Perrine Vennetier
Gare aux diagnostics hâtifs
Environ 30 % des adultes en France seraient touchés par l’hypertension artérielle et la moitié de ces « malades » seraient ignorants de leur état, selon une étude parue récemment dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). L’hypertension artérielle – pourtant archiconnue et simple à mesurer – serait-elle si mal détectée ? Sans doute pas. Le diagnostic a été posé un peu vite.
De nombreux titres de presse tiraient récemment la sonnette d’alarme à propos de l’hypertension artérielle : un « fléau français sous-estimé » selon le quotidien Libération. Ces articles faisaient suite à la publication, dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, d’une étude sur la prévalence de l’hypertension en France (1). Basée sur un échantillon de 2 000 personnes environ, elle estimait que 30,6 % des Français entre 18 et 74 ans en seraient atteints. Les chercheurs se sont basés sur la prise d’au moins un médicament antihypertenseur (via les données de remboursement de l’assurance maladie) ou sur des mesures de pression artérielle effectuées au cours d’un bilan de santé. La moitié des personnes diagnostiquées « hypertendues » relevaient de ce second cas. Et c’est là que le bât blesse : de telles mesures, faites en une seule occasion, ne permettent pas d’établir le diagnostic.
Hypertendus, vraiment ?
Car la pression artérielle varie. Un coup de stress ou une volée d’escalier et la pression dans les artères grimpe dans la foulée ! Lors d’une séance de relaxation ou d’une nuit paisible, la pression redescend. On parle d’hypertension artérielle quand la pression est anormalement élevée et quand cette élévation persiste dans le temps (voir schéma ci-dessous). De plus, il existe un phénomène qui fait particulièrement monter la tension : le fait d’être examiné par un médecin, ce qu’on appelle l’effet blouse blanche. Se trouver dans un environnement médical provoque souvent des chiffres de tension supérieurs à ceux relevés hors du cabinet. Ainsi, de 15 à 30 % des personnes dont les mesures en consultation sont élevées ne sont, en réalité, pas hypertendues (ni à risque accru de problème cardiovasculaire). Elles risquent alors de devoir s’astreindre à un traitement sans raison, éventuellement dangereux pour celles qui sont âgées. C’est pourquoi il est recommandé (2), pour infirmer ou confirmer le diagnostic, de mesurer la pression artérielle au domicile du patient par automesure (le plus souvent) ou par mesure ambulatoire (port d’un appareil de mesure pendant 24 h). L’auteure de la publication, Valérie Olié, épidémiologiste à Santé publique France, indique que des mesures à domicile étaient difficiles à faire dans le cadre de l’étude et qu’opter pour un protocole avec une seule mesure a permis de comparer avec des chiffres obtenus précédemment.
Un bon diagnostic prend du temps
L’hypertension est un facteur de risque : elle expose à des problèmes cardiovasculaires, mais sur le long terme. Il y a donc rarement urgence à la diagnostiquer. En pratique, votre médecin doit effectuer au moins deux mesures de la pression artérielle (au repos) par consultation, au cours de plusieurs consultations différentes et, en cas d’hypertension apparente, vous la faire vérifier avec des mesures au domicile. « Pour cela, l’assurance maladie offre la possibilité aux médecins de commander gratuitement un appareil pour qu’ils les prêtent aux malades », souligne le Dr Clarisse Dibao Dina, du Collège national des généralistes enseignants. Ce diagnostic est important pour mettre en place des traitements, éventuellement médicamenteux, à bon escient.
(1) « L’hypertension artérielle en France : prévalence, traitement et contrôle en 2015 et évolutions depuis 2006 », BEH, 24/04/18.
(2) « Prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte », Haute Autorité de santé, 09/16.