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Banque de France

Une nomination qui passe mal

Dénonçant un risque de conflit d’intérêts majeur, plus de 140 économistes et universitaires ont publié une pétition contre la nomination de François Villeroy de Galhau, ancien directeur général délégué de BNP Paribas, au poste de gouverneur de la Banque de France. Explications.

Tout est parti d’un décret du président de la République en date du 8 septembre nommant François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Diplômé de l’ENA promotion 1984, François Villeroy de Galhau a travaillé comme haut fonctionnaire ou comme directeur de cabinet (des ministres Dominique Strauss-Kahn et Christian Sautter) jusqu’en 2003. Quand il a quitté le ministère de l’Économie et des Finances, il était directeur général des impôts. Il est alors devenu PDG de Cetelem, filiale de crédit à la consommation de BNP Paribas, avant de devenir de 2008 à avril 2015 directeur de toute l’activité banque de détail du groupe.

En 2013, son nom a circulé comme futur directeur général du Trésor. La rumeur, déjà, avait suscité de vives réactions, en raison des risques de conflit d’intérêts. Ils sont tout aussi flagrants avec cette nomination. Depuis la création de la zone euro et de la banque centrale européenne, la Banque de France a certes perdu une grande part de ses prérogatives. Son gouverneur n’en reste pas moins une personnalité de premier plan, consultée et informée sur une longue liste de décisions impliquant directement les banques. Il préside entre autres le conseil de supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), une instance chargée de réguler les banques et les assureurs.

Cette nomination pourrait prêter le flanc à la critique dans le cadre, par exemple, de l’affaire Helvet Immo. Ce prêt en francs suisses désastreux (6 000 victimes) a été conçu par des cadres venus de Cetelem et commercialisé par BNP Personal Finance, alors que François Villeroy de Galhau était en fonction dans le groupe. La juge d’instruction Claire Thépaut travaille en ce moment sur le dossier. Il n’est pas rare que la Cour de cassation ou la Chancellerie prenne l’avis de la Banque de France sur des questions techniques. Le gouverneur Villeroy de Galhau pourrait ainsi être amené à apprécier le travail réalisé sous la direction du banquier Villeroy de Galhau…

« Nécessairement un conflit d’intérêts »

« L’objectif de notre lettre ouverte n’est absolument pas de fustiger M. Villeroy de Galhau ou d’expliquer les sources de son dense réseau d’influence », précise Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et signataire de la pétition. « Il s’agit pour nous de défendre un principe simple selon lequel il y a nécessairement conflit d’intérêts lorsqu’un ancien banquier est nommé à la tête d’une banque centrale ou d’un superviseur. Son expérience, sa vision des choses, son état d’esprit le porteront à défendre les intérêts du secteur plutôt que celui de la collectivité. »

Dans un courrier cité par « Le Monde », l’intéressé s’est engagé à « ne participer à aucune décision individuelle concernant BNP Paribas ou une de ses filiales dans les deux ans suivant (son) départ de ce groupe ». Autrement dit, il ne s’interdit pas le faire dès le 2 mai 2017.

Le décret de François Hollande doit être entériné par les commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat, qui peuvent exercer un droit de veto à la majorité des trois cinquièmes. Si jamais elles avalisaient son choix, Michel-Édouard Leclerc pourrait, sans prêter à sourire, réclamer le poste de directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes. Qui connaît le secteur mieux que lui ?

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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