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Pesticides dans les salades

Générations futures noircit le tableau

Abondamment repris par la presse, les tests de l’association Générations futures sur 31 salades conventionnelles n’ont pourtant mis en évidence aucun dépassement des limites maximales autorisées. Décryptage.

L’association Générations futures a été créée en 1996 par un ingénieur de l’Institut national de la recherche agronomique, George Toutaint, et par François Veillerette, son porte-parole actuel, ancien président de Greenpeace (2002-2005), aujourd’hui vice-président EELV de la région Picardie.

Défini à l’article 2 de ses statuts, l’objet de l’association est très clair. Elle lutte contre « les conséquences négatives de l’agriculture ou de toute autre activité humaine utilisant les produits phytosanitaires et les engrais de synthèse » et promeut « les alternatives respectueuses de l’environnement et de la santé dans ces domaines, comme par exemple l’agriculture biologique ».

La liste des entreprises et des organisations partenaires de Générations futures se trouve sur son site. Y figure le réseau Biocoop, le groupe de produit bio Bjorg, l’organisme Ecocert, etc.

La présidente de Générations futures, Maria Pelletier, dirige par ailleurs une PME spécialisée dans les farines et les aliments bio pour l’élevage, Moulin Marion (qui a aussi du conventionnel dans sa gamme). Maria Pelletier est par ailleurs administratrice du syndicat national des entreprises bio, le Synabio.

 

Promouvoir le bio ou dénigrer le conventionnel ?

Avant même la publication des résultats de son enquête sur les pesticides dans les salades, Générations futures avait d’ailleurs écrit aux groupes de la grande distribution pour proposer ses services. « Nous pourrions vous aider à trouver des alternatives et des experts », « nous serions disposés à vous apporter notre expertise »… Interrogé, François Veillerette assure que cette offre de service de Générations futures est faite à titre gracieux. « Nous n'avons à ce jour aucun contact avec un producteur ou groupes de producteurs de salades, quel que soit le mode de production », ajoute-t-il. Générations futures a en revanche des liens étroits avec le Synabio, qui a lui-même, évidemment, des adhérents maraîchers, producteurs de salade bio.

En résumé,  Générations futures assume le rôle d’organisme de promotion d’une filière. Si c’est tout à fait respectable, l’enquête sur les pesticides et les perturbateurs endocriniens dans les salades laisse néanmoins songeur, dans la mesure où elle ne dit strictement rien du bio. Son seul but, clairement affiché, est de dissuader les consommateurs de manger des salades conventionnelles.

La base permettant de dénigrer ces dernières existe, mais elle est mince. Générations futures a fait analyser par un laboratoire belge 31 salades conventionnelles achetées dans des supermarchés de Picardie. « Nous n’avons relevé aucun dépassement des limites maximales en résidus (LMR) dans les échantillons testés », admet avec honnêteté Générations futures, avant d’ajouter que ces LMR sont à son avis trop élevées pour les salades.

25 salades sur 31 contenaient des résidus d’un ou plusieurs pesticides, dans des proportions très inférieures aux normes admises. Pour le Boscalid, par exemple, un fongicide, la limite maximale autorisée est de 30 mg/kg sur la laitue. La teneur moyenne en résidus détectée était de 0,549 mg/kg par échantillon (54 fois moins que la limite), avec un maximum à 4,467 mg/kg pour un échantillon.

L’énigme du DDT

Les producteurs de salades bio traitent eux aussi leurs produits. Il est fort probable que des tests poussés mettraient en évidence des traces de résidus, pas toujours anodins, à l’image de la bouillie bordelaise au cuivre.

Le laboratoire a également relevé des traces de cinq substances « interdites ». L’une d’entre elle est le DDT, totalement prohibé depuis plus de 20 ans en France. Générations futures n’avance pas d’explication. Les experts interrogés suite à la parution de l’étude évoquent une persistance du DTT dans le sol, ce qui serait tout aussi préoccupant pour le conventionnel que pour le bio !

Les autres substances sont prohibées pour les salades, mais pas pour les grandes cultures. La cypraconazole, par exemple, est autorisée pour la betterave industrielle, le lin, le chanvre, le colza, qui abondent en Picardie. Idem pour l’oxyadiazon, un herbicide assez courant. Avant d’envisager un trafic de produits phytosanitaires chez les maraîchers, ce qui serait grave, on peut penser que le vent a transporté un peu de produits d’un champ à l’autre, sans que les bourrasques distinguent d’ailleurs entre cultures bio et conventionnelles ! En janvier 2014, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a publié une étude montrant que la moitié des fruits et légumes bio commercialisés dans le pays contenaient des traces de produits phytosanitaires.

Sauf à assimiler la promotion du bio à la lutte du Bien contre le Mal, représenté en l’occurrence par le conventionnel, on peut parler de dénigrement exagéré. L’agriculture biologique est une démarche exigeante et fort intéressante, qui séduit de plus en plus d’agriculteurs. Elle jouit d’un capital sympathie indéniable auprès des consommateurs, malgré des prix relativement élevés. A-t-elle vraiment besoin des raccourcis de l’étude de Générations futures pour marquer encore des points ? 

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