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Réseaux de soins

Nouvelle cible des médecins

Le 28 novembre 2012, l’Assemblée nationale doit examiner la proposition de loi qui donne aux mutuelles la possibilité de créer des réseaux de soins. Une mesure à laquelle les professionnels de santé se montrent très hostiles, craignant une nouvelle pression à la baisse sur leurs honoraires.

Décidément, rien ne résiste au lobby médical dès lors qu’il s’agit de défendre des intérêts  corporatistes. Après la partie de bras de fer entre les syndicats de médecins et d’internes et le gouvernement qui a abouti à un accord a minima, voire inopérant, sur les dépassements d’honoraires, les réseaux de soins de mutuelles sont aujourd’hui dans la ligne de mire des puissantes organisations professionnelles. C’est la proposition de loi (PPL 296) déposée par les députés socialistes qui a mis le feu aux poudres. Le texte en préparation a pour objectif de permettre aux mutuelles de mieux rembourser leurs adhérents lorsque ceux-ci se font soigner par des professionnels agréés dans le cadre d’un réseau de soins. Une pratique à laquelle certaines mutuelles ont déjà recours, en toute illégalité. Le code de la mutualité interdit en effet toute différence de prestation entre assurés ayant souscrit la même couverture. Mais cette règle ne s’applique pas pour les autres organismes complémentaires, compagnies d’assurance ou institutions de prévoyance. Il en résulte une situation ubuesque que la récente proposition de loi vise à corriger, en adaptant le code de la mutualité. « Elle doit permettre aux mutuelles de jouer pleinement leur rôle de régulateur », estime le groupe PS dans l’exposé des motifs. Les professionnels qui adhérent aux réseaux de soins mis en place par les mutuelles consentent des baisses de prix substantielles, en contrepartie d’un flux accru de clientèle. Jusqu’à présent, ces réseaux concernent essentiellement les secteurs de l’optique, du dentaire et des audioprothèses, peu ou pas remboursés par l’assurance maladie. « Pour les lunettes, les tarifs proposés pour une qualité similaire sont inférieurs en moyenne de 30 à 40 % sur les verres et de 10 % au minimum sur les montures, de l’ordre de 20 % sur les prothèses dentaires et de 40 % sur les équipements d’audioprothèses », précise Marianne Binst, directrice générale de Santéclair, une plateforme de management de la santé, filiale de plusieurs assureurs et mutuelles dont la Maaf et MMA. 

L’épouvantail de soins « low cost »

Un système gagnant-gagnant dans lequel les parties en présence – professionnels de santé, organismes complémentaires et assurés – trouvent leur compte. Mais les instances syndicales des professionnels de santé ont toujours été hostiles à ces réseaux, craignant qu’ils ne dissuadent les patients d’aller consulter ceux d’entre eux qui n’en font pas partie. Pour étayer leur position, les opposants à la proposition de loi agitent l’épouvantail de soins « low cost » et des risques de dérives à l’américaine de notre système de soins. Premier syndicat médical, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a ainsi dénoncé une volonté « de développer un conventionnement individuel avec les médecins libéraux, via des réseaux de soins obéissant à une logique de coût ». De leur côté, les internes avaient aussi sonné l’alarme sur le risque grandissant de mutualisation du système de soins et d’entrave au libre choix du praticien par le patient. Sous la pression, la ministre de la Santé Marisol Touraine a dû lâcher du lest. Cinq amendements à la proposition de loi ont été adoptés par la Commission des affaires sociales le 21 novembre 2012. Le texte amendé introduit ainsi une clause de sauvegarde de la liberté de choix du patient. Mais, surtout, il limite l’activité des plateformes de santé aux seuls secteurs de l’optique et du dentaire. La pratique de remboursements différenciés ne s’applique pas aux médecins. En clair, les organismes complémentaires ne pourront pas négocier les tarifs fixés par les praticiens « pour les actes et prestations qui sont remboursés » par l’assurance maladie obligatoire.

Débat instrumentalisé

Des concessions qui ne satisfont pourtant pas la CSMF qui estime que ce texte n’est toujours pas acceptable en l’état même si elle salue, dans un communiqué, « la sagesse des députés qui ont bien compris que les honoraires des médecins ne pouvaient faire l’objet d’aucun marchandage ». De son côté, le Centre national des professions libérales de santé (CNPS) exige que « cette disposition pertinente soit étendue à tous les libéraux de santé (infirmières, kiné, etc.) ». À l’inverse, la Mutualité française, qui regrette un débat « instrumentalisé », demande l’adoption de la loi telle que rédigée initialement, sans amendement, conformément aux engagements pris par François Hollande au congrès de la Mutualité. Mais la partie est encore loin d’être jouée, puisque la proposition de loi doit être examinée et votée en première lecture à l’Assemblée les 28 et 30 novembre 2012. D’ici là, le lobby de certains devrait jouer à plein.

Florence Humbert

Florence Humbert

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