (AMF) constate la recrudescence d’une arnaque bien particulière depuis le début de l’année 2019 : celle à l’investissement dans les cheptels bovins. Des consommateurs pensant faire un placement juteux se font voler des milliers d’euros. L’espoir de retrouver les sommes versées est très mince.
Investir dans une vache laitière. Voilà une opportunité sur laquelle les escrocs surfent allègrement depuis plusieurs mois. Un site Internet se présente comme une société intermédiaire entre investisseurs et éleveurs bovins (cheptel-agriculture.com, cheptelepargne.com, laitier-responsable.com, cheptel-patrimoine.com… la liste est longue). Pour l’achat d’une partie d’un cheptel bovin, donc de plusieurs vaches, il promet à chaque nouvel épargnant un rendement de 4 %, voire de 6 % à 12 %.
Deux options sont décrites pour récupérer les gains : revendre les vaches, censées avoir pris de la valeur, ou réinjecter les gains dans de nouvelles bêtes. L’élevage et l’entretien du cheptel sont supposés être réalisés par un agriculteur. « Cet investissement est un investissement responsable, celui-ci permet de soutenir l'élevage agricole et vous permet un rendement entre 4 % et 5 %, nettement supérieur au livret A et LDDS (ex-LDD), de 0,75 % aujourd'hui », peut-on lire sur l’un des sites, par ailleurs reproduit à l’identique sous différentes adresses url.
Pour toute demande d’information, l’internaute est invité à envoyer un message en laissant ses coordonnées pour être recontacté ou bien à appeler un numéro de téléphone. Certains sites permettent même de payer directement en ligne !
Un commercial déverse ensuite au téléphone tout un discours à « l’investisseur », qui se décide à faire un virement – 10 000, 15 000 ou 20 000 €. Le piège se referme sur lui. La soi-disant société devient injoignable, les escrocs se sont envolés avec l’argent de leurs victimes, parti sur des comptes étrangers.
Toutes les informations délivrées sur ces sites sont fausses, du nom de la société aux promesses de rendement en passant par les supposés éleveurs ou investisseurs présentés dans un reportage. L’éventuel numéro de téléphone est temporaire et ne correspond pas au véritable numéro du malfaiteur. Les articles ou vidéos de presse relayés, eux, sont réels et basés sur de vraies informations, mais utilisés à des fins frauduleuses. Seul but des escrocs, qui surfent sur une proposition d’épargne alléchante : soutirer de l’argent à leurs victimes. Les chances de récupérer les sommes versées sont quasi inexistantes. Les personnes malveillantes agissant sous de fausses identités, les espoirs de retrouver son investissement disparaissent en même temps qu’eux.
« Depuis le début de l'année 2019, l'AMF a constaté une augmentation notable des arnaques liées à la vente de parts de cheptel de vaches laitières », indique Claire Castanet, directrice des relations épargnants de l’organisme. Ce dernier a publié en ligne une liste noire des sites Internet frauduleux (qui concernent également d’autres arnaques). L’AMF appelle les consommateurs à la plus grande vigilance, en contactant notamment la plateforme Épargne Info Service pour se renseigner sur la fiabilité d’un site.
Nos conseils
Les sites Internet vantant les mérites de l’investissement dans les vaches laitières affichent photos et argumentaires convaincants. Mais dès lors que les promesses de rendements faciles et très attractifs sont mises en avant, méfiez-vous. Les rendements miraculeux sans risque n’existent pas. En l’absence de mentions légales ou de contact mentionné (adresse, numéro de téléphone), fuyez.
Avant de prendre toute décision, consultez la liste noire disponible sur le site de l’AMF : elle recense les sites frauduleux dont elle a connaissance. Attention donc, cette liste n’est pas nécessairement exhaustive. Si le doute subsiste, contactez Épargne Info Service, la plateforme de l’autorité dédiée aux épargnants (01 53 45 62 00).
Si vous êtes victime de cette arnaque, portez plainte au commissariat. Même si les chances de récupérer vos gains sont minces, plus les autorités sont averties, plus les chances de stopper le réseau d’escrocs qui se cache derrière ces agissements s’agrandit.
Contactez également votre banque. Si elle ne vous a pas conseillé en amont ni mis en garde, vous pourrez éventuellement engager sa responsabilité.
Les professionnels de l’investissement dans les cheptels victimes d’usurpation d’identité
Si certains consommateurs ont vu leurs économies s’envoler, le secteur est également victime de ces arnaques. L’Association française investissement cheptel (Afic) est spécialisée dans le domaine. Elle regroupe les investisseurs et travaille avec la régie Élevage et patrimoine, qui joue le rôle d’intermédiaire. L’association s’est fait usurper son identité mais aussi la totalité du contenu de son site Internet par le faux site afic-ass.org. Depuis le 29 octobre 2018, l’association a fermé son site, en affichant simplement sur la page d’accueil un texte sensibilisant la population à la recrudescence d’une telle arnaque.
« Nous avons déposé une première plainte le 21 septembre 2018 auprès du procureur de la République, puis une seconde, car cela continue. Certaines personnes ont été abusées mais croient qu’elles ont traité avec nous », souligne Pierre Marguerit, président de l’Afic. Le site afic-ass.org est en effet toujours actif. « Nous avons également envoyé une lettre à l’Autorité des marchés financiers (AMF) », poursuit monsieur Marguerit, qui n’a d’autre choix que d’attendre que les escrocs stoppent leurs agissements.