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Scandale Nestlé WatersVers des mesures provisoires contre Perrier ?

Fabrice Pouliquen
Le service juridique de l’UFC-Que Choisir

par Fabrice Pouliquen, Le service juridique de l’UFC-Que Choisir

Début juin, l’UFC-Que Choisir a lancé une procédure judiciaire d’urgence pour demander le retrait et le rappel provisoires de toutes les bouteilles Perrier, marque éclaboussée par une vaste tromperie aux consommateurs qui perdure encore selon notre association. Le délibéré est attendu ce 18 novembre.

C’est une vaste tromperie aux consommateurs qui fait grand bruit. Pendant des années, Nestlé Waters, qui commercialise les eaux en bouteille Vittel, Contrex, Hepar ou encore Perrier, a eu recours à des traitements de désinfection interdits pour tenter, sans aucune garantie, d’endiguer des pollutions et contaminations bactériologiques régulières des eaux brutes que l’entreprise prélevait dans ses puits avant de les mettre en bouteille.

Pourtant, Nestlé Waters a continué de les estampiller « eaux minérales naturelles », ce qu’elles n’étaient plus après ces traitements. Or, en moyenne, une eau minérale naturelle est vendue 100 à 300 fois plus cher que l’eau du robinet.

Une tromperie qui court toujours ?

Là est la fraude. Selon le rapport de la Commission d’enquête du Sénat publié le 14 mai dernier, le gain engendré par Nestlé sur le dos des consommateurs au titre du scandale sur ses eaux minérales « naturelles », Perrier inclus, pourrait dépasser 3 milliards d’euros en 15 ans. Malgré ces révélations, aucune mesure n’a été prise concernant les eaux mises en rayons contre Nestlé Waters pour faire cesser cette tromperie. Le 3 juin, l’UFC-Que Choisir a lancé une offensive judiciaire visant notamment Nestlé Waters et sa marque iconique d’eau gazeuse Perrier, produite à Vergèze, dans le Gard.

Une plainte a ainsi été déposée devant le procureur de la République de Nanterre contre Nestlé Waters et les différents acteurs impliqués dans ce scandale. Elle est toujours en cours d’examen. Mais surtout, en parallèle, et concernant plus précisément la marque Perrier, l’UFC-Que Choisir a également lancé, auprès de ce même tribunal judiciaire de Nanterre, une procédure en référé dite « d’heure à heure », dont le délibéré est attendu ce mardi 18 novembre. Si cette procédure ne vise pas à donner lieu à un jugement au fond, elle pourrait permettre d’obtenir des mesures conservatoires et provisoires afin que cesse la duperie. L’UFC-Que Choisir réclame notamment le retrait et le rappel de toutes les bouteilles de Perrier actuellement en circulation, ainsi que l’interdiction temporaire de leur commercialisation comme eaux minérales naturelles.

Des mesures provisoires d’urgence

Certes, début juillet, après l’assignation lui ayant été délivrée à la demande de l’association et se conformant à une mise en demeure de la préfecture du Gard, Nestlé Waters a annoncé avoir retiré son dispositif de microfiltration à 0,2 micron (µm) utilisé jusqu’alors dans son usine de Vergèze. Celui-ci avait pour effet de modifier le « microbisme » (flore microbienne) de l’eau Perrier extraite, pourtant censée être originellement pure et la distinguant d’une « simple » eau du robinet traitée. Dans la foulée, Nestlé Waters a annoncé l’avoir remplacé par un nouveau dispositif de microfiltration à 0,45 µm, « conformément aux échanges avec les autorités sanitaires », précisait le groupe.

Selon Radio France (1), qui a eu accès aux arguments de la défense de Nestlé Waters, la filiale du géant suisse estime que ce changement de système de filtration rend caduque l’action en justice de l’UFC-Que Choisir. Une façon de détourner l’attention ? Outre le fait que cela ne règle manifestement pas la question des eaux filtrées à 0,2 µm encore en rayons ou chez les consommateurs, le problème tient dans la réglementation sur les eaux minérales naturelles qui est claire : l’utilisation d’un système de microfiltration ne peut servir à désinfecter une eau brute polluée ou contaminée par des agents pathogènes et, avant de le mettre en place, le minéralier doit apporter la preuve que ce dispositif ne modifie pas le « microbisme » de l’eau et obtenir l’autorisation de l’appliquer avant sa mise en œuvre.

Le groupe Nestlé Waters a-t-il respecté ces procédures et a-t-il notamment obtenu une autorisation préfectorale pour opérer ce changement de filtre ? La préfecture du Gard dit ne pas pouvoir nous répondre et, en tous cas, le minéralier n’en a pas justifié à l’occasion du procès en référé. Pas rassurant. L’UFC-Que Choisir a maintenu et maintient ses demandes : le retrait et le rappel de toutes les bouteilles de Perrier actuellement en circulation, ainsi que l’interdiction provisoire de la commercialisation de cette marque étiquetée « eau minérale naturelle » tant que le minéralier n’aura pas reçu un feu vert de la préfecture du Gard sur la nouvelle demande d’autorisation d’exploiter qui est toujours en cours d’instruction.

Quel avenir pour Perrier à Vergèze ?

Ces demandes ne reviendraient pas pour autant à mettre à l’arrêt l’usine de Vergèze, mais simplement à obtenir que les bouteilles qui y sont produites soient vendues pour ce qu’elles sont : des eaux de boisson et non des eaux minérales naturelles. Nestlé Waters le fait déjà en partie, depuis le printemps 2024 et le lancement de Maison Perrier, sa nouvelle marque d’eaux pétillantes et aromatisées que le groupe n’étiquette plus « eaux minérales naturelles ». Ces eaux de boisson peuvent subir légalement les mêmes traitements que l’eau du robinet.

Dans un rapport d’août 2024, dévoilé par Le Monde et la cellule investigation de Radio France, l’Agence régionale de santé (ARS) Occitanie pointait « le caractère envisageable d’un arrêt de la production » de Perrier, face aux contaminations bactériologiques persistantes des eaux prélevées dans les puits de l’usine de Vergèze. Dans ce même rapport, l’ARS invitait le groupe à « s’interroger stratégiquement sur un autre usage alimentaire possible », dans des « conditions qui apporteraient des garanties de sécurité sanitaire supplémentaires indispensables ».

Le lancement de Maison Perrier semble témoigner de ce virage. Nestlé Waters a déposé une demande de renouvellement de l’autorisation d’exploiter la source de Vergèze pour produire son eau Perrier labellisée « eau minérale naturelle ». Le préfet du Gard devait rendre sa décision le 7 août dernier. Mais, début juillet, le groupe a là encore annoncé déposer un nouveau dossier de demande d’autorisation d’exploitation d’eau minérale naturelle « se concentrant sur nos principaux forages ». De ce fait, l’examen de cette demande a été relancée et celle-ci est toujours en cours, a indiqué la préfecture du Gard à Que Choisir.

Fabrice Pouliquen

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