Morgan Bourven
Une vingtaine de dispositions abusives dans les contrats de Sixt
L’UFC-Que Choisir a obtenu du tribunal de grande instance de Beauvais l’annulation de 23 dispositions abusives contenues dans les conditions générales de location de la société Sixt. Elles concernent notamment les conditions de restitution des clés du véhicule, les garanties en cas de sinistres et plusieurs frais annexes.
Dans un jugement du 29 janvier 2018, le tribunal de grande instance (TGI) de Beauvais (Oise) a estimé que 23 dispositions contenues dans 16 articles des conditions générales de location (CGL) des contrats conclus entre la société Sixt et les consommateurs sont illicites ou abusives et doivent être supprimées des contrats.
Sixt avait été assignée par l’UFC-Que Choisir suite à une étude juridique menée courant 2015 par l’association. Elle avait analysé les contrats de plusieurs loueurs et décidé d’attaquer le moins vertueux d’entre eux : 35 clauses présentes dans les contrats de Sixt étaient ainsi jugées problématiques.
Pas de responsabilité du locataire en cas de véhicule rendu lorsque l’agence est fermée
L’une des principales clauses dénoncée par l’UFC-Que Choisir concerne le rendu du véhicule en dehors des horaires d’ouverture de l’agence de location. Le contrat stipule que dans ce cas, le client « le fait à ses risques et périls » et que le véhicule « reste sous [sa] responsabilité jusqu’à l’ouverture de l’agence ». Pour le tribunal, cette clause met à la charge du locataire la responsabilité d’un problème, « même dans le cas où le sinistre éventuellement occasionné au véhicule ne lui serait pas imputable » et est donc abusive. Le TGI estime qu’en cas de stationnement sur le parking de l’agence et de restitution des clés dans la boîte aux lettres dédiée à cet usage, « le client dessaisi du bien n’en a plus la garde juridique ».
Plusieurs clauses liées aux sinistres retoquées
La principale peur du consommateur, lorsqu’il loue un véhicule, est de l’endommager. Et à en croire le jugement du TGI, en cas de problème, il était loin d’être en position de force face à Sixt. Le tribunal a, notamment, jugé abusives l’obligation pour le consommateur de réparer tout dommage aux pneumatiques et/ou jantes « à ses frais » ; une clause qui laisse entendre que le consommateur peut réaliser à ses frais une contre-expertise en laissant peser sur lui une responsabilité qui n’est pas établie ; une clause qui impose une information des autorités dans un délai très court en cas de sinistre ; une autre qui prévoit, en cas de vol, la déchéance du bénéfice de l’assurance en cas de déclaration tardive.
Le TGI a analysé la possibilité donnée par Sixt de souscrire une assurance optionnelle et payante relative aux garanties couvrant les dommages corporels du conducteur et des passagers du véhicule. Or, cette assurance correspond en fait à la responsabilité civile… obligatoire et incluse nécessairement dans le contrat de location. Cette offre optionnelle est donc illicite.
Sixt prend trop ses aises sur les frais
Le loueur a aussi été condamné à retirer de ses contrats l’article prévoyant la facturation de toute journée commencée sans prévoir la possibilité d’invoquer un motif légitime d’empêchement de la part du locataire ; la double sanction en cas de paiement tardif (par l’allocation d’une clause pénale et d’une indemnité forfaitaire de recouvrement) ; mais aussi le paiement de frais en cas d’émission d’une facture papier.
Concernant le carburant, le TGI a déclaré abusif le fait que le consommateur ne soit pas informé de la méthode de calcul permettant de déterminer le montant dont il devra s’acquitter s’il rend le véhicule le réservoir vide.
En cas d’annulation d’une réservation, des pénalités excessives
Les CGL de Sixt prévoient qu’en cas d’annulation d’une réservation prépayée, le prix de la location est remboursé, après déduction d’un montant correspondant à trois jours de location. Le tribunal estime que cette clause est abusive, le loueur se trouvant dans la possibilité de relouer le véhicule.
Pis, les conditions de Sixt stipulent que si le consommateur ne se présente pas dans un délai de 60 minutes après l’heure prévue de prise de possession du véhicule, « le prix de la location déjà versé restera acquis au loueur dans son intégralité ». Cette clause est abusive car « excessive », juge le TGI, dans la mesure où la durée de réservation peut s’étendre jusqu’à 42 jours.
Des clauses présentes chez plusieurs loueurs
Autre clause repérée chez d’autres loueurs, celle interdisant le « transport de toute matière inflammable ». Elle est déclarée abusive dans la mesure où elle pourrait exclure « le transport d’objets usuels », comme une bouteille d’alcool, d’huile minérale ou une recharge de gaz.
Certaines des clauses déclarées abusives ou illicites par le TGI ne sont pas spécifiques à Sixt et se retrouvent chez d’autres loueurs de voitures parmi les contrats analysés par l’UFC-Que Choisir. C’est le cas de la clause relative aux conditions de restitution des clés du véhicule, celle prévoyant une participation aux frais d’immatriculation, etc. Cette condamnation de Sixt devrait donc inciter l’ensemble du secteur à revoir ses contrats.
La décision du tribunal de grande instance de Beauvais n'étant pas définitive, Sixt a fait appel.
Mise à jour
La société Sixt, après avoir relevé appel de la décision le 26 février 2018, s’est désistée de son appel en juillet 2018. Le jugement est donc définitif.