Une boisson pur marketing

C’est sous le nom de Beautific Oenobiol que le géant du soda et le fabricant de compléments alimentaires commercialisent leur boisson. Au menu, 4 versions : minceur, solaire, cheveux et ongles et « énergie + » dont le slogan est « objectif vitalité et concentration » (quel rapport avec la beauté ?). Les deux premières doivent être commercialisées en février 2013, les deux autres sont déjà testées dans 200 pharmacies, ce qui nous a permis de nous les procurer.

Manifestement, la pharmacienne n’avait pas été insensible au discours du représentant de la marque : « Le "énergie +" est bluffant ! J’ai eu une bronchite, en quatre jours ça m’a remise d’aplomb. Si vous avez une soirée, vous en prenez un, l’effet est immédiat. Vous pouvez le prendre au choix de manière ponctuelle ou en cure (un terme habituellement accolé  aux médicaments, ndlr). Le "cheveux et ongles" en revanche, doit être pris au moins 10 jours. » Une « cure » qui revient à 30 € puisque la petite bouteille de 33 cl est vendue 3 €.

85 % d’eau et 12 % de jus de fruit

Pour ce prix, que trouve-t-on d’extraordinaire dans cette boisson ? Les versions énergie + et cheveux et ongles contiennent toutes deux 85 % d’eau et 12 % de jus de fruits. Dans les 3 % restants, du sucre et des édulcorants. Oui, les deux. Forcément, il faut donner du goût à ce jus de fruits dilué. Quant aux composants supposés faire effet, dans énergie + on trouve de la caféine, autant que dans deux tasses de café, et quatre vitamines du groupe B. La présence de deux d’entre elles s’explique difficilement, les deux autres (vitamines B5 et B3) sont reconnues comme contribuant à réduire la fatigue par la nouvelle réglementation européenne. Elles sont présentes en quantité très exactement suffisante pour pouvoir porter cette allégation. Mais une alimentation équilibrée en apporte largement autant.

Même chose avec la version cheveux et ongles. Du zinc, du sélénium, de la vitamine B8 dans l’exacte quantité exigée par Bruxelles pour pouvoir promettre « contribue au maintien de cheveux normaux » ou « d’ongles normaux ». Oui, juste normaux, pas plus beaux ou plus sains, comme le suggère l’emballage.

« Attentes inexistantes des consommateurs »

Sanofi (propriétaire d’Oenobiol) croyait pourtant très fort en Beautific Oenobiol. Selon un document présenté à son comité d’entreprise en juin dernier, ces nouvelles boissons étaient censées « renouveler la base de consommateurs de compléments alimentaires » et « ancrer plus fortement [les] clients à Sanofi en leur apportant une nouvelle source de marge ». En clair, se faire bien voir des pharmaciens en leur permettant de gagner de l’argent sur autre chose que les médicaments. Le merchandising avait été savamment étudié, prévoyant un présentoir réfrigéré près des caisses qui « favorise l’achat d’impulsion » mais aussi une présentation « dans un point chaud de l’espace vente » (oui, on parle bien de pharmacies). On nourrissait même l’espoir que les clients déboursent chaque jour 3 € pour faire de la boisson « un nouveau geste beauté au quotidien en complément des routines beauté existantes ». Ce bel enthousiasme aurait pourtant été vite douché si les dirigeants de Sanofi avaient écouté les spécialistes des nouvelles tendances, comme Xavier Terlet, président de XTC World Innovation, qui soulignait à l’automne dernier au Salon international de l’alimentation : « en matière de cosmétofood (alimentation beauté, ndlr), l’offre innovante reste faible ce qui correspond bien aux attentes inexistantes des consommateurs. »

Finalement, Beautific Oenobiol, ce sont les salariés de Sanofi qui en parlent le mieux. Selon l’Humanité du 16 janvier 2013, les chercheurs maison contestent la nouvelle orientation de leur direction qui compte réduire l’activité de recherche pour se concentrer sur les cosmétiques,  plus rentables que les médicaments à ses yeux. Ils ont rebaptisé la boisson Beautifric.