Fabrice Pouliquen
Une étude sur les baisses réelles de consommation
Dans une étude récemment publiée, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) a comparé avant et après travaux les consommations réelles d’énergie de plus de 9 000 logements sociaux parisiens rénovés ces dernières années. Un travail inédit mais aux conclusions à manipuler avec précaution.
C’est une question que l’on se pose forcément en se lançant dans la rénovation énergétique de son logement, d’autant que ces travaux se chiffrent souvent à plusieurs milliers d’euros : de combien la consommation de gaz ou d’électricité va-t-elle baisser ?
Pas simple d’y répondre tant les situations varient en fonction du profil du logement, des gestes de rénovation entrepris et même des habitudes des occupants. L’étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), publiée le 5 mars, donne un premier ordre d’idée. L’association, chargée de suivre les évolutions sociétales et architecturales dans le Grand Paris, s’est penchée sur l’évolution des consommations avant et après travaux de 9 162 logements sociaux parisiens qui ont fait l’objet de rénovations complètes dans le cadre du plan climat parisien entre 2012 et 2020. Une étude d’une ampleur inédite en France rendue possible par la récente mise à disposition par les services statistiques de l’État des données locales de consommation énergétique réelles jusqu’à la maille fine de l’adresse.
28 % de moyenne… mais avec des disparités importantes
La consommation d’énergie de ces logements a baissé en moyenne de 28 % entre les 3 années précédant les travaux et les années suivantes. « Par logement, cela correspond en moyenne à une consommation évitée de 2 236 kWh par an, soit une économie de 200 à 450 € par an et par ménage selon l’énergie de chauffage utilisée (en considérant les prix de l’énergie en 2023) », précise l’Apur.
Les logements rénovés équipés de système de chauffage individuel enregistrent globalement des baisses de consommation plus importantes, proches de 30 %. Le mode de chauffage joue beaucoup également.
- Pour les logements raccordés au réseau de chauffage urbain (57 % du panel), la baisse moyenne constatée est de 18 % (1) ;
- elle est de 25 % pour ceux chauffés au gaz collectif (19 % du panel) ;
- de 28 % pour ceux chauffés au gaz individuel (12 % du panel) ;
- et va jusqu’à 31 % pour les logements équipés de chauffage électrique (12 % du panel également).
Anne-Marie Villot, ingénieure chargée d’étude à l’Apur, avance deux raisons pour expliquer ces consommations plus faibles dans les logements chauffés à l’électricité : « Non seulement cette énergie se pilote plus facilement ‒ on peut aisément couper le chauffage en partant de son domicile ‒, mais elle est aussi très chère, ce qui incite à plus de sobriété. »
L’isolation par l’extérieur particulièrement efficace ?
Autre observation de l’Apur : l’isolation thermique par l’extérieur (ITE) d’un bâtiment, un geste de rénovation pas possible partout et encore moins à Paris pour des raisons de préservation du patrimoine architectural, permet pourtant d’améliorer nettement les gains d’économie d’énergie des bâtiments. « On a constaté des écarts entre -10 % et -40 % entre deux bâtiments d’année de construction comparable et avec un même mode de chauffage, mais dont l’un a pu être isolé par l’extérieur et l’autre non, indique Gabriel Sénégas, également ingénieur à l’Apur et coauteur du rapport. L’ITE a aussi d’autres avantages sur l’amélioration du confort d’été ou la bonne évaporation de la vapeur d’eau, qui permet d’éviter certaines pathologies pouvant survenir sur le bâti ancien après isolation. »
Faut-il pour autant réviser les règles d’urbanisme pour faciliter la réalisation d’isolation thermique par l’extérieur à Paris ? L’Apur ne va pas jusque-là. « Il y a de multiples façons de faire ces ITE, certaines plus recommandables que d’autres, commence Gabriel Sénégas. Et on observe aussi que là où elle n’est actuellement pas permise, par exemple pour les habitations à bon marché (HBM) de la ceinture de Paris, des solutions d’isolation par l’intérieur très efficaces ont pu être trouvées. »
Ne pas s’arrêter aux pourcentages
D’une manière générale, Gabriel Sénégas et Anne-Marie Villot invitent à la prudence dans les conclusions qui pourraient être tirées de leur étude. « Il ne faut pas regarder que les pourcentages de baisse de consommation, insiste le premier. Si on prend l’exemple des logements raccordés au chauffage urbain, la réalisation de travaux génère des économies d’énergie importantes du fait de niveaux de consommation de départ élevés et ce malgré une baisse de consommation après travaux moyenne de seulement 18 %. »
Autre exemple : l’effet rebond. Plusieurs études, notamment à l’étranger, ont pointé cette tendance des occupants, après rénovation de leur logement, à augmenter leurs consommations d’énergie pour gagner en confort plutôt que de rester à un niveau équivalent pour chercher à faire baisser la facture. L’Apur n’a pas constaté cet effet rebond, mais rappelle que son étude « s’est focalisée sur le parc social, à Paris, en 2022 au moment où les prix de l’énergie ont commencé à exploser ». « D’ailleurs, les baisses de consommation plus importantes dans certains logements, notamment ceux chauffés à l’électricité, peuvent traduire une aggravation de la précarité énergétique des occupants plutôt qu’une amélioration des performances énergétiques du logement », souligne Anne-Marie Villot.
Affaire à suivre. Cette première étude est à enrichir, indique bien l’Apur dans ses conclusions. Elle appelle d’ailleurs à la mise en place d’un suivi régulier des consommations énergétiques réelles des logements du parc social parisien, rénovés ou non. Et pas seulement social au passage. « Un deuxième volet va être lancé, cette fois-ci portant sur des logements du parc privé parisien », annonce Anne-Marie Villot. La publication est prévue cet automne.
Lire aussi
(1) Une installation de chauffage urbain, aussi appelée réseau de chaleur, est constituée de canalisations qui permettent d’acheminer vers un ensemble de bâtiments de la chaleur produite localement, à partir d’énergies renouvelables ou de récupération.