Laurence Boccara
Du bon usage de la banque en ligne
Les banques en ligne mettent toujours en avant leurs nombreux tarifs gratuits. Pour un consommateur, choisir ces établissements plutôt qu’une banque classique constitue une vraie économie dans la gestion de son compte. Toutefois, certains frais bancaires payants subsistent.
Depuis qu’elles ont déboulé sur le marché français il y a maintenant dix-sept ans, elles en ont fait leur marque de fabrique ! Les banques en ligne cassent les prix en matière de frais bancaires. Et c’est toujours vrai. Selon l’étude « Vous et votre banque » de l’Observatoire de la consommation de Que Choisir ces frais ont globalement progressé de 3 % entre 2015 et 2016. Le montant moyen des frais bancaires (d’une banque principale) en 2016 s’élevait à 118 €. Avec une distinction : la facture se monte à 121 € dans une banque de réseau et à 59 € au sein d’une banque en ligne.
Au chapitre de la banque au quotidien, dans tous les classements et palmarès, elles battent toujours à plates coutures leurs aînées, les banques de guichets des réseaux nationaux ou mutualistes. « Nos tarifications sont simples, claires et transparentes », affirme Marie-Cécile Plessix, directrice générale d’Axa Banque. « Près de 60 % de nos clients ont payé zéro frais bancaire en 2016 », souligne Grégory Guermonprez, directeur France de Fortuneo. Ces tarifs s’expliquent par un modèle économique minimaliste : aucune agence en « dur », pas de conseiller attitré, des sociétés à taille humaine, des innovations technologiques et surtout des opérations du quotidien gratuites (virements, commande de chéquier, édition de Rib) réalisées par le client lui-même grâce à son ordinateur, sa tablette ou son téléphone. Il y a certes des plates-formes téléphoniques ouvertes six jours sur sept du matin au soir pour ceux qui ont besoin d’obtenir un conseil ou un renseignement. Mais avec l’explosion récente du digital dans nos modes de vie, avec un smartphone en main et une application mobile dédiée, gérer ses comptes bancaires en solo et à distance est devenu un jeu d’enfant. Face à cette dynamique inédite, les néobanques surfent bien évidemment sur ces nouvelles habitudes de gestion des finances en ligne. On relève trois enseignes (compte Nickel, C-Zam, N26), qui ne sont pas à proprement parler des banques, c’est-à-dire qu’elles ne font pas de crédit et n’accordent pas de découvert. Leur spécialité ? Proposer une ouverture rapide d’un seul compte courant assorti d’un Rib et d’une carte de paiement, sans engagement, sans condition de revenu, ni d’épargne. C’est ce qui les différencie des « vieilles » banques en ligne. Quelques documents officiels (pièce d’identité, justificatif de domicile) scannés suffisent pour créer un compte à l’aide de son mobile. Ces banques jouent la carte du numérique, la simplicité d’usage et la modération des coûts. L’impossibilité de découvert empêche tout dérapage. Et ce n’est pas si mal puisqu’un compte dans le rouge pèse pour un tiers dans la facture totale des frais bancaires !
Une ouverture en quelques clics
Ouvrir un compte dans ces banques s’effectue en dix minutes et quelques clics. Réalisé à partir d’un terminal fixe ou mobile, le « parcours de souscription » se veut simple, fluide et sécurisé. Quant à l’ergonomie du site ou de l’application mobile, elle est volontairement fonctionnelle, lisible et facile d’utilisation. C’est cette révolution du numérique qui donne aujourd’hui un nouvel élan à ces banques en ligne. Et on n’y trouve pas que des trentenaires actifs, urbains, souvent boursicoteurs. Des jeunes aux retraités en passant par les personnes sans revenus fixes et même les interdits bancaires ou fragiles (notamment le compte Nickel) sont friands de ces offres à frais réduits qui proscrivent le package (offres payantes groupées de services) et facturent le minimum. « On constate que les clients des banques en ligne qui paient peu cher leurs services sont généralement plus satisfaits de leurs établissements que ceux des banques de réseau qui déboursent davantage », souligne Joan Burkovic, président de Bankin’. La moindre fréquentation des agences physiques par les particuliers, la valse des conseillers, désormais plus commerciaux que financiers, font que nombreux sont ceux qui ne trouvent plus leur compte dans les banques traditionnelles.
Un point commun : le cadeau !
C’est un grand classique marketing de la banque en ligne : le présent de bienvenue ! Dans la majorité de ces enseignes, si vous êtes nouveau client d’un compte courant, vous vous voyez gratifier d’une somme de 80 € et parfois davantage en période de promotion. Et pour peu que vous soyez parrainé par une personne déjà cliente de la banque, cette dernière se voit elle aussi attribuer une prime de récompense allant de 100 à 150 € par filleul selon les offres commerciales du moment. Autres points communs de ces acteurs en ligne qui les distinguent des réseaux physiques : aucun n’exige de devenir la banque principale, ni n’oblige la domiciliation des revenus. Beaucoup ne facturent pas de frais de tenue de compte ni de commissions d’intervention en cas de découvert non autorisé. Tant mieux, car les tarifs de ces deux dernières opérations ont flambé, ces dernières années, dans les banques traditionnelles. Une chose est sûre : une banque en ligne ne vous taxera jamais (sauf Axa Banque, compte Nickel) en cas de « retraits déplacés », c’est-à-dire lorsque vous sortez de l’argent dans les distributeurs automatiques de billets (Dab) des autres réseaux. Or, c’est un filon en or pour les établissements bancaires, qui limitent à la portion congrue le nombre de retraits autorisés dans les Dab de la concurrence. Enfin, les cartes de paiement reliées au compte courant sont presque toujours offertes, à quelques exceptions près (voir tableau). Toutefois, chez certaines, pour vraiment bénéficier de cette gratuité, il faut réaliser un nombre minimum de paiements avec sa carte (et pas de retraits) par mois ou par trimestre. Sinon, vous serez ponctionné (15 €/trimestre chez BforBank, 10 € et 20 € chez Fortuneo selon la carte). Chez Axa Banque, on n’hésite pas à prélever 15 ou 30 € par trimestre lorsque les dépenses de cartes sont inférieures à 900 € par trimestre ou 3 600 € par an. C’est une façon plus subtile de se rémunérer (Axa Banque, Monabanq). Pour mémoire, les cotisations annuelles des cartes bancaires des banques traditionnelles sont quant à elles salées : 102 € en moyenne pour une carte internationale, 159 € pour une carte Premier/Gold et 238 € pour une carte Infinite/Platinium.
