Les sociétés de crédit sur la sellette
Les associations locales de l’UFC-Que Choisir enregistrent un nombre inquiétant de plaintes de particuliers, très loin d’avoir réalisé la bonne opération promise par les commerciaux de panneaux photovoltaïques. Les organismes de crédit partenaires sont sur la sellette.
Ils s’appelaient Next Generation, Européenne des énergies renouvelables ou Groupe Solaire de France. Ils avaient de l’entregent. De la déontologie, un peu moins. Ces entreprises de vente de panneaux solaires photovoltaïques ont sévi pendant quelques années avant de mettre dans une situation difficile des particuliers séduits par des prévisions de rendement irréalistes. Entre le crédit d’impôt et le rachat des kWh par EDF, la pose de panneaux devait s’autofinancer en quelques années et dégager ensuite des bénéfices, y compris dans des régions aussi ensoleillées que le Centre-Bretagne ou les environs d’Arras.
L’existence de ces commerciaux aussi peu compétents que scrupuleux est connue depuis longtemps. Les quelque 2 500 dossiers rassemblés à ce jour par l’UFC-Que Choisir (tous postérieurs à 2010) mettent aussi en exergue la responsabilité d’une autre famille d’acteurs, les établissements de crédit. Les dossiers à problème qui remontent vers l’UFC-Que Choisir ont été montés dans leur immense majorité avec des emprunts de 10 000 €, 15 000 €, voire 25 000 €. Ils ont été débloqués par des sociétés de crédit d’envergure nationale comme Domo Finance (filiale d’EDF et BNP Paribas Personal Finance), Solfea (filiale de GDF Suez et de Laser Cofinoga), Sofemo (filiale du Crédit mutuel CIC) ou Sygma Banque (groupe Laser Cofinoga). Les offres de prêts étaient fournies aux clients par les commerciaux. Les sociétés de crédit rémunéraient ces derniers comme apporteurs d’affaire. Dans certains cas, ce sont les commerciaux en photovoltaïque qui avaient démarché les sociétés pour qu’elles s’associent à leur prospection, afin de proposer un « package ». Dans d’autres cas, ce sont les sociétés de crédit elles-mêmes qui avaient pris l’initiative de répondre à des appels d’offres lancés par les marchands de panneaux.
Des irrégularités dans les contrats
L’examen des dossiers montrent que les règles encadrant le crédit et le démarchage à domicile n’ont pas toujours été respectées, loin de là. Par exemple, il est fréquent que les contrats ne stipulent pas la date de livraison des panneaux photovoltaïques. L’attestation de conformité ou le prévisionnel de production manquent tout aussi régulièrement à l’appel.
Contactées, les sociétés de crédit admettent le problème, sans donner d’évaluation du nombre de dossiers litigieux. « Nous prenons ces litiges très au sérieux », affirme un porte-parole du Crédit Mutuel CIC, avant d’ajouter que « Sofemo est victime dans cette affaire ». « Notre intérêt n’est pas de financer des installations défectueuses ou non rentables », renchérit Jean-Pierre Charles, directeur des services financiers chez Laser Group. C’est l’affirmation contraire qui serait surprenante. Domo Finance, pour sa part, assure qu’elle a arrêté de travailler avec certains commerciaux, mais refuse de dire lesquels.
Les procès se multiplient
L’écart entre le sérieux présumé de ces grandes sociétés de crédit et les pratiques douteuses de leurs partenaires vendeurs est confondant. M. W., qui s’est rapproché de notre association d’Arras, a été démarché par France solaire, qui lui a dit qu’il était le gagnant de panneaux par tirage au sort !
Groupe Eco France a fait croire à M. et Mme S. qu’ils figuraient sur une liste de candidats susceptibles d’être sélectionnés par EDF en fonction de l’exposition de leur logement pour recevoir des panneaux photovoltaïques. Les époux S. habitent à Lesneven. Cette commune finistérienne a bénéficié en 2013 de 1 348 heures d’ensoleillement, 200 heures de moins que la moyenne nationale, 1 140 de moins qu’une commune du Var comme Bandol. La pseudo-caution d’EDF était évidemment de nature à rassurer.
Dans ce dernier cas, c’est Solfea qui a débloqué le prêt. Des visites en clients mystères ou de simples lectures de forums d’internautes furieux lui auraient permis d’identifier Groupe Eco France comme un partenaire douteux dès 2010. Idem pour Solar/Eden, avec qui Domo Finance a continué à travailler alors que les mises en garde se multipliaient sur le Web dès 2011.
Assistés parfois par les associations locales de l’UFC-Que Choisir, des particuliers vont en justice contre les installateurs et les financeurs. Les tribunaux trancheront au cas par cas. Reste à comprendre comment le photovoltaïque a pu donner lieu à un tel dérapage collectif de la part des organismes de crédit. Ils se présentent comme des victimes, mais sans eux, combien de ces projets mal ficelés auraient vu le jour ? Et feront-ils encore figure de victimes devant les magistrats ?