BILLET DE LA PRÉSIDENTE

Dépassements d’honorairesLe HCAAM au rapport

Marie-Amandine Stévenin

par Marie-Amandine Stévenin

4,5 milliards. C’est probablement l’un de chiffre de 2024. Il correspond, en euros, au montant total des dépassements d’honoraires facturés sur l’année par les médecins libéraux aux patients. Jamais un tel sommet n’avait été atteint. Pour peu surprenant que soit ce chiffre compte tenu des constats que l’UFC-Que Choisir avait dressé l’année dernière dans une analyse consacrée aux dépassements d’honoraires, il n’en reste pas moins vrai que le rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) publié il y a peu, et qui produit ce chiffre, reste riche d’éléments particulièrement intéressants… et inquiétants.

Le rapport du HCAAM, dont je salue la qualité et la pertinence, recèle de données très précises et précieuses sur la dynamique impressionnante des dépassements d’honoraires. Rendus possibles à partir de 1980, ils n’ont pas cessé de progresser depuis (à l’exception d’un léger recul en 2020 s’expliquant par une baisse de l’activité de médecine libérale lors du Covid). S’ils atteignent au total 4,5 milliards d’euros en 2024, il est notable que la quasi-totalité de ce montant (4,3 milliards) correspond aux dépassements facturés par les spécialistes. Entre 2019 et 2024, les dépassements pratiqués par ces derniers ont augmenté en moyenne de 5 % par an… hors inflation. L’explication de cette hausse saisissante est double.

En premier lieu, la part des médecins exerçant en secteur 2, et donc pratiquant des dépassements d’honoraires, est plus haute que jamais. En simplement 4 ans, la part des spécialistes pratiquant des dépassements d’honoraire est passée de 37 % à 56 %. Comment s’étonner de cette situation, sachant que trois-quarts des spécialistes qui s’installent le fond désormais en secteur 2, contre « seulement » deux-tiers en 2017 ? Pour certaines spécialités, l’appétence des libéraux nouvellement installés pour les revenus très élevés est encore plus marquée.

À titre d’illustration, les stomatologues, les rhumatologues et les gynécologues-obstétriciens qui ont débuté leur activité entre 2022 et 2024 ont choisi dans plus de 90 % des cas de pratiquer des dépassements d’honoraires. Autre exemple : si 55 % des pédiatres ne respectent pas aujourd’hui le tarif de la sécurité sociale, contre moins de 40 % en 2016 comme nous le mettions en évidence l’année dernière, c’est parce que 77 % des pédiatres qui se sont récemment installés l’ont fait en secteur 2.

En second lieu, les médecins exerçant en secteur 2 pratiquent des dépassements d’honoraires de plus en plus élevés. Après une période de baisse du taux de dépassements, celui-ci croît constamment depuis 2020 pour désormais atteindre près de 50 %.

Au niveau national, il existe de grandes disparités entre professions et départements sur la pratique des dépassements d’honoraires. Et l’hétérogénéité du niveau des taux de dépassements au sein de chaque département met en évidence que les spécialistes ne sauraient justifier leur explosion par des contraintes spécifiques pesant sur toute la profession.

S’inscrire en secteur 2 plutôt qu’en secteur 1 (au tarif de la sécurité social) est un choix. Pratiquer des dépassements d’honoraires exorbitants plutôt que de pratiquer des dépassements plus modérés dans le cadre de l’OPTAM, est un choix. Des choix qui en pratique nuisent à l’évidence à l’accès aux soins. Car ne l’oublions jamais, derrière les chiffres, il y a les maux.

Si les malades payent au global de plus en plus de dépassements d’honoraires (directement ou indirectement à travers l’augmentation des cotisations des complémentaires santé), nombre d’entre eux doivent renoncer à se faire soigner. Et lorsque je vois cette inégalité territoriale d’accès aux soins croissante et lis parallèlement que les pouvoirs publics prétendent que le droit fondamental à la protection de la santé, dont sont censés bénéficier nos concitoyens, doit « garantir l’égal accès de chaque personne aux soins », je m’étouffe.

Le rapport du HCAAM vise uniquement à ce stade à dresser un état des lieux des dépassements d’honoraires. Il prévoit désormais de réfléchir aux réformes pouvant être envisagées. Je ne peux qu’espérer qu’il reprendra à son compte nos propres demandes en la matière : une fermeture de l’accès au secteur 2 pour les nouveaux médecins, et le lancement d’un grand chantier visant à ce que les honoraires des médecins exerçant actuellement en secteur 2 soient strictement plafonnés.

Marie-Amandine Stévenin

Marie-Amandine Stévenin

Présidente de l'UFC-Que Choisir

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