Elsa Casalegno
Le Planet-Score pour combler les lacunes
Cet indicateur a l’objectif de compléter le score Agribalyse, socle d’un futur étiquetage environnemental officiel, en intégrant des critères tels que la biodiversité, la pollution des sols et de l’eau par les pesticides, le stockage du carbone par les prairies, etc. Explications.
Cet été, avec ses inondations en France et chez ses voisins d’Europe du Nord, et ses températures caniculaires partout ailleurs, a douloureusement rappelé à quel point les enjeux environnementaux deviennent cruciaux. Parmi les activités responsables du réchauffement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, la production de nos aliments figure en bonne place. Connaître leur empreinte écologique pourrait donc orienter les consommateurs vers des achats plus vertueux. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire de février 2020, ainsi que la loi climat votée en août dernier, prévoient d’instaurer un affichage environnemental obligatoire sur les aliments et le textile d’ici fin 2021-début 2022.
Mais calculer l’empreinte environnementale des produits alimentaires s’avère redoutablement compliqué. L’Agence de la transition écologique (Ademe) et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) ont élaboré un indicateur, Agribalyse, qui s’appuie sur la méthode de l’analyse du cycle de vie (ACV). Mais il présente un certain nombre de limites, aboutissant par exemple à avantager les productions intensives en sous-évaluant leurs impacts négatifs, mais aussi à sous-évaluer l’impact des pesticides sur la biodiversité et la santé humaine. Conscients de ces lacunes, les pouvoirs publics ont décidé de faire appel aux bonnes volontés pour y remédier, et le ministère de la Transition écologique a lancé un appel à projets au début de cette année. Plusieurs acteurs privés et associatifs y ont répondu et élaboré des propositions, parmi lesquels l’Institut technique de l’agriculture bio (Itab).
Prendre en compte la biodiversité, la santé humaine et le bien-être animal
Appuyé par 15 acteurs de la bio, de l’environnement et de consommateurs, dont l’UFC-Que Choisir (1), l’Itab a proposé un affichage environnemental dénommé Planet-Score. Cet affichage prend en compte plusieurs indicateurs oubliés ou sous-estimés par Agribalyse :
- l’impact des pesticides et des antibiotiques sur la santé humaine et l’environnement ;
- l’impact des modes de production sur la pollution de l’air et de l’eau ;
- l’impact des modes de production sur la biodiversité terrestre et marine ;
- le stockage du carbone par les prairies ;
- la déforestation importée, par exemple par les achats de soja utilisé dans l’alimentation animale ;
- la saisonnalité des productions (impact des serres chauffées sur la consommation d’énergie) ;
- le transport de denrées par avion ;
- l’emballage ;
- l’irrigation ;
- l’origine des différents ingrédients ;
- l’impact du mode d’élevage sur le bien-être animal.
Cette liste est relativement complète pour assurer un suivi exhaustif des différents enjeux environnementaux. Pour l’élaborer, l’Itab s’est appuyé sur l’expertise de scientifiques de l’Inrae et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), ainsi que sur l’avis d’associations et ONG, mais également d’acteurs de l’agroalimentaire.
Concernant le logo, l’Itab propose d’afficher une note globale – de A (la meilleure) à E (la moins bonne) – détaillée par trois « sous-notes » pesticides, biodiversité et climat. Une quatrième évaluation, basée sur les recommandations élaborées par le CIWF, porte sur le respect du bien-être animal.
Un choix très politique
L’Ademe doit évaluer les différentes propositions d’ici fin octobre. À notre connaissance, seulement 5 projets parmi les 18 déposés proposent un dispositif complet d’affichage environnemental, parmi lesquels l’Éco-Score, que nous avions déjà décrit. Un rapport complet doit être rédigé d’ici la fin de l’année.
Ce sera ensuite aux ministères de la Transition et de l’Agriculture de déterminer à quoi ressemblera le futur affichage environnemental officiel : sélection des différents indicateurs, et surtout leur pondération. Par exemple, est-ce l’émission de gaz à effet de serre ou la biodiversité qui doit peser le plus lourd dans la note finale ? Un choix éminemment politique, qui aboutira à favoriser un système plutôt qu’un autre : la production intensive si le carbone pèse plus lourd dans la note globale, ou à l’inverse la production extensive ou bio si la biodiversité et les pollutions diverses sont prépondérantes.
Des scores très différents
Le Planet-Score appliqué à quelques aliments donne des résultats parfois à l’opposé de ceux d’Agribalyse (2). Voici deux exemples parlants, du lait et des pommes.
(1) La Fédération nationale d’agriculture biologique, Ingénieurs sans frontières, Bio Consom’acteurs, Générations futures, Natex’Bio, le Syndicat national d’apiculture, Terre d’abeilles, Agir pour l’environnement, Bee friendly, Synabio, CIWF France, France nature environnement, WWF.
(2) L’Ademe rappelle qu’Agribalyse est un indicateur à compléter, et qu’il n’a pas vocation à être affiché tel quel.