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Loyers impayés

À qui profite la garantie des risques locatifs ?

Le dispositif lancé par les partenaires sociaux et le gouvernement pour faciliter l'accès au logement aidera au moins autant les promoteurs constructeurs que les locataires défavorisés.

La garantie des risques locatifs (GRL) part d'une excellente intention. Elle vise à favoriser l'accès aux logements des personnes ne répondant pas aux critères habituels de solvabilité, à commencer par le « taux d'effort », c'est-à-dire le ratio entre le loyer et les revenus. Il est d'usage de considérer qu'il ne doit pas dépasser 30 %. Une personne gagnant 1 500 euros par mois ne peut pas assumer sans risque un loyer supérieur à 500 euros.

Le problème est que ces 10 dernières années, les loyers ont progressé beaucoup plus vite que les salaires. Ils ont grimpé de 40 % entre 1998 et 2008, avant de se stabiliser. L'accès au logement n'avait pas été aussi difficile depuis des décennies.

La GRL vise à le simplifier en fournissant aux propriétaires une assurance contre les loyers impayés. Il en existe déjà, mais pas sur le créneau que cible le nouveau dispositif : celui des locataires ayant un taux d'effort compris entre 28 et 50 % de leurs revenus, aides au logement et prestations sociales comprises. Soit un loyer pouvant grimper à 750 euros pour un locataire disposant de 1 500 euros par mois.

La GRL va être distribuée par des compagnies d'assurances classiques. Elle coûtera à un propriétaire entre 2 et 2,5 % de son loyer. Les assureurs, dans l'affaire, prennent peu de risque. Quand ils feront face à des sinistres GRL, ils recevront en effet une compensation de l'État, ou, le plus souvent, de l'Union d'économie sociale du logement (UESL), un organisme paritaire sous contrôle du patronat.

La première version de la GRL, lancée en 2007, a été un échec. L'explication officielle est l'opposition des compagnies d'assurances, qui auraient peu apprécié de se voir concurrencer sur leur terrain par l'UESL.

La GRL a été et restera un échec

Une autre thèse circule toutefois dans le monde de l'immobilier et dans les instances paritaires. La GRL a été et restera un échec parce qu'elle souffre d'un défaut de naissance. À 50 % de taux d'effort, la difficulté à payer le loyer n'est plus un risque, mais une certitude. Le seuil de 40 % semble déjà très dangereux. Il faut se mettre à la place des propriétaires. Là où le logement manque, comme dans les grandes villes, ils auront toujours l'embarras du choix pour louer leur bien. Pourquoi iraient-ils payer la GRL ? Le tarif de 2,19 % peut sembler raisonnable. En réalité, il ampute sérieusement la rentabilité d'un investissement locatif, proche de 8 %.

Dans les zones où il existe au contraire un excès d'offre (un certain nombre de villes moyennes, par exemple), les propriétaires ne sont pas en mesure de se montrer exigeants. Vont-ils pour autant s'intéresser à la GRL ? Ce n'est pas certain. Cette dernière, en effet, n'est pas compatible avec une caution classique, comme celle souvent demandée aux parents pour les logements d'étudiants. De plus, GRL ou pas, un mauvais payeur est tôt ou tard synonyme de frais d'huissier et de procédures d'expulsion, frais qui peuvent rapidement représenter 4 ou 5 mois de loyer. Un autre organisme paritaire, Action logement, est certes censé intervenir auprès des locataires en difficulté pour les responsabiliser, mais sera forcément impuissant si le locataire est tout simplement étranglé par un loyer trop élevé.

Sur la base de ce constat, l'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI), représentant les bailleurs privés, a déjà émis publiquement des doutes sur les chances de succès de la GRL.

Cette dernière, en définitive, est surtout applaudie par les professionnels de la construction, pour une raison très simple. Si le secteur ne s'est pas brutalement effondré en 2009, c'est grâce à l'investissement locatif. Selon les chiffres avancés par la Fédération des promoteurs constructeurs, il a représenté 70 % des 90 000 logements neufs livrés l'an dernier ! Or, les promoteurs-défiscalisateurs sont très demandeurs d'un dispositif comme la GRL, qui est de nature à rassurer les particuliers. Elle permet de leur vendre des perspectives de loyers élevés, quitte à remplir ensuite les résidences de locataires ayant un taux d'effort déraisonnable.

Précision importante, la Fédération française du Bâtiment est un membre influent de l'UESL. Cela explique peut-être pourquoi une organisation patronale accepte de cautionner les loyers impayés des locataires à faibles ressources. En réalité, via la GRL, les promoteurs constructeurs injectent simplement de l'argent dans un circuit dont ils sont les bénéficiaires...

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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