Perrine Vennetier
Sans sucres... mais pas anodins pour la santé
En théorie, les édulcorants ont tout bon : le goût du sucre sans les effets néfastes du sucre. Mais en pratique, ces additifs alimentaires n’ont pas démontré leur intérêt pour la santé notamment des personnes en surpoids ou diabétiques. Et il est de plus en plus clair qu’ils ont un impact sur le métabolisme.
Sur les emballages, la mention « sans sucres » est devenue un argument marketing. Il est vrai qu’une consommation importante de sucre est néfaste, tant pour le tour de taille que pour le cœur. Mais les personnes soucieuses de leur santé, en surpoids ou diabétiques, ont-elles quelque chose à gagner avec ces produits « sans sucres » ? Rien n’est moins sûr. Car ils contiennent souvent divers édulcorants. Ces additifs alimentaires sont censés remplacer le sucre (goût, matière) sans provoquer ses effets sur le métabolisme (apport calorique, sécrétion d’insuline, impact sur la glycémie, etc.). Le beurre et l’argent du beurre en somme ! Mais la réalité n’est pas aussi idyllique.
Les édulcorants intenses en partie perçus comme du sucre
Appelés aspartame, acésulfame, sucralose, les édulcorants intenses sont des centaines de fois plus sucrants que le sucre. On les utilise en si petites quantités qu’ils délivrent un nombre de calories négligeable. Pour autant, ils n’ont pas un effet nul sur le métabolisme. Chez l’animal, des études ont montré que certains de ces édulcorants influent sur la production d’hormones (GLP-1) stimulant la sécrétion d’insuline, augmentent les transporteurs du glucose et/ou induisent des changements dans la flore intestinale (microbiote). Toutes ces modifications sont impliquées dans la régulation du taux de sucre dans le sang. Chez les humains, on a constaté que les personnes qui consommaient le plus d’édulcorants étaient plus à risque de diabète. Cela ne signifie pas que ceux-ci sont responsables du diabète (c’est plutôt parce que ces personnes sont à risque de diabète qu’elles prennent des édulcorants). Mais cela rappelle que la consommation d’édulcorants n’a pas d’effet bénéfique démontré sur le contrôle du poids ou du diabète – ce qui est quand même censé être leur raison d’être. Bref : pas d’effet positif avec des suspicions d’effet négatif, on peut s’en passer.
Les édulcorants de charge, caloriques quand même !
Dans les produits « sans sucres », on trouve aussi des édulcorants dits de charge (isomalt, maltitol, sorbitol). Leur goût sucré est proche de celui du sucre mais ils sont deux fois moins caloriques. Ils apportent ainsi du volume au produit. L’Agence européenne de l’alimentation leur a accordé le droit de dire qu’ils réduisaient la réponse glycémique. C’est un effet intéressant pour la santé. Mais attention, à plus de 30 g par jour, ils ont aussi un effet laxatif. Et surtout, cela ne doit pas faire oublier qu’ils sont malgré tout caloriques. Ainsi les bonbons Ricola Eucalyptus « sans sucres » (contenant de l’isomalt, du sucralose et de l’acésulfame K) apportent-ils pas moins de 235 kcal/100 g.
Arrière-goût de fausse promesse
De même, les biscuits choco fondant Gerblé (contenant du maltitol et du sucralose) « sans sucres ajoutés » apportent 447 kcal/100 g, seulement 10 % de moins que la moyenne des biscuits secs nappés de chocolat. Les glaces vanille en cône « sans sucre ajouté » Toupargel (contenant de l’isomalt et du sucralose), décrites comme « idéales pour les diabétiques », s’affichent à 237 kcal/100 g. La mention « sans sucres » laisse penser, à tort, qu’on peut consommer sans modération ces produits ultratransformés. Il vaut sans doute mieux du vrai sucre de temps en temps que du faux sucre tout le temps.
L’avis de Que Choisir sur les additifs édulcorants
Peu recommandables : il est préférable d’éviter de les consommer
- Acésulfame potassium, acésulfame K (E950)
- Aspartame (E951)
- Acide cyclamique (E952)
- Saccharine et ses sels de sodium et de calcium (E954)
- Sel d’aspartame-acésulfame (E962)
Tolérables : il est préférable d’en faire un usage modéré
- Isomalt (E953)
- Sucralose (E955)
- Glycosides de stéviol (E960)
- Maltitol (E965)
- Thaumatine (E957)
- Néotame (E961)
- Lactitol (E966)
- Xylitol (E967)
- Érythritol (E968)
- Advantame (E969)
- Néohespéridine DC, dihydrochalcone de néohespéridine, NHDC (E959)
- Sirop de polyglycitol (E964)
Aspartame, acésulfame K, acide cyclamique…
Pourquoi il faut les éviter de préférence
Pour établir son classement des additifs, Que Choisir a passé en revue des publications scientifiques internationales et les avis de différentes autorités sanitaires. Sur cette base, elle a établi un classement allant du rouge (à éviter) au vert (acceptable). Chez les édulcorants, 5 additifs ont été classés orange, c’est-à-dire qu’il est préférable de les éviter.
Première raison, commune à tous : ils n’ont pas d’intérêt.
Les édulcorants intenses n’ont pas prouvé d’effet bénéfique pour la santé : ni pour aider les personnes qui doivent perdre du poids à maigrir ni pour aider les diabétiques à contrôler leur glycémie. À minima, il n'y a donc aucun avantage à consommer des édulcorants intenses.
Deuxième raison, pour certains : des doutes sur leur innocuité.
L'acésulfame K. Des études évoquant un effet cancérogène ont été publiées. Les autorités de santé ne les ont pas considérées comme suffisantes pour établir le risque mais il subsiste un doute et une controverse sur l’autorisation initiale de cet additif. De plus, de récents travaux ont pointé un lien entre la consommation d'édulcorants intenses et la perturbation de la flore intestinale, engendrant divers déséquilibres métaboliques.
L’aspartame. Très conversé, cet édulcorant a été accusé de divers effets néfastes pour la santé (céphalées, épilepsie, tumeurs au cerveau, etc.). Sa cancérogénicité n’est pas établie mais pas totalement écartée. Des études récentes suggèrent un lien entre la consommation d'édulcorants intenses et la perturbation de la flore intestinale, engendrant un trouble de la régulation du glucose.
Enfin, la dégradation de l'aspartame entraînant la production de phénylalanine, les produits en contenant doivent mentionner « contient de la phénylalanine ». Les consommateurs souffrant de phénylcétonurie ne doivent pas en consommer.
Le sel d'aspartame acésulfame. C’est un mélange d'aspartame et d'acésulfame K. Il est donc entaché des suspicions propres à ces deux composants.
L'acide cyclamique et ses sels. Comme l'aspartame, les cyclamates sont sujets à polémique. Chez certains sujets, une fraction du cyclamate absorbé peut être convertie en cyclohexylamine. Or il a été montré que le cyclohexylamine dégradait le tissu testiculaire et le sperme chez les animaux. Des études menées chez l'homme n'ont cependant pas révélé d'effet nocif sur la fertilité. La Commission européenne a néanmoins réduit la dose journalière admissible (DJA) de l'additif et retiré l'autorisation d'emploi dans plusieurs denrées alimentaires.
La saccharine. Dans les années 1970, la soumission à des doses élevées de saccharine de rats de sexe mâle a été corrélée à l'observation de cancers de la vessie. Ces résultats n'ont pas été confirmés. Par ailleurs, il semble que la saccharine perturbe le microbiote intestinal.