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Assurance

Le médiateur s’insurge contre les clauses d’exclusion floues

Bien que condamnées par la justice, certaines clauses d’exclusion rédigées de façon trop imprécise par les assureurs continuent à apparaître dans les contrats. Dans son dernier rapport annuel, le médiateur de l’assurance demande que ces pratiques cessent.

Les services du médiateur de l’assurance, Arnaud Chneiweiss, ont enregistré près de 20 000 saisines l’an passé (voir encadré) selon le dernier rapport d’activité publié en août 2022. Ce document révèle que dans 31 % des dossiers, le médiateur est allé dans le sens de l’assuré alors que dans 69 % des cas, il a confirmé la bonne application du contrat par l’assureur. Toute saisine n’est donc pas vaine. Mais la mission du médiateur ne s’arrête pas là. Son rôle consiste aussi à tirer les leçons de plaintes récurrentes et à transmettre aux assureurs les dysfonctionnements relevés afin de corriger certaines pratiques. Il se révèle aussi force de proposition. Dans son rapport, il indique mener un combat, depuis sa prise de fonction au printemps 2020, contre les clauses d’exclusion floues dont il demande aux professionnels non seulement de ne plus les opposer à leurs assurés mais également de les faire disparaître des contrats.

Des clauses déclarées illégales par la justice

« Inobservation des règles de l’art » pour la construction d’une maison, « défaut d’entretien » d’un bien, « négligence de l’assuré », autant d’expressions qu’il estime devoir être bannies des clauses d’exclusion d’assurance. Pourquoi ? Parce qu’elles ne respectent pas les exigences du Code des assurances qui prévoient qu’une clause d’exclusion, pour être valide, doit être « formelle et limitée » (art. L. 113-1), c’est-à-dire précise. À défaut, l’assureur est tenu de prendre à sa charge les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré. Depuis plus de 20 ans par exemple, la Cour de cassation condamne avec régularité la clause d’exclusion floue de « défaut d’entretien », un concept trop vague pour que l’assuré puisse connaître exactement l’étendue de sa garantie. Sans précision de ce que signifie le « bon entretien » d’une voiture par exemple, comment un automobiliste peut-il être certain d’entretenir correctement son véhicule et d’être bien couvert par son assureur ? Chacun peut interpréter différemment cette notion imprécise. Or, selon le médiateur de l’assurance, « on ne doit pas avoir à interpréter des clauses d’exclusion ».

Des professionnels qui font la sourde oreille

Malgré les interventions régulières de la justice, les assureurs persistent à insérer de telles clauses d’exclusion floues dans leurs contrats. Pour Arnaud Chneiweiss, ce n’est plus acceptable. Même s’il précise comprendre les buts poursuivis (responsabiliser l’assuré en le rendant acteur de la prévention du risque, lutter contre la fraude…), selon lui, cela ne peut pas passer par « l’opposition à l’assuré de clauses explicitement condamnées par notre plus haute juridiction judiciaire ». D’autant que cette attitude nuit forcément à l’image de la profession et irrite la Cour de cassation qui a durci sa jurisprudence en juin 2021. Désormais, si quelques mots sont imprécis dans une clause d’exclusion, c’est l’ensemble de la clause qui est considérée invalide. Dans l’affaire dont il était question (1), la clause d’exclusion de garantie figurant dans le prêt stipulait que ne donnaient pas lieu à prise en charge par l’assureur « les incapacités et invalidités […] qui résultent : de lombalgie, de sciatalgie, dorsalgie, cervicalgie et autre "mal de dos" ». Les juges ont d’abord retenu que dans cette formulation, seule l’expression « et autre mal de dos » n’était pas formelle et limitée. Le reste de la clause étant déclarée claire, formelle et limitée, l’assureur était bien fondé à dénier sa garantie. En effet, l’assuré souffrait d’une lombosciatalgie droite, pathologie expressément visée. Mais la Cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement. Elle a considéré toute la clause invalide et inopposable à l’assuré.

Reste à savoir si l’appel du médiateur pèsera plus lourd que les décisions de la Cour de cassation. En attendant que les assurances daignent faire disparaître les notions floues de leurs contrats, les assurés qui se verraient refuser une garantie dans un tel contexte sont invités à se défendre en saisissant le médiateur et si besoin, la justice. Les associations locales de l’UFC-Que Choisir interviennent également pour régler les litiges entre consommateurs et assureurs.

La médiation de l’assurance

La médiation de l’assurance (LMA) est l’une des médiations sectorielles les plus importantes par le volume de saisines traitées. En 2021, elle a reçu 19 684 saisines, soit une hausse de 13 % par rapport à 2020 et une progression des saisines d’un tiers en 2 ans. Trois raisons à cela :

  • la loi de modernisation de la justice de 2019 qui oblige à tenter une médiation pour les litiges inférieurs à 5 000 € avant de saisir les tribunaux ;
  • une meilleure connaissance de l’existence de la médiation, dont l’accès est gratuit pour les assurés ;
  • la possibilité, depuis décembre 2020, de saisir le médiateur pour les litiges relatifs aux assurances professionnelles.​

(1) Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 juin 2021, pourvoi no 19-24.467.

Rosine Maiolo

Rosine Maiolo

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