ACTUALITÉ

PollutionPourquoi il faut interdire les filtres à cigarettes

Elsa Casalegno

par Elsa Casalegno

Fumer tue, les cigarettes polluent, et les mégots y contribuent. Non seulement les filtres ne protègent pas la santé contre la nocivité du tabac, mais ils occasionnent une pollution environnementale gigantesque : émissions de gaz à effet de serre, fragmentation en microplastiques, diffusion de métaux lourds… Devant un tel bilan, une première étape serait de proscrire les filtres.

Interdire la cigarette ? Inimaginable. Pourtant, sa nuisance sanitaire est largement connue et documentée. Le tabac fait plus de 7 millions de morts par an (dont 1,6 million de fumeurs passifs), victimes de cancers ou de maladies cardiaques, parmi les quelque 1,3 milliard de fumeurs et fumeuses sur la planète, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il faut dire que ce mince cylindre contient plus de 7 000 substances chimiques, dont au moins 70 sont cancérigènes.

Mais le coût est également environnemental : les 6 000 milliards de cigarettes fabriquées chaque année consomment des ressources (terres agricoles, eau, engrais, pesticides, énergie fossile, etc.) et sont une source de déforestation. Entre la culture du tabac, la fabrication et la distribution, les cigarettes sont à l’origine de l’émission de plus de 80 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent de 17 millions de voitures à essence.

Ce lourd bilan inclut les filtres : fabriqués à base d’acétate de cellulose, un plastique, ce sont de purs produits de l’industrie pétrochimique. Or, l’extraction de pétrole occasionne des dégagements conséquents de gaz à effet de serre et une pollution majeure du milieu.

Des filtres sources de microplastiques

En fin de vie, les dégâts se poursuivent. En effet, les fumeurs ne se donnent pas souvent la peine de jeter leurs mégots à la poubelle. Les deux tiers finissent dans la nature chaque année. Soit 680 000 tonnes de déchets, essentiellement composés des filtres non consumés. Or, ces filtres ne sont pas biodégradables. En revanche, ils se fragmentent en d’innombrables microplastiques qui polluent ensuite sols et eaux, jusqu’à l’océan. Ils libèrent également dans les écosystèmes de la nicotine, des métaux lourds et divers autres produits chimiques qu’ils contiennent.

Protéger les océans

Confrontées à la toute-puissance de la filière des fabricants de cigarettes (lire l’encadré), ni l’OMS ni les associations environnementales n’espèrent bannir la cigarette de sitôt. En revanche, elles appellent à interdire leurs filtres, qui « n’ont aucun bénéfice prouvé pour la santé et polluent l’environnement », rappelle l’OMS. Les associations de protection des océans, parmi lesquelles Coalition Eau, No Plastic In My Sea, Surfrider Foundation Europe et Zero Waste France ont peut-être trouvé un angle d’attaque pour faire aboutir cette demande.

Elles passent par le Traité international de lutte contre la pollution plastique, négocié sous l’égide de l’ONU depuis 2022. Le 5e cycle de négociations, en décembre 2024 à Busan (Corée du Sud), n’a pas abouti, et s’est prolongé en août 2025 à Genève. Que viennent faire les filtres dans ce traité ? Ils pourraient être inclus dans la liste des plastiques à usage unique qui devraient être interdits à court terme afin de protéger les océans de la pollution plastique. À condition que le lobby du tabac et les pays producteurs de pétrole n’y fassent pas obstacle…

« Big Tobacco », un lobby tout-puissant

Qui oserait promulguer l’interdiction des cigarettes, cigares et vapoteuses ? Aucun responsable politique, à moins d’avoir l’intention de saborder sa carrière ! En effet, le lobby des multinationales de l’industrie du tabac, surnommé « Big Tobacco », est le plus puissant du monde, celui dont les tactiques ‒ parfois décrites sous les termes de « fabrique du doute », ou « fabrique du mensonge » ‒ ont inspiré tous les autres lobbies – qui ont hérité des surnoms de « Big Pharma », « Big Food », etc.

Ses stratégies sont multiples : pressions directes ou via des cabinets de lobbying auprès des décideurs, financement d’études biaisées (dites « science alternative ») pour contrer les résultats de la recherche académique et semer le doute sur leurs alertes, remises en question du bien-fondé des politiques de santé publique (comme la hausse des taxes ou les paquets neutres), manœuvres pour amoindrir l’efficacité des réglementations, voire contestation devant les tribunaux, financement en sous-main de groupes d’acteurs comme les buralistes, et bien sûr marketing débridé.

Soutenez-nous, rejoignez-nous

La force d'une association tient à ses adhérents ! Aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre soutien. Nous soutenir

image nous soutenir

Newsletter

Recevez gratuitement notre newsletter hebdomadaire ! Actus, tests, enquêtes réalisés par des experts. En savoir plus

image newsletter