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Thons en conserve

Les ravages d’une pêche non durable

La nouvelle campagne de Greenpeace s’attaque au thon en boîte de conserve que 9 Français sur 10 ont dans leur placard. En cause, des techniques de pêche destructrices qui mettent à mal la ressource et les écosystèmes marins. 

« Que cache votre boîte de thon ? » En posant cette question, Greenpeace entend alerter l’opinion sur les pratiques destructrices de la pêche industrielle des thonidés dans les mers chaudes. Loin des campagnes précédentes qui ciblaient la surpêche du thon rouge, certes reconnu comme le roi des thons, mais qui reste une denrée élitiste en raison de son prix, l’ONG se focalise cette fois sur les espèces bon marché qui remplissent les boîtes. Car si l’état des stocks de thons rouges en Méditerranée semble aujourd’hui en nette amélioration, suite à des plans de gestion drastiques, c’est la situation de leurs cousins tropicaux, l’albacore (ou thon jaune), le listao (bonite) et le patudo (thon obèse) qui devient plus préoccupante. Afin de faire un état des lieux, Greenpeace a envoyé un questionnaire aux dix premières marques de thon qui représentent à elles seules plus de 75 % des ventes en France. Les questions portaient sur plusieurs critères, tels que les espèces de thons pêchées, les techniques de pêche utilisées, ou encore les mesures prises pour éviter le recours à la pêche illégale… Résultat : sur les neuf entreprises qui ont répondu, seules deux d’entre elles, Phare d’Eckmühl et Système U, figurent parmi les bons élèves. « Elles s’approvisionnent en majorité ou en totalité grâce à une méthode de pêche sélective, la canne ou la ligne de traîne, et utilisent des thons provenant de stocks qui sont en bon état, comme le thon listao », estime Greenpeace dans un communiqué. Carton rouge, en revanche, pour les plus grandes marques (Carrefour, Auchan, Intermarché, Connétable, Saupiquet, Petit Navire, Casino) dont « l’approvisionnement repose essentiellement sur une pratique de pêche destructrice », utilisant « des dispositifs de concentration de pêche ou DCP», déplore Greenpeace. En effet, ces radeaux-appâts attirent les poissons ainsi qu’une foule d’animaux marins. Les thoniers industriels viennent ensuite déployer leurs filets autour des DCP et ramassent tout ce qui s’y trouve, les thons adultes qui constituent leur cible mais aussi tout le reste : les thons juvéniles, les tortues de mer, ou les requins qui gravitent dans les environs. Autant de victimes collatérales qui meurent inutilement, alors qu’elles sont essentielles à la santé des océans. Les professionnels de la pêche au thon commencent eux-mêmes à s’inquiéter de la multiplication incontrôlée de ces engins depuis les années 1990. Car les DCP ne permettent pas de faire le tri entre les thons capturés. « Beaucoup n’ont pas encore atteint l’âge de la reproduction. Là c’est le socle même de la ressource que l’on attaque », s’alarmait Yvon Riva, le président d’Orthongel, l’organisation française des producteurs de thon congelé et surgelé, dans le journal Les échos du 7 octobre dernier. Depuis deux ans, ces armements ont d’ailleurs décidé de donner l’exemple en s’autolimitant à 200 DCP par bateau, « là où les autres flottilles en utilisent parfois plus de 1 000 », précisent-ils, visant, sans les nommer, leurs concurrents espagnols. Mais ces derniers sont d’autant moins enclins à réduire le nombre de ces engins qu’ils ont fortement investi dans des bateaux-usines de très grande taille (115 mètres).

Faute de pouvoir les interdire, Greenpeace demande aux marques françaises d’arrêter de s’approvisionner en thon pêché avec des DCP. « Nous ne demandons pas l’impossible. Certaines entreprises françaises pratiquent déjà la pêche à la senne sans DCP pour le thon albacore. C’est également le cas dans d’autres pays, comme au Royaume-Uni ou en Italie, où les marques John West et Mareblu se sont engagées à vendre 100 % de thon pêché à la canne ou sans DCP d’ici 2016 ». Sauf que Greenpeace oublie de préciser l’impact non négligeable de ces techniques de pêche moins intensives sur le prix des produits. Par exemple, le prix du thon albacore au naturel de la marque Phare d’Eckmühl, la mieux notée par Greenpeace, atteint 26,25 €/kg contre 16,24 €/kg pour Petit Navire, classé sévèrement par l’ONG. Le thon en boîte, source de protéines de bonne qualité pour les ménages les plus modestes, est-il condamné à devenir un produit de luxe ? C’est ce qui risque d’advenir si l’on ne gèle pas rapidement le nombre de DCP utilisés par les navires jusqu’à ce que leur impact sur la ressource ait été évalué par les comités scientifiques des organisations régionales de la pêche. 

Florence Humbert

Florence Humbert

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