Un revenu minimum
Toutefois, pour devenir titulaire d’un compte courant et disposer d’une carte de paiement, il y a souvent des conditions (voir tableau). À l’ouverture du compte, le titulaire doit bénéficier d’un revenu minimum de 750 € nets/mois (Axa Banque) ou de 1 200 € nets/mois (Fortuneo). À défaut, il lui faudra posséder une épargne « maison » de 2 400 € (BforBank) à 5 000 € (Fortuneo, Hello Bank, ING Direct, Boursorama Banque). Si la gratuité concerne une longue liste de services et d’opérations courantes, ces établissements n’hésitent par ailleurs pas à facturer, parfois même au prix fort, certains actes ou demandes particulières.
Parmi ces frais, certes mentionnés mais souvent relégués aux dernières pages des conditions tarifaires, on trouve : la commande d’un chéquier auprès d’un conseiller téléphonique ; le relèvement des plafonds de sa carte avec l’aide d’un conseiller. « En résumé, pour payer peu ou pas du tout, mieux vaut avoir un revenu régulier, être autonome et indépendant, c’est-à-dire gérer son compte sans aucune aide », indique Guillaume Clavel, président de Panorabanques.com.
Autres services payants relevés : l’envoi en recommandé d’un carnet de chèques à domicile ; le remplacement de la carte avant son échéance ; le renvoi du code secret de la carte ; les frais de rejet d’un prélèvement automatique, d’un chèque et les découverts non autorisés. Mais là où les banques à distance vous coûtent le plus, c’est lors de la souscription de l’assurance moyens de paiement, une protection facultative bien utile en cas de perte ou de vol de sa carte ou de son chéquier. Selon les enseignes, cette cotisation annuelle oscille entre 11 € et 30 €. Mais c’est bien sûr grâce aux placements financiers (assurance vie, livret d’épargne) et aux prêts en tous genres (notamment immobiliers) que les banques réalisent leurs marges.
Le grand écart des frais
Lancées avec une offre simple volontairement minimaliste, les banques en ligne ont au fil du temps tissé leur toile. Elles ont complété leur gamme de placements et de services financiers. Depuis peu, quelques enseignes (Boursorama, ING, Monabanq) ont démocratisé leur offre et lancé la possibilité de souscrire un compte courant sans condition de revenu au prix de 1,5, 3 ou 5 €/mois.
Poste lucratif pour les établissements, les crédits en tous genres essaiment dans les banques en ligne avec un processus de demande 100 % en ligne rapide et simplifié. Ainsi, le prêt personnel et le crédit renouvelable sont devenus monnaie courante (sauf chez Fortuneo). Et, depuis trois ans, le crédit immobilier souscrit à distance est devenu un « must » chez les grands acteurs du secteur. En matière de placements financiers, il y a bien sûr les vedettes que sont l’assurance vie et les livrets bancaires, mais d’autres solutions d’investissement apparaissent. Il y a l’achat de parts d’OPCI et SCPI. « Mais pour la pierre papier, c’est encore beaucoup de papiers et pas mal de frais », reconnaît un banquier en ligne. Il y a depuis quelque temps l’investissement dans des jeunes sociétés à travers le crowdfunding (Hello Bank, Fortuneo).
Après les néobanques, les agrégateurs…
La nouvelle directive européenne sur les services de paiement (PSD2), qui doit entrer en vigueur en 2018, va notamment permettre à des tiers agréés par les autorités de marché d’accéder aux données détenues par les banques. Cette mesure va venir bousculer encore un peu plus le paysage bancaire actuel. En effet, si pour détenir un compte courant il faut, aujourd’hui encore, devenir client d’un établissement, quel qu’il soit, demain, les agrégateurs bancaires devraient faire bouger les lignes. De quoi s’agit-il ? De plates-formes digitales Web et mobiles qui permettent de gérer en une seule et même interface un ou plusieurs comptes bancaires, ouverts non pas dans un même établissement, mais dans plusieurs. Et qui permettent aussi et surtout d’en ouvrir d’autres, très facilement, sans formalités, dans toutes sortes d’établissements de crédit ou de paiement. « Aujourd’hui, la Société générale, le Crédit du Nord ou les Caisses d’épargne, par exemple, ont ajouté pour leurs clients une fonction d’agrégation à leur application mobile. Demain, tout le monde pourra choisir de façon indépendante un agrégateur. Pour les banques traditionnelles ou en ligne, c’est une menace bien plus importante que celle des néo-banques », explique Thierry Mennesson. Pour (tenter de) contrer l’arrivée imminente de cette nouvelle génération de Fin Tech, la Maif a lancé « Nestor » et le Crédit mutuel Arkéa vient d’inaugurer « Max », deux agrégateurs évidemment accessibles à leurs clients respectifs, comme à ceux qui ne le sont pas encore… Preuve que la course à la relation client et au « business » du compte courant a bel et bien commencé !
Laurence Delain-David
Roselyne Poznanski