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Entente illégale

Le consommateur roulé dans la farine

Les meuniers français s’entendent sur les prix depuis pratiquement un demi-siècle, selon une décision rendue le 13 mars par l’Autorité de la concurrence. Et depuis le début des années 2000, ils avaient conclu un « pacte de non-agression » avec les Allemands. À la clé, des amendes très lourdes.

C’est un record de longévité. Les meuniers français se concertent depuis 1965 sur les prix de la farine vendue en sachet, et ils ont aggravé leur situation en nouant un pacte secret de non-agression envers leurs concurrents allemands entre 2002 et 2008. Informée par un meunier allemand qui souhaitait bénéficier de la clémence réservée au dénonciateur, l’Autorité de la concurrence s’est saisie de l’affaire en 2008 (elle s’appelait alors le Conseil de la concurrence). Elle vient de rendre sa décision. Et elle est sévère. L’entente franco-allemande est sanctionnée à hauteur de 95,5 millions d’euros, et l’entente franco-française à hauteur de 146,9 millions répartis entre sept meuniers. Leurs noms sont peu connus du grand public (1), tout comme celui de la structure commune qu’ils ont créée en 1965, France Farine. La marque du groupement France Farine, en revanche, est une star des linéaires : Francine. Si vous avez moins de 70 ans, vous ne l’avez probablement jamais payée à son vrai prix.

L'Autorité de la concurrence n’est pas en mesure d’évaluer le surcoût imposé au consommateur sur toute la durée de l’entente, mais elle estime que le kilo de farine au détail a été majoré de 11 % pour une année analysée en profondeur, 2006. L’entente portait également sur les farines sous marque de distributeur (MDD). Les adhérents de France Farine s’entendaient en effet face aux appels d’offres des centrales d’achat visant à choisir des fournisseurs de MDD.

Entente internationale

Bref, selon l’Autorité (qui dispose de nombreux courriels et comptes rendus de réunion saisis lors des perquisitions), les prix de gros en France étaient totalement sous contrôle. Quant au cartel (autrement dit, une entente secrète) noué avec les Allemands, il visait à ce que chacun s’abstienne de concurrencer l’autre sur son marché.

France Farine a été dissoute en janvier dernier et la marque Francine a été rachetée par le groupe Nutrixo. Épilogue ? Loin de là. Les investigations se poursuivent en Allemagne, mais aussi en Belgique et aux Pays-Bas. Côté français, l’Autorité doit rendre prochainement un avis concernant une entente sur la vente de farine aux boulangers. Les sommes en jeu sont considérablement plus élevées que celle du marché de la farine au détail, relativement anecdotique. Les meuniers feront probablement appel des amendes déjà prononcées mais, sans jeu de mots, ils semblent dans le pétrin.

Compte tenu de l’ampleur et de la durée de l’entente, il paraît fort étonnant que les acheteurs de la grande distribution n’aient jamais rien remarqué. « Pour un produit de base à faible marge comme la farine, la grande distribution a probablement privilégié la sécurité d’approvisionnement et la simplicité des contacts avec l’interlocuteur unique qu’était France Farine », relève un membre de l’Autorité de la concurrence.

(1) Pour les français : Axiane meunerie, Euromil Nord, Grands Moulins de Paris, Grands Moulins Storione, Grands Moulins de Strasbourg, Minoteries Cantin, Moulins Soufflet.

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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